Je ne sais pas pendant combien d'années encore Michel Therrien dirigera une formation de la Ligue nationale, mais un jour, à l'heure inévitable de la retraite, il pourra très certainement se dire qu'il ne l'a pas toujours eu facile. Et ce, même s'il aura connu une carrière dont plusieurs entraîneurs ont rêvé sans pouvoir la concrétiser.

À sa première expérience avec le Canadien, en relève à Alain Vigneault, il a tenu bon durant deux saisons et demie avant que ses joueurs l'abandonnent, ce qui a provoqué son remplacement par Claude Julien. Après deux années de purgatoire dans la Ligue américaine, les Penguins de Pittsburgh ont fait appel à ses services. Même s'ils ont connu deux saisons de 47 victoires sous sa gouverne, il a été sacrifié la saison suivante quand on a refusé de tenir compte que des joueurs importants étaient sur la touche.

Il a dû patienter trois ans avant que le téléphone sonne à nouveau. Une éternité pour un entraîneur francophone dans cette ligue. Embarqué cette fois dans un vent de renouveau avec Marc Bergevin, il a connu énormément de succès jusqu'à ce que Carey Price prenne le chemin de l'infirmerie.

Bref, malgré sa feuille de route plus que respectable, l'ensemble de la ligue n'a jamais vraiment reconnu ses mérites. Des exemples?

À sa première saison avec Bergevin, une campagne écourtée par un conflit de travail, le Canadien a terminé bon deuxième dans l'Association Est après s'être contenté du dernier rang la saison précédente. On a préféré remettre le trophée Jack-Adams à Paul MacLean qui ne travaille déjà plus derrière un banc.

À sa deuxième année, le Canadien a récolté 100 points, un bond de 22 points sur sa dernière saison de 82 matchs.

À sa troisième campagne, l'an dernier, le Canadien a bouclé le calendrier au deuxième rang dans toute la ligue grâce à une récolte de 110 points.

Jusqu'ici dans sa carrière, non seulement n'a-t-il pas gagné le trophée Jack-Adams, à Montréal ou à Pittsburgh, mais il n'a jamais eu le plaisir d'en être le finaliste.

J'ignore si son contrat contient une clause à boni pour ce trophée remis à l'entraîneur de l'année, mais si c'est le cas, on peut penser qu'il est passé à côté d'au moins deux gros chèques au cours des trois dernières années.

En tenant compte de tout cela, je doute fortement que Bergevin ait jonglé avec l'idée d'apporter un changement derrière le banc. S'il l'avait fait, il se serait retrouvé dans l'obligation de lui trouver un successeur pouvant lui en donner davantage, ce qui n'aurait pas été évident dans le contexte où le Canadien ressent l'obligation de faire appel à un francophone à cette position stratégique.

L'importance d'un gardien étoile

Il y a un aspect qui ne changera vraiment jamais d'une ville à une autre. La longévité d'une carrière d'entraîneur est souvent reliée à la contribution d'un gardien de qualité. Ce sont les bons gardiens qui font les bons entraîneurs. Jacques Demers répète à qui veut l'entendre qu'il doit sa bague de la coupe Stanley à Patrick Roy. À Montréal, les exemples de cela sont légion.

Patrick RoyKen Dryden a participé à six coupes Stanley en huit ans sous la férule de Scotty Bowman. Le Canadien possédait une équipe championne à l'époque, mais Dryden l'a sauvée plusieurs fois grâce à des performances magistrales.

Patrick Roy a mérité trois trophées Vézina sous le règne de Pat Burns.

Jean Perron a vu Roy gagner une coupe Stanley, un trophée Conn-Smythe et deux Bill-Jennings.

Aujourd'hui, Michel Therrien réalise que sans la contribution d'un gardien établi de la Ligue nationale, l'équipe et lui-même peuvent rapidement se retrouver dans le pétrin. La présence de Carey Price est aussi primordiale pour sa carrière que Roy l'a été pour Burns et Perron.

C'est la quatrième saison de Therrien avec le Canadien. À Montréal, cette durabilité relève presque de l'exploit. Depuis le départ de Bowman, il y a 36 ans, Burns est le seul à avoir dirigé l'équipe durant quatre saisons complètes. Depuis sa dernière coupe Stanley, l'équipe a vu passer neuf entraîneurs.

L'objectif de Geoff Molson à la suite de l'embauche de Bergevin était justement d'obtenir une stabilité comme on en voit au sein d'organisations rivales qui connaissent du succès. Inutile de préciser qu'on aurait mal compris le remplacement de Therrien si le tapis lui était glissé sous les pieds au cours des dernières semaines.

Parlant de gardien gagnant…

Quand il est question du rôle crucial qu'un gardien peut jouer dans la carrière d'un entraîneur, on pense tout de suite aux exploits de Martin Brodeur qui a été honoré comme il se doit par les Devils du New Jersey, lundi et mardi, à l'occasion du retrait de son chandail et du dévoilement d'un monument devant le domicile de l'équipe.

Brodeur, qui détient quelques-uns des records les plus prestigieux du hockey, a aidé Jacques Lemaire, Larry Robinson et Pat Burns à mériter l'unique coupe Stanley de leur carrière d'entraîneur. Même si les Devils possédaient une équipe talentueuse, Brodeur a eu un impact certain sur ces trois hommes.

En quatre saisons derrière le banc des Kings de Los Angeles, Robinson avait été exclu des séries trois fois et avait perdu en première ronde à l'autre occasion avant de se présenter au New Jersey et de gagner immédiatement la coupe en relève à Robbie Ftorek.

Lemaire est l'un des entraîneurs les plus compétents que la Ligue nationale ait connus, mais il n'avait pas gagné le gros trophée avant d'être associé à Brodeur.

Finalement, Burns avait déjà gagné trois trophées Jack-Adams sans avoir gagné la coupe avant de couronner sa très belle carrière par cet exploit chez les Devils.

Ce ne sont pas de minces accomplissements si on considère que Lemaire a éliminé Scotty Bowman en finale, que Robinson en a fait autant avec Ken Hitchcock et que Burns a battu l'équipe de Mike Babcock.

Dure épreuve pour Rogatien Vachon

Rogatien Vachon et sa familleLe gardien de but Rogatien Vachon, qui a remporté trois coupes Stanley avec le Canadien, est un charmant bonhomme qui a conservé plusieurs amis à Montréal après avoir été échangé aux Kings de Los Angeles. Rogie, comme on l'appelait familièrement, traverse un dur moment après avoir perdu son épouse des 44 dernières années des suites d'un cancer au cerveau. Elle était trois fois grand-mère.

Il avait fait la connaissance de Nicole Blanchard durant son stage avec le Canadien. Le couple avait trois enfants, un fils, Nicolas, et deux filles, Jade, adoptée au Vietnam, et Marie-Joie, adoptée en Corée du Sud.

Les Vachon formaient un clan très uni. À Rogatien et à ses enfants, nous offrons nos plus vives sympathies.

30 Minutes Chrono - P.K. Subban mérite plus de crédit