TAMPA BAY - S’il est difficile de prédire avec conviction l’issue de la série Canadien-Lightning qui se mettra en branle mercredi à Tampa, il est beaucoup plus facile de déterminer lequel de ces deux clubs aura le plus à perdre dans cette première ronde. À ce jeu, le Tricolore fait bande à part.

Plus encore que le Canadien, le Lightning a causé une belle surprise cette année en se hissant au deuxième rang de la division Atlantique. Sans gardien vraiment établi, avec une défensive un brin, voire deux, anonyme, des jeunes qu’on n’attendait pas vraiment ou qu’on n’attendait plus comme le défenseur Victor Hedman et en dépit de l’absence de la machine à marquer des buts qu’est Steven Stamkos, le Lightning a su s’imposer en saison régulière.

Cette équipe pourrait être évincée des séries en quatre petites parties que ses exploits multipliés en saison régulière n’en seraient pas entachés. Du moins pas trop.

Dans le camp du Canadien, c’est différent.

Michel Therrien a beaucoup plus à perdre dans cette série qui commence que son vis-à-vis Jon Cooper.

Après avoir conduit les Penguins de Pittsburgh à la porte des séries qu’ils ont ensuite survolées jusqu’à la coupe Stanley, Therrien ne peut se permettre une élimination hâtive comme celle du printemps dernier aux mains des Sénateurs d’Ottawa.

À la dernière année de son contrat l’an prochain, Therrien mériterait pleinement une prolongation si l’on tenait compte exclusivement des performances de son club en saison régulière, ou encore de la progression de certains joueurs et de l’esprit de corps qui anime cette équipe depuis qu’il en a pris les rênes.

Bon! Ses détracteurs diront que les joueurs sont unis contre l’entraîneur-chef exigeant qu’il est. Ils diront aussi que Therrien a mal géré le développement d’Alex Galchenyuk, qu’il a affiché une politique du deux poids deux mesures dans sa gestion de certains joueurs. Ils diront surtout que l’entraîneur-chef a misé gros, et qu’il a perdu, en emprisonnant P.K. Subban dans un carcan défensif qui a éteint son potentiel à l’attaque.

Plusieurs de ces critiques sont injustes. À tout le moins nettement exagérées.

Et si le Canadien fait comme il l’a fait très souvent cet hiver et trouve une façon de battre Tampa et d’au moins se rendre en deuxième ronde, ces critiques seront nécessairement moins vives.

Une présence en deuxième ronde ne musellerait pas tous les détracteurs de Therrien. Ça non! Mais leurs critiques, aussi féroces soient-elles, ne seraient pas reprises à l’unisson par le reste des partisans.

Mais si le Canadien baisse pavillon dès la première ronde encore cette année, Therrien deviendra l’un des principaux boucs émissaires. Les critiques déferleront et le directeur général Marc Bergevin devra longuement réfléchir avant de prolonger l’entente de son entraîneur-chef. Et avec une seule saison à son contrat, Michel Therrien se retrouverait alors dans une position précaire, presque insoutenable, la saison prochaine alors qu’une séquence de deux revers éveillerait aussitôt les soupçons reliés à son congédiement.

Price doit gagner

Ce qui est vrai pour Therrien l’est aussi pour quelques-uns de ses joueurs clefs.

À commencer par Carey Price.

Avant cette année, seulement quelques partisans des Sénateurs d’Ottawa déçus d’avoir vu le géant gardien être cédé au Lightning de Tampa Bay pour faire de la place à Robin Lehner connaissaient bien Ben Bishop.

En raison de ses performances du tonnerre multipliées cette saison, Bishop jouit aujourd’hui d’une réputation enviable dans la LNH. Mais personne à Tampa ne lui impose une victoire en première ronde aux dépens du Canadien – s’il est en mesure de jouer cela dit – pour confirmer sa réputation forgée au cours des derniers mois.

Pour Price, c’est tout le contraire.

En dépit d’une saison qui lui a valu le titre de joueur de l’année chez le Canadien, de performances qui devraient lui donner l’occasion de lutter avec les meilleurs gardiens de la Ligue dans la course au trophée Vézina et peut-être même des mentions au titre de joueur le plus utile à son club – trophée Hart – sans oublier sa conquête de la médaille d’or aux Jeux de Sotchi, Price ne pourra s’arrêter dès la première ronde sans en subir des conséquences.

Avec une seule série remportée à ses premières tentatives, Price doit passer en deuxième ronde pour confirmer le brio affiché cette année. Il doit battre Tampa – ou à tout le moins ne pas être responsable de l’une ou l’autre des défaites – pour confirmer sa place au sein de l’élite des gardiens de la LNH.

Une sortie expéditive encore cette année n’effacerait pas tout ce que Carey Price a fait de bien et de très bien cette saison. Mais une élimination rapide ouvrirait la porte aux doutes que le gardien du Canadien a brillamment chassés cette année. Des doutes qui, comme les mauvaises herbes, ne sont jamais complètement éradiqués.

Carey Price n’est pas le seul à amorcer les séries avec un lot de pression beaucoup plus étouffante que ses adversaires.

