Le Canadien a été éliminé des séries éliminatoires, mardi soir à Tampa Bay. Après avoir fourni un effort louable dans le but de combler un large fossé de 0-3, Montréal s'est finalement montré incapables de repartir de la Floride avec la victoire en poche lors du match no 6.

Dans les entrevues d'après-match, le joueur le plus important de la concession, Carey Price, s'est entêté à prendre une partie du blâme pour l'élimination des siens. C'était non seulement un commentaire d'une humilité admirable, mais aussi le genre de sortie à laquelle nous ont habitués certains des plus grands leaders de leur sport.

Price n'a peut-être pas été au sommet de ses habiletés, mais sa performance n'a certainement pas été la raison pour laquelle le Lightning a mis un terme à la série en six rencontres.

Au lieu de m'en tenir aux propos de Price, j'ai préféré faire ma propre recherche. L'effort et l'intensité déployés sont difficilement quantifiables, alors je me suis contenté d'analyser les chiffres. J'ai calculé les succès du Canadien en concentrant mes énergies sur trois variables : la production, la distance et le temps. J'ai donc préparé quatre tableaux qui démontrent bien, à mon avis, les facteurs qui expliquent l'absence du Canadien en finale d'association.

1. La production offensive a décliné au mauvais moment

C'est une évidence : pas un seul entraîneur ne veut voir son attaque tirer de la patte en séries. Mais il est possible de survivre à une panne sèche si la défense et le gardien prennent les bouchées doubles durant ce passage à vide. On n'a qu'à regarder ce que les Rangers de New York ont accompli ; ils seront du quator final malgré leur moyenne de buts marqués, l'une des plus basses des dernières années en calendrier d'après-saison.

CHJ'ai comparé la moyenne de buts marqués du Canadien avec la moyenne de buts alloués dans le premier graphique. Le parcours éliminatoire du CH n'a duré que 12 matchs, donc j'ai divisé la saison régulière en portions de 11-12 rencontres. La moyenne obtenue en séries (2,08) a été considérablement plus basse que le pire résultat obtenu durant les 82 premiers matchs (2,36 lors de la première douzaine de matchs, en octobre).

Deux données révélées par mon analyse sont particulièrement décevantes pour les partisans du Canadien. Tout d'abord, on constate que l'attaque avait trouvé son erre d'aller en fin de saison. Les troupiers de Michel Therrien marquaient à un rythme effréné avant d'entrer en mode séries, avant de voir cette moyenne diminuer d'un but par match. Deuxièmement, à l'exception des 11 premières rencontres du calendrier régulier, la moyenne de buts marqués dépassait largement celle des buts concédés lors de chaque segment. Cette réalité a perduré jusqu'au premier tour des éliminatoires. La moyenne de buts alloués a quelque peu grimpé face aux Sénateurs d'Ottawa et au Lightning, mais pas de manière disproportionnée par rapport à d'autres portions de la saison.

2. Les tirs ont été décochés de trop loin

Au basketball, les tirs de loin, lorsqu'ils entrent dans le panier, se traduisent par une récompense - un troisième point. Il n'y a pas de telle récompense au hockey. Des occasions de marquer peuvent être créées en provenance de la ligne bleue, mais la plupart sont le résultat de jeux à proximité du filet, en étant la première équipe sur la rondelle et en récupérant des retours de lancers errants.

CHJ'ai supposé que cela pourrait être une facette dans laquelle le Canadien a été désavantagé par rapport aux autres équipes de la LNH qualifiées pour le deuxième tour. J'ai calculé la distance moyenne, en pieds, des lancers de ces huit formations.

Durant la saison régulière, on a assisté à une moins grande disparité entre la plus courte distance (les Rangers, 38 pieds) et la plus longue (les Bruins, 43 pieds). Montréal s'était retrouvé tout juste sous la médiane, avec une moyenne de 40 pieds.

Le plan de match des New Yorkais en séries a paru inchangé, alors qu'ils continué à tirer de près sur la cage des gardiens adverses. Mais pourquoi le CH, lui, a-t-il vu sa moyenne soudainement augmenter de 10 %? On peut souligner jusqu'à un certain point le boulot accompli par les défensives adverses, mais il y a lieu de se demander si le plan match de Therrien avait changé, ou si les attaquants avaient simplement du mal à se rendre à proximité du gardien pour effectuer leurs lancers. Évidemment, la probabilité de marquer diminue au fur et à mesure qu'un joueur recule pour décocher son tir.

