Le Canadien a pris la décision que tout observateur n’étant pas à Montréal aurait jugée improbable, congédiant l’entraîneur-chef Michel Therrien au profit de Claude Julien. Ce dernier avait été congédié par les Bruins de Boston le 7 février.

Cette décision est intéressante pour diverses raisons. Le Canadien a subtilisé un entraîneur à son ennemi juré, il s’est départi de son vieux renard et aussi le fait que ce même changement de personnel était survenu 14 ans plus tôt en 2003, quand Claude Julien avait entamé sa carrière d’entraîneur-chef dans la LNH.

La dernière fois que Julien a remplacé Therrien, l’opération fut assez réussie. Même si nous n’avons pas beaucoup de données pour décortiquer les parties de cette époque, observons le nombre de tirs décochés et accordés par le Canadien sous ces deux entraîneurs, de 2001-2002 à 2003-2004.

Tableau Claude JulienLes résultats peuvent ne pas paraître sensationnels globalement, mais l’impact de Julien, à la suite du congédiement de Michel Therrien, avait permis au différentiel de tirs du Canadien de passer de 43.55 % à 48.65 %. Le Canadien n’était pas encore une bonne formation sous le premier règne de Julien comme entraîneur-chef, mais il faut aussi avouer que son alignement n’était pas très bon. Cette amélioration de 5.1% quant au différentiel de tirs est l’une des meilleures enregistrées dans la LNH ces 20 dernières années.

Aujourd’hui, le Canadien s’est développé comme une bonne équipe de possession de rondelle sous Michel Therrien. Il présente le quatrième meilleur Corsi ajusté dans la LNH à 52.84 %, mais il est devancé par les Bruins (55.96 %) qui sont les meilleurs à ce chapitre. Considérant que la parité est plus forte dans la LNH et que Michel Therrien est un bien meilleur entraîneur qu’il ne l’était à son premier passage avec le Canadien, je doute que l’on assistera à une augmentation de cinq points de pourcentage quant au jeu de possession du Canadien. Cependant, je ne serais pas surpris que le Tricolore et les Bruins finissent sur un pied d’égalité dans ce domaine.

Contrairement aux Bruins, le Canadien ne compte pas sur des joueurs de centre élites et excellant dans les deux sens de la patinoire, ceux-ci étant Patrice Bergeron et David Krejci. Toutefois, le Canadien compte sur un bien meilleur groupe de défenseurs et il a également plus de profondeur sur les ailes. En effet, en analysant les deux équipes de A à Z, je ne crois pas que vous trouverez beaucoup de gens croyant que les Bruins présentent une meilleure formation que celle du Canadien. Ainsi, il est possible que tant Julien que le Canadien finissent par sortir gagnants de cette situation.

Dominer quant au différentiel de tirs est important dans la LNH, mais comme nous l’avons constaté cette année et l’année dernière, ce n’est pas la seule chose qui importe. Heureusement pour le Canadien, un système de jeu favorisant efficacement la possession de la rondelle n’est pas la seule force de Claude Julien en tant qu’entraîneur. Ses Bruins étaient la troisième meilleure équipe de la LNH quant au Corsi ajusté lors des cinq dernières années (le Canadien était 15e). Les Bruins de Julien ont aussi été dominants dans davantage de facettes où le Canadien est plus faible : en zone défensive et sur les unités spéciales.

Tableau Claude JulienLe volume de tirs est une chose, la qualité des tirs en est une autre. Cette saison, le Canadien a systématiquement accordé un grand nombre de chances de marquer extrêmement dangereuses, laissant trop souvent vulnérables leurs gardiens en ce qui a trait à la provenance des lancers et de la détente de ceux-ci. Ce fut un problème à égalité numérique pour bon nombre d’années sous Therrien, mais le principal problème cette saison est leur jeu au moment de tuer les punitions.

Aucune équipe n’a accordé davantage de chances de marquer que le Canadien en désavantage numérique, le système de jeu prôné par Julien à Boston étant très supérieur à celui du Tricolore. Les ajustements qu’apportera Julien devraient mener à une diminution significative du nombre de buts accordés et probablement une hausse importante du pourcentage d’arrêts de Carey Price.

Sur l’avantage numérique, alors que les Bruins et le Canadien affichent des taux de conversion similaires, le Canadien fait légèrement mieux, alors que les Bruins ont généré des chances de marquer de grande qualité avec constance. Ce ne fut pas le cas du Canadien. Julien prône que le disque soit toujours en mouvement sur l’attaque à cinq, favorisant de courtes passes précises entre des joueurs se déplaçant afin de se démarquer bas en zone adverse. C’est très différent que de se fier uniquement au lancer frappé de Weber.

Il y a également des domaines où Julien est plus faible que Therrien. Par exemple, je doute que son jeu en échec avant sera aussi agressif. Il demeure que les points positifs de cette décision l’emportent facilement sur les points négatifs. Therrien a mûri comme entraîneur ces cinq dernières saisons et il mérite une autre chance ailleurs dans la LNH (je pense qu’il serait un excellent choix pour Las Vegas), mais le Canadien a pris la bonne décision.