À l’image de Carey Price qui a muselé ses détracteurs en volant le premier match de la ronde de qualification des mains des Penguins et en propulsant ensuite son équipe en séries, Claude Julien a balayé du revers de la main les prétentions à l’effet qu’il était incapable de faire confiance aux jeunes.

Les promotions accordées à Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi ont clairement démontré que l’entraîneur-chef du Canadien est capable de conjuguer au présent tout en regardant vers l’avenir.

Comme tous les entraîneurs-chefs de la LNH, Claude Julien est d’abord et avant tout chèrement payé pour maximiser les chances de victoires de son équipe.

Les promotions accordées à Suzuki et Kotkaniemi ne sont donc pas tombées du ciel. Et elles ne sont pas, non plus, de simples cadeaux que le coach a décidé de leur offrir pour satisfaire les partisans et journalistes qui le couvrent de critiques parce qu’il est bien plus facile de critiquer un coach pour les moindres insuccès de ses joueurs — jeunes ou vieux — que de comprendre la complexité et la qualité du travail qu’il accomplit.

On l’a d’ailleurs vu une fois encore lorsque plusieurs partisans et quelques journalistes ont imputé au coach la responsabilité des deux pénalités écopées par le Canadien pour avoir eu trop de joueurs sur la patinoire. Ces situations font mal paraître tout le monde au sein d’une équipe. À commencer par le coach. Mais dans la LNH, la responsabilité de sauter sur la patinoire pour remplacer un coéquipier qui y revient appartient aux joueurs qu’ils soient jeunes ou vieux…

Mais bon! Revenons à Julien et aux promotions accordés à ses deux jeunes joueurs de centre.

Pour obtenir ces promotions, les deux jeunes ont d’abord dû donner à leur coach les indications dont il avait besoin pour prendre une telle décision.

Phillip Danault faisait du très bon travail entre Tatar et Gallagher. Autant en offensive qu’en défensive. En le mutant entre Paul Byron et Artturi Lehkonen, Claude Julien ne l’a pas puni. Au contraire. Il a plutôt placé Danault dans un rôle qui lui convenait davantage pour tenir tête aux gros trios des Penguins qu’il affrontait.

Suzuki plus reposé, Kotkaniemi plus solide

Claude Julien a pu prendre cette décision parce que Nick Suzuki a démontré, dès le début de la ronde de qualification, qu’il avait retrouvé les moyens qui lui avaient permis de faire le saut avec le Canadien l’automne dernier. Des moyens qui lui avaient permis de se tailler une place non seulement parmi les meilleurs joueurs du Tricolore, mais parmi les meilleures recrues de la LNH.

Ces moyens, Suzuki les avait un brin perdus après les Fêtes alors qu’il devait composer avec les aléas normaux d’une très longue et difficile première saison dans la grande ligue.

Contre les Penguins, malgré son jeune âge et un manquant criant d’expérience en séries, Nick Suzuki n’a jamais mal paru. Ou si rarement qu’on ne s’en est pas vraiment aperçu. Ce qui sautait aux yeux, c’était la qualité de ses passes, la qualité de décisions prises en cascade dans toutes les phases du jeu et le fait qu’il ne semblait nullement intimidé par ses vis-à-vis malgré leurs noms, leurs réputations et leurs exploits multipliés au fil des années.

Les mêmes éléments ont contribué à la promotion de Kotkaniemi. Une promotion que le coach nous avait d’ailleurs pratiquement lui-même annoncée lors du premier jour du camp d’entraînement.

Souvenez-vous des propos du coach qui a vite insisté sur les améliorations notées à l’endroit du coup de patin de KK et de sa manière de rester ancrés sur ses patins au lieu de se retrouver les quatre fers en l’air au moindre impact.

Quand Claude Julien y est allé de ces observations, il était clair qu’il avait l’intention de ramener Kotkaniemi au centre de l’un de ses quatre trios sur une base régulière.

Il ne restait qu’à déterminer lequel.

Domi confiné au quatrième trio

L’absence de Max Domi pour des raisons préventives – est-il besoin de rappeler qu’il souffre de diabète de type 1 et que cette maladie le rend plus vulnérable face à la Covid-19 – a permis à KK d’évoluer au sein du troisième trio lors des premiers jours du camp d’entraînement.

S’il y est resté, c’est parce qu’il a convaincu son coach qu’il méritait d’y rester. Même après le retour de Max Domi. Et s’il s’est retrouvé entre Jonathan Drouin et Joel Armia, un poste que Domi aurait facilement pu occuper et que bien des amateurs et journalistes considéraient qu’il devait occuper, c’est parce qu’il offrait le rendement nécessaire pour pousser le coach à prendre cette décision. Et aussi, et surtout, le rendement qui permettait de justifier cette décision.

Le confinement – excusez là elle est trop facile – de Domi au sein du quatrième trio a soulevé bien des questions et de contestations.

C’est normal.

Mais ce n’est pas tant le poste de 4e centre qui a fait mal à Domi. C’est le fait que ses ailiers n’étaient pas en mesure de lui offrir l’appui nécessaire pour se distinguer.

Le manque de profondeur du Canadien sur les flancs de son quatrième trio était flagrant avec les Dale Weise, Jordan Weal, Jake Evans et Alex Belzile. Des gars qui donnent et donneront tout ce qu’ils ont à donner. À l’exception de Weal qui a joué en deçà de ses capacités et s’est retrouvé hors de la formation. Mais des gars qui n’ont pas assez à donner pour garder une place régulière dans la LNH.

