Le Canadien vient d’encaisser un revers de 5-3 aux mains des Maple Leafs.

Dans un vestiaire déjà pratiquement vide et bien tranquille, Carey Price retire les dernières pièces de son équipement au terme d’une soirée de travail pas commode au cours de laquelle il a accordé cinq buts sur les 26 tirs décochés par les rivaux venus de Toronto. Parce que le match ne voulait rien dire, les journalistes ne s’occupent pas de Price qui se dirige rapidement vers les douches.

Au centre du vestiaire, le plus gros essaim de journalistes, caméras et micros entoure la vedette de l’heure chez le Canadien : Jesperi Kotkaniemi. De l’autre côté, Victor Mete et Noah Juulsen sont les seuls autres joueurs qui répondent aux questions.

L’attention accordée à Kotkaniemi et aux autres jeunes autour de qui le Canadien entend bâtir un avenir meilleur libère des vétérans qui ne demandent pas mieux que de prendre congé des journalistes. Surtout après un revers.

Parce qu’il est un peu le capitaine bien qu’il ne porte pas le C sur son chandail, Brendan Gallagher vient ensuite faire son tour. Tout comme David Schlemko qui, après un autre match de qualité, tend à confirmer sa place au sein de la formation.

Les autres ont congé.

De tous les vétérans libérés en raison de l’attention accordée à Kotkaniemi et aux autres jeunes qui s’installent dans le vestiaire, Jonathan Drouin semble être celui qui profite le plus de la situation. S’il en profite un peu dans le vestiaire, il en profite surtout sur la patinoire.

Employé à l’aile au sein d’un trio piloté par Jesperi Kotkaniemi et complété par Artturi Lehkonen, Jonathan Drouin vient de connaître un bon match. Il a frappé quelques fois à la porte de la cage des Leafs à la suite de belles poussées orchestrées par le jeune centre. Bien qu’il disputait un premier match avec ses nouveaux coéquipiers, Drouin affichait une belle complicité avec Kotkaniemi. Une complicité qui pourrait se traduire par de solides performances si les deux jeunes sélectionnés au troisième rang de leur repêchage respectif devaient prolonger l’expérience lorsque la saison se mettra en branle pour vrai, dans une semaine, à Toronto, encore face aux Leafs.

Joueur de talent, Drouin affiche plus de vitesse que l’an dernier. Il affiche plus de créativité et de conviction en zone ennemie aussi. De fait, il affiche plus de conviction dans les trois zones. Il semble plus à l’aise dans sa façon de sillonner la patinoire. De jouer avec la rondelle et même lorsqu’il n’est pas en possession du disque.

Drouin, qu’on a plusieurs fois condamné l’an dernier parce qu’il s’acquittait des fois mal et trop souvent pas assez bien des mandats défensifs qui lui revenaient en raison de sa position de centre, s’est même distingué au cours de la première période alors qu’il est non seulement venu remplacer un défenseur pris à contrepied au fond de la zone ennemi alors que les Leafs se sont retrouvés avec la rondelle, mais s’est très bien débrouillé pour contrer l’attaque torontoise.

Venu se pointer le nez dans le fond du vestiaire, Jonathan Drouin prend quelques secondes de réflexion avant de répondre lorsque je lui demande si son retour à l’aile le libère d’un fardeau qui l’a ralenti l’an dernier.

« Tu peux dire ça oui. C’est vrai que d’une manière, je me sens libéré. À l’aile, j’ai moins de préoccupations. Je peux laisser mon instinct prendre le dessus. L’an dernier, je pensais trop sur la patinoire. Je pensais aux mises en jeu, aux responsabilités défensives, à ce que je devais faire pour remplir mon rôle. Ça compliquait les affaires. À l’aile, je peux m’adapter plus facilement au déroulement du jeu. Je peux réagir plus facilement. J’ai mon défenseur à couvrir. Le reste vient naturellement. Ou plus naturellement qu’au centre. Ça va vite sur la patinoire. Si tu perds du temps à penser à ce que tu dois faire, tu es en retard. Ça doit venir naturellement », convient Jonathan Drouin.

