On s’y attendait et on n’a pas été déçu : le Centre Bell vibrait dangereusement depuis un bon moment lorsque la rondelle a été déposée pour la mise en jeu initiale.

De fait, le Centre Bell vibrait depuis la fin de l’après-midi alors que par milliers, les fans du Tricolore profitaient du plus beau dimanche du printemps pour célébrer l’arrivée des séries à Montréal. Et je ne parle pas seulement des 21 273 chanceux qui avaient mis la main sur un ou l’autre des billets disponibles. Je parle des milliers d’autres qui à défaut de pouvoir entrer dans le Centre Bell avaient simplement décidé de venir s’attrouper autour du building pour humer l’odeur des séries.

Il faut dire que ça sent bon le hockey des séries. Ça sent bon, et c’est aussi une belle symphonie pour les oreilles. Bon! Ça tirait peut-être un peu pas mal plus sur un grand tintamarre que sur une symphonie au cours du match, mais c’est beau quand même.

De fait, c’était même très beau lorsque la grande Ginette Reno, malgré la puissance et la justesse de sa voix, s’est retrouvée en sourdine alors que les amateurs qui venaient de l’accueillir en héroïne et porte-bonheur du Tricolore – la grande dame de la chanson québécoise est la Kate Smith du Canadien – lui ont fait l’affront de chanter plus fort qu’elle.

Ce devait bien être la première fois que Ginette n’avait pas la voix la plus puissante dans l’amphithéâtre. Elle n’a pas semblé s’en plaindre le moindrement tant le moment était beau, tant la fête était belle.

Encore Bourque!

Si l’entraîneur-chef du Lightning Jon Cooper souhaitait que ses joueurs tirent profit de cette énergie générée par la foule pour amorcer le match de brillante façon, c’est tout le contraire qui est arrivé. Car au lieu d’être motivés, les joueurs du Lightning, particulièrement leur gardien Anders Lindback, ont plutôt figé par la surdose de courant qui parcourait l’amphithéâtre.

Onze secondes après la mise en jeu initiale, c’était 1-0. Pour le Canadien.

Et c’est Rene Bourque qui a marqué ce but. Un troisième pour lui dans la série.

Victime de quolibets tout au long de la saison alors que le mot-clic #almostbourque était associé à son nom en raison de ses occasions ratées et de son manque de résultat, l’attaquant du Canadien devrait être associé au mot-clic #encorebourque dorénavant. Du moins maintenant…

De fait, de la façon dont il joue présentement, le Canadien devrait lui verser son salaire en entier au terme de la première période de paye l’an prochain. Car depuis que Bourque joue de façon bénévole – les joueurs ne sont pas payés en matchs préparatoires et en séries éliminatoires – il joue le meilleur hockey de sa saison. Peut-être le meilleur depuis qu’il s’est joint au Canadien en décembre 2012.

Et je ne parle pas ici seulement du but qu’il a marqué et des deux ou trois autres qu’il a ratés. Je parle de son implication autant en échec-avant qu’en replis défensifs. Je parle des mises en échec qu’il distribue. Du sérieux qu’il affiche à chacune de ses présences. Des qualités qui faisaient cruellement défaut tout au long de la saison régulière.

Cela dit, loin de moi l’intention de minimiser le talent de l’ailier gauche du Canadien ou la qualité de son tir.

Mais peu importe l’angle selon lequel vous regardez le jeu, Anders Lindback se devait toutefois d’effectuer l’arrêt sur ce jeu. Il se devait de le faire et il ne l’a pas fait, plaçant ainsi son équipe dans un fossé plus profond qu’il ne l’était déjà 11 secondes plus tôt.

Non! Ce mauvais but accordé par Lindback n’explique pas à lui seul la défaite du Lightning qui a finalement perdu 3-2 pour se retrouver à un revers d’un balayage aux mains du Canadien. Surtout que Lindback s’est bien repris par la suite en réalisant quelques bons arrêts.

Mais ce mauvais but a donné le ton à un match que le Canadien a ensuite dominé. Surtout en première période. Une première période qui aurait pu se terminer deux ou trois à zéro.

En deuxième, le Canadien a maintenu sa domination. Remis de ses émotions, le Lightning a toutefois repris un brin ou deux de vigueur. Bon! On a encore vu Nate Thompson et Matt Carle se livrer un duel à savoir lequel des deux joueurs se rendrait coupable du plus grand nombre de revirements. Et on n’a pas assez vu Valtteri Filppula, Ryan Callahan et Steven Stamkos, mais le Lightning reprenait de la vigueur.

Il l’a prouvé lorsque Ondrej Palat, 25 secondes seulement après le début d’une attaque massive reliée à une pénalité mineure écopée par Daniel Brière, a nivelé les chances.

Le but refusé

Plus encore que le mauvais but accordé par Lindback à la 11e seconde de jeu, celui que l’arbitre Francis Charron a refusé à Ryan Callahan a fait bien plus mal au Lightning. Beaucoup plus en fait.

Dans une décision controversée, Charron a refusé le but en prétextant que Carey Price a été ennuyé dans son travail par la présence d’Alex Killorn dans son demi-cercle.

Cette prémisse est tout ce qu’il y a de plus vrai. Killorn a effectivement nui au travail de Carey Price.