À mes yeux il est clair que les performances offertes par Suzuki et Kotkaniemi ont eu le plus grand poids dans la décision de leur accorder les promotions qu’ils ont obtenues. Il est tout aussi évident, du moins à mes yeux, que l’état-major de l’équipe a préféré donner à un gars plus expérimenté, comme Domi, un trio plus vulnérable afin d’éviter à KK de se retrouver dans une situation qui aurait été loin de l’avantager.

Si Claude Julien était, comme le prétendent ceux et celles qui le critiquent, vraiment un coach qui favorise l’expérience au détriment de la jeunesse, il aurait donné plus de place à Domi et à Weal, peu importe la piètre qualité de ses performances.

Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Au contraire. Dès que ses jeunes l’ont convaincu, il les a promus.

Décisions à venir…

Est-ce que Suzuki et Kotkaniemi sont ancrés pour de bon au sein des premier et deuxième trios?

Sans doute pas. Ils amorceront probablement la série face aux Flyers là où ils ont terminé la série face aux Penguins. S’ils maintiennent leur niveau de jeu, ils maximiseront les chances d’y demeurer. Mais si leurs performances s’étiolent ou encore s’ils sont simplement trop vulnérables face à des adversaires plus expérimentés qui profiteront de leurs lacunes, Claude Julien devra prendre les décisions qui s’imposent.

Des pistes pour battre les Flyers

Pas parce qu’il n’aime pas les jeunes et refuse de leur faire confiance. Mais bien parce que c’est le travail d’un coach de trouver les options les plus favorables pour ses joueurs. Surtout lorsqu’ils sont jeunes et ont encore un tas de choses à découvrir.

Quand les jeunes font leur part, comme Suzuki et Kotkaniemi l’ont fait au camp et ensuite face aux Penguins, un coach ouvre la porte et travaille avec eux. Ça ne veut pas dire de ne pas les garder à l’œil. Ça ne veut pas dire de ne pas les rappeler à l’ordre de temps en temps. Ça ne veut pas dire de ne pas les brasser un brin ou deux – pensez deux secondes à ce que John Tortorella a fait aux Lecavalier et St.Louis à Tampa et ce qu’il fait aujourd’hui à Dubois à Columbus – par le biais de commentaires ou simplement en réduisant leur temps d’utilisation.

Les plus forts, les meilleurs sauront répondre. Ils sauront rebondir. Ils sauront reprendre les places qu’ils revendiquent.

Mais quand des jeunes refusent de faire leur part, il leur arrive ce qui est arrivé aux Galchenyuk, McCarron, Tinordi et autres espoirs qui n’ont pas été en mesure de s’installer avec le Canadien.

Charles Hudon pourrait être le prochain à devoir réorienter sa carrière avec une ascension jamais complétée au sein de la hiérarchie chez le Canadien. Et si cela arrive, ce ne sera pas parce que Hudon n’aura pas eu les chances de s’installer. Car des occasions, il en a eu.

Poehling, Fleury, Juulsen

Ryan Poehling? Bien qu’il se considère arrivé pour de bon dans la LNH, il a encore le nombril vert. Il a passé plus de temps à se reposer qu’à s’entraîner pendant la pause décrétée par Gary Bettman. Il n’a donc rien fait pour pousser son coach à lui accorder une promotion. Au contraire.

À la ligne bleue, on attend toujours les retours de Cale Fleury et Noah Juulsen à qui Claude Julien a préféré Victor Mete et Xavier Ouellet.

Est-ce qu’ils sont victimes d’un désaveu du coach à leur endroit en raison de leur jeune âge?

Prétendre une telle chose serait absurde si l’on considère que Cale Fleury a non seulement amorcé la saison avec le grand club alors que peu d’observateurs s’attendaient à ce qu’il fasse le saut cette année. Surtout avec la présence d’un vétéran comme Christan Folin vers qui il aurait été facile de se tourner pour un coach qui favorise les vétérans au détriment des jeunes…

En plus, Fleury a été utilisé à profusion en début de saison, afin qu’il apprenne de ses erreurs. Il en avait d’ailleurs commis une qui avait coûté un but lors du tout premier match de l’année, en Caroline. Au fil des premières semaines, il était même devenu le point d’ancrage du troisième duo tant son jeu était plus régulier que ses partenaires défilant à sa gauche.

Fleury a ensuite frappé le mur en deuxième moitié de saison avant de se retrouver à Laval avec le club-école.

Quant à Juulsen, on connaît tous le bilan médical qui a miné ses deux dernières saisons au point qu’on a craint par moment pour la suite de sa carrière.

Les retours de ces deux jeunes arrières ne sont qu’une question de temps. Surviendront-ils lors des séries estivales? Devront-ils attendre le début de la saison 2020-2021, peu importe quand elle débutera?

Sans accoler de date précise, on peut avancer sans trop de risques de se tromper que Fleury et Juulsen obtiendront les promotions qu’ils attendent lorsqu’ils imiteront Suzuki et Kotkaniemi – et tous les jeunes à qui Julien a fait confiance partout où il a dirigé avant de revenir pour une deuxième fois derrière le banc du Canadien il y a quatre ans – et offriront à l’entraîneur-chef, ses adjoints et l’ensemble de l’état-major des motifs suffisants pour croire qu’ils sont en mesure d’obtenir ces promotions.

La balle est donc dans leur camp, bien plus que dans celui de Claude Julien.

Car ce n’est pas l’âge des joueurs qui luttent pour une place au sein de sa formation qui déterminera la décision finale du coach. Ce sont les performances offertes par ces joueurs et le fait qu’ils pousseront, ou non, ce coach à croire qu’il a plus de chances de gagner avec eux qu’avec d’autres.

Le reste ne compte pas.