Marc Bergevin a mis le cap sur la Californie dimanche matin. Au lendemain de la 41e victoire de son équipe cette saison, un gain de 4-0 aux dépens des Maple Leafs de Toronto, la 36e victoire de son gardien Carey Price, Bergevin pourra ainsi jongler avec les différents scénarios qu’il mène de front à quelques heures de la date limite des transactions.

Pendant les quelque cinq heures que durera l’envolée, Bergevin répétera l’exercice qu’il effectue plusieurs fois par jour depuis des semaines : il évaluera son équipe. Il évaluera les risques reliés à la perte d’un joueur, d’un espoir ou d’un choix au repêchage en les comparant aux dividendes que pourraient lui rapporter la ou les transactions qui mijotent depuis un certain temps.

Sans entrer dans les détails, le directeur général du Canadien reconnaît que plusieurs transactions potentielles mijotent. C’est normal. Certaines ont été retirées du feu parce que les joueurs convoités sont déjà passés à une autre formation. D’autres colleront au fond parce que Bergevin et ses homologues n’arriveront pas à s’entendre. Mais bien qu’il soit parfois difficile d’obtenir le ou les joueurs convoités à bon prix, Bergevin assure qu’il sera actif jusqu’à la toute dernière minute.

C’est à cause de cette assiduité que Marc Bergevin a réussi à mettre la main sur Thomas Vanek l’an dernier dans le cadre de la transaction qui a été la plus applaudie de la journée du 5 mars.

De son propre aveu, Bergevin ne croyait plus beaucoup à ses chances d’acquérir le franc tireur qui a rendu de très bons services au Tricolore avec ses 6 buts et 15 points lors des 18 derniers matchs de la saison régulière, en plus de ses 5 buts et 10 points en 17 rencontres de séries éliminatoires.

« Moi et Garth – Garth Snow le directeur général des Islanders – avons eu beaucoup de conversations dans les semaines qui ont mené à la date limite des transactions. Toutes les équipes savaient que Vanek était disponible. J’imagine que nous étions plusieurs à frapper à la porte. Mais chaque fois que je parlais à Garth, je lui disais que j’étais intéressé, mais qu’il demandait trop. Il ne baissait jamais son prix. Le matin de la date limite, quand j’ai vu que Vanek était toujours là, j’ai essayé une fois encore. Garth voulait bouger. J’ai mis Collberg – l’attaquant Sebastian Collberg que le Canadien avait repêché en 2e ronde en 2012 (33e sélection) – et un choix de deuxième ronde sur la table et Garth a dit oui. C’est ça la date limite des transactions, tu travailles plusieurs jours, des fois plusieurs semaines, et là en quelques minutes, quand le temps est propice, ça débloque », racontait Bergevin lors d’un entretien téléphonique jeudi, avant le match de son équipe à Columbus.

En direct… de Chicago

Ceux qui ont suivi avec attention le déroulement de la journée du 5 mars dernier, se souviendront que l’annonce de la transaction entre le Canadien et les Islanders est survenue quelques minutes seulement avant que le couperet ne tombe, à 15 h. Personne, à Montréal, à New York ou à Toronto n’en avait soufflé mot. Pourtant, elle était complétée depuis plusieurs heures.

Retenu à Chicago pour assister aux obsèques de sa belle-mère décédée quelques jours plus tôt, Marc Bergevin n’avait pas accompagné le Tricolore à Anaheim. Il était bien sûr en contact avec les membres de son état-major dans la salle aménagée en bunker à l’hôtel où le Canadien était descendu à Anaheim. Mais Bergevin devait utiliser son cellulaire avec la retenue la plus élémentaire. « Disons que la situation était particulière. C’est pour ça que j’ai contacté Garth très tôt le matin. Il devait être 10 h lorsqu’on s’est entendu. On a contacté la Ligue pour donner les détails chacun de notre côté et j’ai pu rejoindre ma famille. Je ne sais pas pourquoi, mais la Ligue a confirmé l’échange autour de 15 h», se souvenait Bergevin.

Acheter ou vendre

Au fait, combien de temps s’écoule entre les premières conversations et l’appel à la ligue pour confirmer une transaction?

« Ça varie beaucoup. Mais c’est pas mal plus long et plus compliqué que les gens croient. Je te dirais que dans mon cas, une transaction rapide prend une bonne semaine au cours de laquelle je peux avoir six, huit, dix conversations avec l’autre DG. Il y a tellement de choses à prendre en considération. Et avec le plafond, tu ne peux plus prendre de chance. Tu dois vérifier tous les détails pour minimiser les risques d’erreur », expliquait Marc Bergevin.

Comme directeur général, est-il plus agréable de vendre ou d’acheter compte tenu du fait que lorsque tu achètes, tu dois composer avec les risques de briser l’équilibre qui règne au sein de ton vestiaire.

«Ça fait juste trois ans que je suis directeur général. Je n’ai pas encore eu à gérer ce que tu appelles une vente. Je ne sais donc pas trop comment on se sent. Mais je peux t’assurer que c’est le fun d’acheter. Car quand tu achètes, c’est parce que ton club va bien et que tu veux lui donner les moyens d’aller mieux encore. Il y a une pression de ne pas se tromper, c’est clair. Mais cette une belle pression. Comme DG, tu veux être dans ce genre de position», assure Marc Bergevin.

