Dans un sens, je pense qu'on peut dire que le Canadien revient de loin depuis deux ou trois ans. C'était assez désolant de constater que l'organisation comptant 24 coupes Stanley avait beaucoup perdu de sa crédibilité durant toutes ces années où elle connaissait des périodes de misère en étant souvent victime de décisions improvisées et de transactions mineures qui ne résolvaient pas grand-chose.

Dans la chaise de directeur général, Réjean Houle, André Savard, Bob Gainey et Pierre Gauthier n'ont jamais pu construire un semblant d'équipe championne. Au crédit des deux premiers, il leur aurait été difficile de bâtir quoi que ce soit avec des moyens financiers des plus réduits. À l'époque de Houle et de Savard, le Canadien présentait des bilans financiers dans le rouge. Les deux DG sans expérience étaient condamnés à faire du rapiéçage en accordant des contrats à des joueurs marginaux ou en fin de carrière.

Sous l'ère du propriétaire George Gillett, Gainey et Gauthier avaient les moyens d'agir. Ce qu'ils n'ont pas toujours fait avec brio. Je pense notamment à l'été 2009 quand Gainey, avec la complicité de Gauthier, avait remercié 10 joueurs d'une claque. Dehors Koivu, Kovalev, Tanguay, Higgins, Komisarek et quelques autres. L'équipe occupait le deuxième rang de sa division avec 93 points quand ils ont eu cet éclair de génie. L'année suivante, elle a amassé 88 points et chuté au quatrième rang.

Pendant les années de misère qui ont suivi le congédiement brutal de Serge Savard, l'équipe la plus titrée du hockey a vu sa réputation sérieusement entachée. Le Canadien est devenu une équipe comme tant d'autres qui ne faisait même plus courir les foules à l'étranger. L'équipe n'inspirait plus aucune crainte, tant sur la route que sur sa glace.

Il a fallu attendre 20 ans avant qu'on retienne les services d'un directeur général recrue, mais servi par un jugement sûr. Marc Bergevin a su remettre la machine sur les rails grâce à des décisions qui ont permis de stopper l'hémorragie. Le Canadien, on s'en souvient, occupait le 15e rang dans l'Est à son arrivée. En oubliant l'année du lock-out, le Tricolore est passé de 78 points à 100 points l'an dernier.

Certes, il y avait déjà du bon matériel en place quand on l'a embauché. Price, Subban, Pacioretty et Eller étaient de futures étoiles en voie de développement. Trevor Timmins avait aussi déniché quelques bons jeunes au repêchage (Tinordi, Beaulieu, Gallagher), ce qu'il a continué de faire après l'arrivée du nouveau directeur général (Galchenyuk, De La Rose, Fucale, Andrighetto, McCarron et Scherbak). Toutefois, Bergevin a le mérite d'avoir remis de l'ordre dans une formation qu'on semblait totalement incapable de relancer.

C'est là où Bergevin s'est rapidement distingué en déclinant notamment quelques propositions de transactions qui auraient pu lui coûter un ou deux bons jeunes. Des cas comme celui de Ryan McDonagh, dramatiquement perdu dans l'échange de Scott Gomez, il n'y en aura pas sous son règne.

On le sent, le Canadien a gagné en prestige au niveau de la ligue depuis que Bergevin a décidé d'asseoir l'avenir de l'organisation sur du solide. Il a accompli de belles choses en peu de temps, ce qui a incité certaines organisations à regarder du côté de Montréal pour savoir ce qu'on y faisait de bien.

Dorénavant, il sera peut-être un peu plus facile de négocier avec des joueurs autonomes d'impact quand le besoin se fera sentir. C'est fini le temps où des joueurs autonomes se disant intéressés par le Canadien négociaient uniquement pour faire grimper les enchères ailleurs.

