Maintenant que le Canadien a fait le plein – certains diront le trop-plein – avec 14 sélections en vue du prochain repêchage, le directeur général Marc Bergevin et son équipe de recruteurs n’ont plus le choix : ils doivent frapper un grand coup.

 

C’est bien beau répéter, comme Bergevin le fait depuis son entrée en fonction il y aura bientôt huit ans – au printemps 2012 – que c’est par le repêchage qu’on bâtit des équipes gagnantes, à un moment donné il devient nécessaire, voire crucial, d’ajouter des pièces maîtresses par le biais de ce repêchage.

 

Ce que le Canadien n’a pas fait suffisamment au fil des dernières années aux yeux des partisans les plus patients. Ce qu’il n’a pas fait du tout aux yeux des partisans qui sont à bout de patience.

 

Depuis que Marc Bergevin est DG du Tricolore, son équipe a repêché 60 joueurs. Du groupe, 17 ont atteint la LNH. Cette statistique n’est pas alarmante.

 

Ce qui l’est davantage est que de ces 17 joueurs, huit seulement ont franchi le plateau des 100 matchs; quatre le plateau des 200 parties; et un seul – Alex Galchenyuk, avec 541 parties – a franchi le plateau des 300 matchs disputés dans la grande Ligue.

« Kovalchuk ne méritait pas de faveur »

 

D’autres s’ajouteront, c’est bien sûr. Surtout que les spécialistes en analyses de repêchage, dont mon collègue Craig Button, de TSN, affirment que la banque de jeunes sélectionnés lors des deux dernières années comporte des espoirs de premier plan. À commencer par Cole Caufield, le premier choix de l’an dernier.

 

Sans oublier que Nick Suzuki, bien qu’il ait été repêché par les Golden Knights de Las Vegas, pourra être considéré, du moins partiellement, comme un produit du Canadien puisque le Tricolore a acquis ses services avant qu’il ne donne ses premiers coups de patin dans la LNH.

 

Mais pour le moment, le bilan que le Canadien offre à ses partisans en matière de repêchage est un brin timide. Presque inquiétant.

 

Et ce n’est pas tout : de ces 17 joueurs, trois seulement – Artturi Lehkonen, Victor Mete et Jake Evans rappelé du Rocket lundi – sont actuellement avec le Canadien.

 

Il est impératif de souligner ici que Jonathan Drouin est venu remplacer Mikhail Sergachev; que Max Domi a remplacé Alex Galchenyuk; que Jesperi Kotkaniemi, Ryan Poehling, Cale Fleury, Cayden Primeau et autres Charles Hudon sont toujours au sein de l’organisation bien qu’ils évoluent dans la Ligue américaine.

 

Mais ils ne sont toujours pas, ou n’ont encore jamais été des joueurs dominants. Et il est même permis de se demander si l’un ou l’autre le deviendra un jour.

 

Aucun marqueur de 70 points

 

Aux 60 joueurs repêchés par le Canadien depuis l’arrivée de Marc Bergevin, et donc sous la supervision de Trevor Timmins à titre de directeur du recrutement, on doit aussi ajouter les 73 espoirs sélectionnés par le Tricolore depuis que Timmins est en tout ou en partie responsable du recrutement en 2002.

 

Trevor Timmins et les recruteurs du Canadien ont donné de bons et de très bons joueurs au Tricolore dans le cadre de ces 133 sélections : Carey Price qui a gagné les trophées Hart, Vézina, Lindsay et Jennings, Brendan Gallagher, Max Pacioretty, P.K. Subban, qui a gagné un trophée Norris, Ryan McDonagh, Mikhail Sergachev, Mark Streit, Jaroslav Halak pour ne nommer qu’eux.

Comment évaluer le travail de Bergevin?

 

En dépit toutes leurs qualités, pas un seul de ces 133 espoirs n’a encore offert une saison de 70 points aux partisans du Tricolore.

 

Aucun!