P.K. Subban est dans la même situation. On pourrait aussi ajouter le nom d’Andrei Markov qui est quête d’un riche contrat lui aussi, sans oublier Brian Gionta qui aimerait bien s’assurer une petite surenchère à son endroit l’été prochain en connaissant de bonnes et longues séries.

Et que dire que Daniel Brière qui a une saison à racheter et une autre à préparer. Treize buts et 25 points en 68 matchs de saison régulière, c’est nettement insuffisant pour Brière. Le Gatinois et les partisans qui l’ont défendu tout l’hiver diront que ces statistiques sont excellentes si on les analyse en tenant compte du peu de temps d’utilisation dont il a bénéficié étant l’un des souffre-douleurs du coach.

Ce qui n’est pas totalement faux.

Mais en bon vétéran qu’il est, Brière doit maintenant obliger son coach à le garder sur la patinoire et non sur le banc en raison des trop nombreux revirements dont il s’est rendu coupable en saison régulière. De fait, Brière ne doit pas seulement obliger Therrien à l’utiliser, mais à lui offrir du temps de jeu intéressant au sein d’un trio capable d’attaquer et non seulement de se défendre.

Sans oublier que les performances du Canadien en séries pourraient aider la mise sous contrat à long terme de Thomas Vanek s’il devait goûter au plaisir de gagner en séries à Montréal au point de vouloir revivre l’expérience au fil des prochaines saisons.

Ça en fait un lot de pression sur une équipe qui a démontré être capable du meilleur lorsque la rondelle glissait de son bord, mais être aussi capable du pire.

P.K. dans le moins

Dire que la qualité du jeu de P.K. Subban a décliné depuis son retour des Jeux de Sotchi serait un euphémisme.

Le défenseur étoile du Canadien affiche 2 buts et 14 points à ses 21 derniers matchs. Non seulement l’attaque à cinq dont il est le principal rouage a été blanchie (0 en 20) à ses huit derniers matchs, mais Subban a accumulé un différentiel de moins-10 lors des 21 derniers matchs de l’année. Pis encore, on revoit depuis quelques semaines le Subban qui irrite ses entraîneurs et ses coéquipiers en gardant la rondelle beaucoup trop longtemps en multipliant les vrilles et les tentatives de déjouer, un, deux, trois adversaires au lieu d’y aller avec les jeux associés au plan de match.

Est-ce que les JO et le fait qu’il ait été gardé loin de la patinoire on fait mal à Subban? Peut-être.

Est-ce que la gestion très serrée dont il fait l’objet de la part de Michel Therrien et de son adjoint Jean-Jacques Daigneault le freine un brin ou deux? Peut-être aussi.

Mais la baisse de régime dont souffre Subban depuis son retour des Jeux s’était amorcée avant la pause olympique. De fait, elle a suivi l’annonce de sa présence au sein de l’alignement d’Équipe Canada.

Car dans les 15 parties disputées entre l’annonce officielle et la grande aventure de Sotchi, Subban s’est contenté d’un but, de six points et d’un différentiel de moins-8.

Tout cela mis ensemble, ça veut dire que Subban a récolté 20 points, dont 3 buts, à ses 36 dernières parties, mais qu’il a assombri ces statistiques offensives avec un différentiel de moins-18.

Carey Price demeure le joueur le plus important du Canadien. Si le gardien n’offre pas des performances à la hauteur de celles offertes cette saison, les chances du Tricolore de battre Tampa passeront de bonnes à peu probables.

Mais les autres joueurs devront l’appuyer.

David Desharnais et ses deux excellents ailiers Max Pacioretty et Thomas Vanek devront eux aussi retrouver leur force de frappe. Comme plusieurs, je suis convaincu que les efforts très évidents d’offrir à Pacioretty un 40e but en saison régulière ont mal servi ce trio lors des trois derniers matchs de l’année.

Les partisans du Canadien ne peuvent maintenant qu’espérer que les mauvais plis remarqués en fin de saison seront vite écrasés par le poids offensif de ce trio capable de belles et de bonnes choses lorsqu’il joue à la hauteur de son potentiel.

De fait, elle est là la clef du Canadien à l’aube de cette série : si tous les joueurs du Tricolore jouent à la hauteur de leur potentiel, si Michel Therrien garde le plein contrôle de ses émotions et de son équipe et qu’il rivalise d’adresse avec son vis-à-vis Jon Cooper du Lightning, le Tricolore devrait l’emporter.

Mais avec la pression qui pèse plus lourd sur les épaules du Canadien, il ne faudrait pas amorcer la série sur les talons. Car cette pression déjà lourde pourrait vite devenir étouffante.

La bonne nouvelle toutefois, c’est que chaque fois que la pression s’est faite étouffante au cours de la saison, le Canadien a su lui échapper.

Le fait que le Tricolore n’ait jamais perdu plus de quatre matchs de suite et qu’il n’ait traversé qu’une seule séquence du genre le prouve d’une manière convaincante.

C’est pour toutes ces raisons qu’on peut se permettre d’afficher un optimisme bien réel, sans toutefois être débordant, quant aux chances du Canadien de l’emporter aux dépens du Lightning et de passer en deuxième ronde.