Plans bien définis

L’état-major du Canadien, le directeur général en tête, sait depuis un bon bout de temps quelles sont les forces et les faiblesses de son équipe. Car oui, le Canadien malgré ses 41 victoires et sa place tout en haut du classement général, a des lacunes. Bien conseillé par ses adjoints qui sillonnent la ligue afin de proposer des solutions, Bergevin a ébauché plusieurs plans visant à renflouer son équipe. Autant à l’attaque, qu’en défense.

Contrairement aux Blackhawks de Chicago et à son ancien patron et mentor Stan Bowman qui ont dû s’ajuster à la dernière minute en raison de la blessure qui les privera de Patrick Kane jusque lors d’une éventuelle finale de la coupe Stanley – Bowman a d’ailleurs acquis Antoine Vermette des Coyotes de Phoenix en retour d’un choix de première ronde l’été prochain et d’un espoir (le défenseur Klas Dahlbeck) en soirée samedi – Marc Bergevin n’a pas à combler la perte d’un Max Pacioretty ou d’un P.K. Subban tombé au combat.

Ça aide!

Cela permet surtout de respecter les plans bien définis par le directeur général et son état-major au cours des dernières semaines, des derniers mois.

En janvier dernier, alors que la LNH était en pause dans le cadre de la tenue du Match des étoiles, Marc Bergevin et son équipe trimait dur.

Avec ses dépisteurs amateurs, il a effectué des projections sur le prochain repêchage. « On a fait des grilles avec les joueurs qu’on avait dans la mire selon qu’on repêche dans le top-10, entre 10 et 15, entre 15 et 20 ainsi de suite pour voir si nous pouvions nous permettre de descendre ou s’il fallait garder nos positions», a reconnu Bergevin en se gardant bien de dévoiler les résultats de cette grille.

Avec ses responsables du développement, dont le principal conseillé est Martin Lapointe, Bergevin a passé ses espoirs un à un afin de déterminer si le Canadien avait raison de maintenir sa confiance en eux ou si le temps était venu d’accepter de les céder aux équipes susceptibles d’être intéressées.

« Ce genre d’évaluation est cruciale quand vient le temps de prendre la décision finale dans le cadre d’une transaction. Sebastian Collberg était un bon prospect après son repêchage. Mais quand est venu le temps de jongler avec la décision de le laisser aller en retour de Vanek, l’évaluation qu’on avait faite m’a permis d’y aller sans hésiter », a mentionné Bergevin.

Il est donc clair que les Jarred Tinordi, Greg Pateryn, Christian Thomas, Jacob De La Rose et autres espoirs du Canadien qui sont venus à Montréal le temps d’un, trois cinq matchs et les autres qui sont demeurés à Hamilton ont tous une étiquette accolée à leur nom : une étiquette sur laquelle on peut lire : disponible ou non disponible.

Ce qui facilitera les discussions lundi, dans la salle de l’hôtel de San Jose ou Bergevin et son équipe seront enfermés jusqu’à ce que le couperet tombe sur la période des transactions.

Une douzaine de joueurs ciblés

Prudent dans les rares commentaires qu’il a formulés au cours des dernières semaines, Marc Bergevin a convenu qu’il avait quelques joueurs à l’œil autour de la LNH. Des attaquants, des défenseurs et peut-être même un gardien.

Oui Carey Price est le meilleur gardien de la planète hockey en ce moment. Dustin Tokarski est un adjoint potable, le jeune Mike Condon s’impose comme le troisième gardien de l’organisation sans oublier Joey MacDonald qui partage le travail avec lui à Hamilton et Zachary Fucale qui termine son stage junior avec les Remparts à Québec. Mais l’an dernier, même s’il était aussi bien nanti, le Canadien a fait l’acquisition de Devan Dubnyk en guise de police d’assurance. Le Tricolore pourrait faire de même cette année encore.

On verra.

Au fil de la conversation avec le rds.ca, Marc Bergevin a reconnu que le Canadien avait dressé une liste comptant entre 12 et 15 noms. La liste des joueurs que le Canadien a dans la mire afin de soit réaliser un grand coup ou d’apporter un brin ou deux de renfort.

À bord de l’avion dimanche, dans sa chambre d’hôtel au cours de la nuit et dans le war room qu’il occupera dès les petites heures lundi matin, Marc Bergevin jonglera avec ces noms, avec d’autres qui pourraient s’ajouter si des DG l’appellent pour lui faire une offre de dernière minute. Il consultera tout son monde et devra se poser la question la plus importante. À ce point-ci de la saison, avec les succès surprenants remportés par son équipe, une transaction est-elle vraiment nécessaire? Ou au contraire brisera-t-elle l’élan sensationnel qui pousse son équipe depuis octobre dernier.

La réponse finale tombera autour de 15 h lundi à Montréal alors qu’il sera midi à San Jose où le Canadien compètera son entraînement matinal en vue du duel en soirée face aux Sharks.

Foi de Marc Bergevin et en se rappelant du déroulement de la dernière journée des transactions l’an dernier, il faudra attendre jusqu’à la toute dernière minute avant de savoir si le directeur général du Tricolore a décidé de faire confiance à ses effectifs actuels ou d’ajouter un peu de renfort.