3. Il a mis trop de temps avant de s'inscrire à la marque

Il existe un paquet de raisons valables de s'inscrire tôt à la feuille de pointage, la plus évidente étant qu'il est plus facile de jouer avec l'avance que l'inverse. Il y aussi l'idée de dicter son plan de match au lieu d'être obligé de disputer du hockey de rattrapage, en plus de celle d'acquérir le fameux momentum. Finalement, c'est aussi une excellente façon de s'assurer d'avoir une foule énergique à la maison, ou de la réduire au silence sur la route.

Malgré tous ces facteurs de motivation à marquer tôt dans le match, le Canadien n'a réussi à enfiler l'aiguille durant la première période qu'à quatre occasions en 12 matchs éliminatoires. Comme si ce n'était pas suffisant, seulement deux fois ont-ils inscrit leur premier but de la rencontre en deuxième période. Lors des autres parties, les Montréalais ont soit été blanchis ou ont dû patienter jusqu'au troisième vingt pour s'inscrire à la marque...

CHJ'ai déterminé le temps moyen qu'ont nécessité les équipes qualifiées en vue du deuxième tour pour  faire scintiller la lumière rouge une première fois dans un match. Encore une fois, les chiffres sont révélateurs. Du groupe, Montréal a été l'équipe qui a le plus tardé avant de marquer. Le tableau est divisé en trois couleurs : le rouge sert à identifier la première période, le bleu la deuxième, et le vert la troisième. La ligne sert d'indication pour le temps moyen qu'a nécessité chaque équipe. Lorsqu'une équipe a été blanchie, je me suis servi par défaut de la 60e minute comme référence.

Comme vous pouvez le constater, trois des quatres équipes formant le carré d'as sont parmi le quatuor d'équipes ayant marqué leur premier but le plus rapidement. Chicago et Anaheim ont tiré avantage de leurs départs éclairs : les Blackhawks sont sortis victorieux de 8 de leurs 10 matchs éliminatoires, et les Ducks n'ont perdu qu'une fois en 9 matchs.

De l'autre côté du spectre, le Canadien, en moyenne, ne s'était pas encore inscrit à la marque à mi-chemin dans ses matchs. Malheureusement pour les hommes de Michel Therrien, ils ont été incapables de tirer profit de la propension du Lightning à prendre lui aussi beaucoup de temps avant d'enfiler son premier but. Il faut toutefois admettre que la moyenne de Tampa a grimpé en flèche en raison des deux jeux blancs réussis par Petr Mrazek, des Red Wings, lors de leur confrontation au premier tour. Il reste néanmoins que cette variable, comme les trois autres mentionnées dans ce texte, peuvent servir d'explication à l'élimination du Canadien.

4. Des unités spéciales minables

Sans vouloir me répéter, les unités spéciales du Canadien ont connu une glissade semblable à celle observée quant à la moyenne de buts pour/contre. Normalement, quand l'attaque n'arrive pas à produire suffisamment, la défense prend le relais, et vice versa. Les succès sur les unités spéciales sont sensés fonctionner de la même façon. Si le jeu de puissance est silencieux, l'infériorité numérique a intérêt à être avare de buts. Dans le cas du Tricolore, les deux unités ont été exécrables.

CHPour placer le tout dans une perspective historique, j'ai analysé des statistiques provenant des 10 dernières saisons (depuis 2005-06) pour toutes les formations ayant participé aux demi-finales d'association. Dans le graphique ci-bas, j'ai compilé les taux d'efficacité des équipes (axe horizontal) et le pourcentage de buts alloués lorsque l'équipe évoluait à court d'un homme (axe vertical). C'est donc dire que les clubs possédant les unités spéciales les mieux équilibrées se retrouvent à droite, tout au bas du tableau. Les équipes connaissant des difficultés dans les deux unités spéciales sont quant à eux à l'extrêmité gauche, tout en haut.

C'est une chose de se lamenter sur les insuccès du CH avec l'avantage d'un homme durant les dernières séries (2 en 36), mais il faut aussi mentionner son incapacité chronique à écouler les pénalités (seulement 28 tentatives réussies en 40 occasions). Lorsqu'on jumelle la médiocrité des deux unités, on comprend mieux pourquoi le Canadien est désormais en vacances forcées.

Des 79 équipes recensées depuis 2005-06, le Canadien vient (et de loin) au tout dernier rang. Tant les joueurs que le personnel d'entraîneurs doit prendre une partie du blâme pour ces résultats lamentables.