 

Trois seulement, Max Pacioretty, P.K. Subban et Mark Streit, repêché en neuvième ronde en 2004, ont connu des saisons de 60 points.

 

Il faut dire que le Canadien n’a pas gâté ses partisans en matière de candidats au trophée Art-Ross. Car depuis la saison 2002-2003, quatre joueurs seulement ont atteint le plateau des 70 points : Saku Koivu à deux reprises (2002-2003, 2006-2007), Alex Kovalev (2007-2008), Tomas Plekanec (2009-2010) et Max Domi l’an dernier.

 

Du quatuor, seuls Saku Koivu (choix de première ronde, 21e sélection) et Tomas Plekanec (choix de troisième ronde, 71e sélection) ont été repêchés par le Tricolore.

 

Vrai que le repêchage n’est pas une science exacte. Vrai que plusieurs équipes et pas seulement le Canadien ont gaspillé de nombreuses sélections et même des sélections pourtant solides en première ronde. Vrai aussi que le Canadien, contrairement aux Penguins qui ont gagné Sidney Crosby, contrairement aussi aux Leafs, aux Oilers ou aux Hawks n’a pas eu la chance de mettre la main sur des joueurs-franchises comme le sont Connor McDavid, Auston Matthews ou Patrick Kane avec la toute première sélection du repêchage.

 

Mais à un certain moment donné, il faudra que le Canadien cesse de niveler par le bas en se comparant aux équipes qui ont, comme lui, cafouillé trop souvent et qu’il prenne les moyens nécessaires pour rivaliser avec les équipes qui sont parmi les meilleures quand vient le temps d’avoir du flair pour identifier les jeunes espoirs et développer les méthodes efficaces pour faire éclore leur talent.

 

Car oui il y a plusieurs organisations qui ont trouvé les moyens de profiter de sélections tardives en première ronde et de sélections surprises lors des rondes subséquentes pour mettre la main sur des espoirs devenus des rouages essentiels aux succès de leur équipe.

 

C’est à ces organisations que le Canadien devrait se comparer au lieu de chercher à se consoler en s’associant aux déboires vécus par d’autres.

 

Plus que des coups de chance ou de malchance

 

Dans son point de presse de lundi, le directeur général du Canadien a une fois encore imploré la patience des partisans en matière de repêchage.

 

Marc Bergevin a toutefois lancé des messages qui sont loin d’inciter les partisans à lui offrir cette patience nécessaire pour bien repêcher et bien développer les vedettes de demain.

 

En soulignant à plusieurs reprises l’importance du facteur chance dans le cadre des sélections des jeunes espoirs disponibles, en insistant sur le fait qu’une fois les 15-20 premières sélections passées il devenait bien difficile de piger avec confiance et précision dans la marre remplie de jeunes espoirs, le directeur général a lui-même fait baisser la valeur des 14 sélections à sa disposition lors du prochain repêchage.

 

Il a fait aussi baisser d’un cran ou deux l’optimisme à l’endroit des 21 sélections effectuées au fil des deux dernières saisons.

 

« Plus on a de "dards" à tirer sur la cible, plus on aura de chances de marquer des points », a convenu le directeur général.

 

Ce qui n’est pas très rassurant compte tenu du fait que le Canadien n’a pas frappé le « bull’s eye » depuis très longtemps. Depuis trop longtemps.

 

Si le Canadien entend vraiment bâtir par le repêchage et surtout convaincre ses partisans qu’il est en mesure de le faire, il est urgent de leur offrir un choix de première ronde – ou d’une ronde plus tardive – autour de qui il pourra bâtir le club gagnant de demain et d’après-demain. Car la dernière fois qu’il a frappé le « Bull’s eye », c’est en 2005 qu’il y est arrivé lorsqu’il a repêché Carey Price avec la cinquième sélection.

 

Après 15 ans, il serait grand temps qu’il l’atteigne à nouveau. Du moins, il me semble que ce ne soit pas trop demandé.