Le Tchèque Jiri Sekac représente une preuve spectaculaire du respect regagné par le Canadien dans les cercles du hockey. Il y avait une dizaine organisations aux trousses de ce brillant jeune joueur, libre comme l'air l'été dernier, dont celle des réputés Red Wings de Detroit. Sekac n'a pas choisi le Canadien parce qu'on lui a offert un pont d'or (925 000 $). Il a visité la ville et l'a aimée. Il est passé par le vestiaire du Centre Bell et il a été impressionné. De son propre aveu, ce sont les deux facteurs qui ont influencé sa destination. Soyons réalistes, cependant. Si le Canadien était actuellement une formation de bas-fonds de classement, Sekac se serait trouvé une autre ville et un autre vestiaire plus attrayant ailleurs. Il a probablement choisi Montréal parce que l'équipe donne l'impression de s'en aller dans la bonne direction.

D'autres cas du même genre

D'autres joueurs ont démontré leur attachement et leur loyauté au Canadien ces dernières années. Ils l'ont tous fait pour des raisons qui leur sont personnelles.

Andrei Markov n'a jamais menacé le Canadien d'aller magasiner ailleurs. Il a toujours mentionné vouloir jouer toute sa carrière dans cet uniforme. Certaines équipes ont sûrement remarqué cela.

On dira ce qu'on voudra, mais P.K. Subban aurait pu refuser la dernière offre du Canadien, même si elle était fabuleuse, et attendre deux ans afin de tester sa valeur sur le marché. Quelqu'un quelque part lui aurait probablement offert 10, 11 ou 12 millions $ par saison. Subban l'a souvent mentionné, il aime Montréal et le Canadien. C'est ici qu'il veut jouer et gagner.

Brian Gionta voulait que sa carrière se termine avec le Canadien. Il était prêt à mettre de l'eau dans son vin pour que l'aventure se poursuive. Quand le Canadien lui a offert un contrat d'un an, il a compris qu'on n'avait plus de plan pour lui. À son arrivée à Buffalo, il a raconté très ouvertement aux médias tout ce que le Canadien avait représenté pour lui. Il semblait désolé de ne plus en faire partie. Il fallait le faire dans un moment où les Sabres venaient de lui accorder 12.5 millions $ pour trois ans.

Josh Gorges n'est pas encore remis de son départ. Difficile de trouver un athlète qui était plus amoureusement attaché au Canadien. Il avait cette équipe dans la peau, ce qu'il continue de dire haut et fort.

Jaroslav Halak a permis au Canadien de connaître des séries éliminatoires du tonnerre en 2010. Il  a cru que cette grande performance allait lui permettre de rester à Montréal dans un rôle de gardien numéro un. Malheureusement pour lui, le Canadien a choisi Carey Price. Il n'est pas parti de gaieté de coeur.

Finalement, on ne peut pas dire qu'Alex Kovalev n'a pas gardé un profond attachement pour Montréal, lui qui revient ici chaque été pour participer à des activités caritatives.

Tous ces athlètes bourlinguent un peu partout dans des marchés de hockey en mentionnant tout le bien qu'ils pensent de leurs expériences présentes ou passées au sein de l'organisation du Canadien. Ça fait des petits des commentaires comme ceux-là.

Il faut dire qu'ils ont tous été traités avec beaucoup de classe car la direction de l'équipe a l'habitude de dérouler le tapis rouge devant tous ses joueurs, qu'ils soient superstars ou simples plombiers.

Quand Gionta et Gorges ont quitté le Canadien, leur téléphone n'a pas mis de temps à sonner. Au bout du fil, c'était nul autre que le propriétaire de l'organisation, Geoff Molson, qui désirait les remercier pour les précieux services qu'ils avaient rendus à l'équipe. Croyez-vous qu'ils oublieront cette délicate marque d'attention? Ces deux-là n'ont pas fini de vanter les mérites du Canadien à qui voudra l'entendre.

Parce que le Canadien continue d'avoir de beaux porte-voix parmi ses joueurs présents et passés, il est bien possible que Montréal soit dorénavant considérée comme une destination intéressante pour des joueurs en quête d'un changement.

Le comportement respectueux de la haute direction du Canadien à l'endroit de ses joueurs représente sa meilleure carte de marketing aux quatre coins de la ligue.