Là où c’est moins évident, c’est que P.K. Subban a poussé Killorn dans le fond du filet. En plus, le défenseur du Canadien l’a empêché de sortir de là se rendant alors en partie responsable de l’impact.

Là où ça se complique un peu plus, c’est que l’impact entre Price et Killorn s’est produit à la gauche du filet. Après cet impact, Price est revenu devant son filet où il a effectué une autre chute. Celle-là non provoquée. Et c’est après cette chute qu’il a lui-même fait dévier la rondelle tirée par Callahan derrière lui.

L’espace d’une ou deux secondes, le Lightning a pris les devants 2-1.

Mais dans un geste qui ne laissait place à aucune interprétation – et c’est tout à l’honneur de l’arbitre – Francis Charron a vigoureusement refusé le but. Il a maintenu sa position après le conciliabule qu’il a tenu avec son collègue Paul Devorski et les juges de lignes Derek Amell et Darren Gibbs.

Mon collègue Stéphane Auger, ancien arbitre de la LNH et analyste à RDS, m’a assuré que la décision rendue par Francis Charron était la bonne.

Kerry Fraser, qui fait le même travail que Stéphane Auger à TSN, soutient lui aussi que c’était la bonne décision à prendre.

Je veux bien leur donner raison.

Et je n’hésiterais pas une seconde à le faire si le tir de Callahan avait été décoché du côté gauche du filet de Price, tout juste après l’impact avec Killorn.

Mais comme le tir est venu de l’avant du filet, après que Price eut le temps de revenir s’installer, j’ai un petit doute qui me tenaille l’esprit.

Mais bon! La prétention des officiels (actuels ou retraités) est que Price n’a jamais été en mesure de retrouver son équilibre après l’impact avec Killorn d’où la justesse de la décision de Charron.

Je vous laisse le soin de prendre votre propre décision.

Cooper : philosophe et en furie

Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, le but, qui a privé le Lightning d’une première avance en deux matchs, a été suivi d’un autre marqué par le Canadien en toute fin de deuxième période.

Brendan Gallagher, qui s’est démené comme un Diable dans l’eau bénite hier, a reçu une passe savante de P.K. Subban qui a gardé la rondelle un long moment en zone du Lightning se permettant même d’aller contourner le filet de Lindback avant de rejoindre Gallagher devant le but.

Au lieu de retraiter au vestiaire avec une avance d’un but, le Lightning a passé le deuxième entracte à vociférer contre le but refusé, à se demander comment il allait pouvoir revenir dans le match et à se demander aussi si son capitaine Steven Stamkos frappé tout à tour par Brandon Prust et Alexei Emelin allait pouvoir revenir au jeu.

« J’étais en furie après la décision de l’arbitre et je le suis encore », a convenu l’entraîneur-chef Jon Cooper après la rencontre.

Calme, pesant bien ses mots, tout en s’assurant de bien passer son message, Cooper a toutefois reconnu que l’arbitre avait pris une décision difficile et qu’il l’avait défendu avec vigueur.

« Il a vu le jeu d’une façon, je le vois d’une autre. Je vois un gardien qui a eu amplement le temps de reprendre sa position après l’impact pour ensuite faire face au tir. Est-ce que j’ai raison, est-ce que c’est l’arbitre qui a raison? Je ne sais pas. Je sais que la décision lui revient et que je dois la respecter. À ce moment, c’était encore 1-1. On était dans le coup et c’est ce qui me fait le plus mal dans tout ça. Nos gars ont disputé un fort match. Oui la partie a mal commencé. Mais nous sommes revenus. Nous avons travaillé. Nous avons même disputé notre meilleure partie, mais nous l’avons perdue quand même », philosophait Cooper.

En plus du but refusé, le Lightning a dû composer avec une autre situation controversée en faveur du Tricolore.

Après un dégagement refusé avec 59 secondes à faire à la période médiane et alors que Michel Therrien avait déjà utilisé son temps d’arrêt en fin de première période, Carey Price s’est rendu au banc pour faire aiguiser un patin.

Un moment bien choisi pour permettre à ses coéquipiers de reprendre leur souffle 30 secondes de plus plutôt que de faire face à une autre attaque du Lightning.

Remarquez que c’était de bonne guerre pour Price de tenter d’acheter du temps comme il l’a fait…

La déveine du Lightning s’est poursuivie en troisième lorsque Ondrej Palat s’est retrouvé les quatre fers en l’air derrière le filet de son équipe – chute dont il est lui même responsable – ouvrant la porte à un filet de Tomas Plekanec.

Avec un retard de 3-1, le Lightning n’a pas lâché.

Atroce depuis le début de la série, Matt Carle a rapproché son club à un but en déjouant Carey Price d’un tir de la pointe. Le gardien n’a jamais vu venir la rondelle en raison d’une bataille de position entre Josh Gorges et Tyler Johnson devant lui.

Le Lightning a ensuite bourdonné en fin de match. Il a même frappé à la porte, mais c’était trop peu trop tard.

Il commence d’ailleurs à se faire bien tard pour le Lightning. Car s’il est vrai que le Canadien a bousillé trois fois des avances de 2-0 forgées avec des victoires arrachées sur la route, il n’a jamais bousillé une avance de 3-0 dans une série.

J’avais choisi le Canadien en six dans cette série contre le Lightning. Je n’ai plus le moindre doute que le Canadien gagnera, mais je crois maintenant que ça se finira en quatre.