Impressionné par Kotkaniemi

Parce que Max Domi, qui devait être son joueur de centre lors du calendrier préparatoire, est sous le coup d’une suspension, Jonathan Drouin découvre, comme les partisans du Canadien, Jesperi Kotkaniemi. À l’image des amateurs, Drouin est emballé par le talent du jeune homme d’à peine 18 ans.

« Il m’impressionne énormément. À son âge, malgré le fait qu’il dispute ses premiers matchs sur des petites glaces, sans expérience de la LNH, il démontre des qualités évidentes. Il est très calme avec la rondelle. Ses passes sont vives et précises. Il suit bien le déroulement du jeu; il anticipe ce que l’adversaire va faire; il prévoit ce qu’il entend faire; tu vois qu’il est un vrai joueur de centre. Que malgré toutes les responsabilités qui viennent avec la position, il est mesure de jouer avec instinct », défile Jonathan Drouin.

Kotkaniemi a donné plusieurs exemples encore hier soir de ce qu’il peut faire. Des exemples qui solidifient ses chances d’amorcer la saison avec le grand club. Une saison qu’il prolongera jusqu’au printemps prochain s’il continue à s’imposer comme il le fait dans toutes les facettes du jeu.

En plus du calme qu’il affiche avec la rondelle, de sa vision, de son anticipation, des lectures qu’il effectue et des réactions qui le guident ensuite vers les bons choix de jeux, Jesperi Kotkaniemi profite de mains rapides, agiles et précises.

« On entendait parler de lui avant et après le repêchage comme d’un gars reconnu pour la qualité de son tir. C’est vrai qu’il est un bon " shooter ", mais il est meilleur encore pour distribuer les passes. Sur notre bonne séquence en première période, il m’a fait une longue passe soulevée qui est tombée directement sur la lame de mon bâton avant de suivre avec une autre qu’il m’a glissée en attirant des joueurs vers lui. Il complète des belles passes de son côté fort, mais aussi du revers. Je t’assure. Il est vraiment bon », a poursuivi Drouin.

S’il excelle dans sa distribution de passes, Jesperi Kotkaniemi a aussi démontré à quelques reprises face aux Leafs de très belles aptitudes en réception de rondelle. Bien qu’il patinait à haute vitesse en zone neutre et qu’il était suivi de près par un adversaire, Kotkaniemi a trouvé une façon de capter des passes imprécises, dont une, offerte par Jordie Benn. Après avoir récupéré la rondelle arrivée derrière lui avec une seconde de retard, le premier choix du Canadien a vite fait de reprendre le contrôle du disque pour ensuite le passer à un coéquipier. Sur un jeu semblable, bien des joueurs, et pas seulement des recrues de 18 ans, auraient perdu la rondelle au profit d’adversaires qui n’attendaient que ce cadeau au lieu d’arriver à faire oublier cette mauvaise passe en orchestrant une belle relance.

Un autre signe de son talent.

Maintenant libéré du mandat d’évoluer au centre dont il a hérité, par défaut, l’an dernier à sa première saison dans l’uniforme du Canadien, Jonathan Drouin arrivera-t-il à retrouver le fond du filet à un meilleur rythme? À mousser sa production offensive?

L’avenir le dira. Mais si le premier match disputé en compagnie de Jesperi Kotkaniemi est un signe avant-coureur de ce qui l’attend à l’aube de la saison 2018-2019, on est en droit de s’attendre à plus de la part d’un Drouin libéré des carcans associés à la position de centre. Et Drouin lui-même s’attendra à davantage.

En 77 matchs à sa première saison avec le Tricolore, Drouin s’est contenté de 13 buts et 46 points, soit huit buts et 13 points de moins que sa récolte de 2016-2017 alors qu’il avait disputé 73 matchs avec le Lightning de Tampa Bay.