MONTRÉAL - Dès que Luke Tuch est tombé dans son collimateur, à l’âge de 14 ans, Albie O’Connell s’est dit qu’il devrait tout faire pour le convaincre de s’engager au sein du programme de hockey de l’Université de Boston. 

Quatre ans plus tard, c’est avec la même conviction que l’entraîneur-chef des Terriers prédit que le Canadien ne regrettera pas d’avoir sélectionné le grand attaquant américain en deuxième ronde du récent repêchage de la Ligue nationale.

« Je pense honnêtement que Montréal a réalisé un vol, avance O’Connell en entrevue à RDS. C’est un très bon joueur, l’un des meilleurs de son groupe d’âge l’an passé avec le programme de développement américain, et je crois que son potentiel est sans limite. »

Si son bagage génétique le prédisposait à une fulgurante poussée de croissance – son frère aîné, Alex, est un attaquant de 6 pieds 4 pouces avec les Golden Knights de Vegas - Tuch n’avait pas encore le gabarit avantageux qu’il possède aujourd’hui lorsqu’il a commencé à apparaître sur le radar des universités américaines. Mais il était doué et déjà, il avait un petit côté méchant qui faisait qu’on préférait l’avoir de son côté.

« Je savais que c’est un jeune qu’on voudrait avoir avec nous juste à cause de son esprit compétitif. Il était bon, bien sûr, son talent était indéniable. Mais vraiment, il était très, très compétitif », se souvient d’avoir remarqué O’Connell. 

« Il a toujours eu ce côté frondeur et provocateur dans son jeu », témoigne Steve Cibelli, un ami de la famille Tuch qui occupe un rôle de gestionnaire au sein du programme de développement de l’État de New York.

« Même quand les mises en échec n’étaient pas permises, au niveau Peewee, on pouvait voir que ça faisait partie de son ADN. Il aime le contact. Il n’a pas peur d’utiliser son corps pour aller chercher un avantage sur ses adversaires et vous pouvez être assuré qu’il gagne la majorité de ses batailles pour la rondelle. Il me semble l’avoir entendu dire qu’il voulait bâtir son identité en s’inspirant de Jamie Benn et je crois personnellement que c’est un très bon exemple de ce à quoi il peut aspirer. Il a du talent et beaucoup de caractère. Quelque chose en lui le pousse à faire tout ce qu’il faut faire pour gagner. »

Plus qu’un tas de muscles

Cibelli réalise que le jeu des comparaisons peut mener à un terrain glissant. Tuch a des croûtes à manger avant d’arriver à la cheville de Benn, un ancien gagnant du trophée Art-Ross qui a marqué au moins 34 buts à quatre reprises depuis sa première saison dans la LNH à 20 ans. Ce qu’il veut préciser, c’est que le jeune homme qu’il a vu grandir est plus qu’un tas de muscles. 

« Pour tous ceux qui jouent contre lui, Luke est une vraie plaie, c’est vrai. Il est fort, il est physique, il est hargneux. Mais il a aussi beaucoup de talent. C’est un joueur très intelligent et un redoutable fabricant de jeu. »

En raison de la crise sanitaire qui affecte la plupart des ligues sportives de la planète, Tuch attend toujours de disputer son premier match dans la NCAA. Les équipes de la conférence Hockey East, au sein de laquelle sont inscrits les Terriers, visent présentement un début de saison vers la mi-novembre. Albie O’Connell ne peut donc se baser que sur les entraînements pour évaluer ses nouvelles recrues. Dans le cas de Tuch, ça lui suffit pour affirmer que son œil ne l’a pas trompé.  

« C’est un joueur très raffiné pour son âge, plus que bien des gars qui sont passés ici avant lui et qui ont bien réussi. Son tir est exceptionnel, il le dégaine très rapidement. Je crois que si on lui trouve un bon joueur de centre, il pourrait marquer beaucoup de buts. »

Du Tkachuk dans le nez

O’Connell a vu sa part de beaux projets passer sur le campus de BU depuis qu’il a rejoint son alma mater en 2014 dans un rôle d’adjoint à David Quinn, qui est depuis passé à la LNH avec les Rangers de New York. L’un des premiers joueurs qu’il a pris sous son aile fut Jordan Greenway. Comme Tuch, Greenway était un colosse, un attaquant de puissance gaucher qui venait d’être repêché au milieu de la deuxième ronde par le Wild du Minnesota. 

« Je crois que Luke est arrivé ici avec plus de confiance que Jordan en avait à l’époque, estime O’Connell. Avec le programme de développement, Jordan jouait dans une équipe pactée avec les Matthews, Tkachuk, McAvoy, Kunin... C’était difficile pour lui d’avoir du temps de jeu et il a eu besoin d’une bonne année avant de trouver ses repères ici. Luke était l’un des meilleurs joueurs de son équipe l’an passé. Il m’apparaît plus combattif que Jordan au même âge. »

O’Connell a aussi vu au développement de Brady Tkachuk avant que celui-ci ne soit repêché au quatrième rang par les Sénateurs d’Ottawa en 2018. En entrevue, Tuch a déjà comparé son approche à celle de Matthew Tkachuk, le frère de l’autre. Pour son nouvel entraîneur, la prétention tient la route. 

« Brady était l’un de ces gars qu’on n’avait pas besoin de pousser pour qu’il aille jouer dans le trafic. Il prenait de la place, c’était un agitateur. Luke est certainement fait dans ce moule. On a des gros gars dans notre équipe, des vétérans, et sans dire que Luke fait sa loi, disons qu’il fait déjà sentir sa présence. C’est un beau projet. Il est capable de faire un peu de tout sur la patinoire et quand on fait la somme de tout ça, ça donne tout un joueur de hockey. »