Le Canadien est rentré à la maison avec deux victoires en banque. Jusque-là, ce n'est pas une très grande surprise. Après tout, avec le meilleur gardien dans les deux camps, il affronte une équipe qui lui ressemble et qui a connu une saison similaire. Disons qu'il aurait été étonnant que les Rouges en perdent deux.

La plus grande surprise de la soirée est plutôt venue du côté de Boston. Des Red Wings amochés mais toujours coriaces ont donné de quoi réfléchir aux Bruins en enlevant le premier match de cette série, 1-0.

Au Québec, les amateurs croient majoritairement que le Canadien va disputer au moins une série de plus cette année. Mais pour que l'équipe ait la moindre chance d'aller vraiment plus loin, on sait tous que la porte doit s'ouvrir par le biais d'une élimination des Bruins. Le Canadien peut vaincre Boston n'importe quel soir de la semaine, mais dans un affrontement 4 de 7, il serait sans doute plus facile pour les joueurs de Michel Therrien de gravir les marches de l'Oratoire à genoux.

Parfois, cependant, une équipe a une destinée. Vous vous souvenez de 1986? Le Canadien comptait neuf recrues dans ses rangs, dont un nombril vert, Patrick Roy, qui s'est transformé en héros national. Personne n'a jamais cru qu'il pourrait y avoir un défilé dans le centre-ville cette année-là. Et pourtant.

On ne sait jamais quand une grande surprise surviendra. En 1986, des équipes nettement plus puissantes, qui auraient pu battre le Canadien (87 points) facilement, sont tombées avant de l'affronter. Philadelphie, champion de sa division avec 110 points, a chuté contre les Rangers (78 points). Puis, Calgary (89 points) a éliminé la meilleure formation du circuit, les Oilers d'Edmonton (119 points). D'où la finale Calgary-Montréal que le Canadien a gagnée en cinq matchs.

Je ne suis pas en train d'imaginer des scénarios du même genre pour ce printemps. Je dis juste que ces choses-là arrivent. Pensez-vous que Marc Bergevin et Michel Therrien n'y pensent pas?

On sait tous comment ça se passe au Québec quand le Canadien se présente en séries. Il en faut relativement peu pour que le rêve s'installe. Malgré la double domination du Canadien en Floride cette semaine, on ne peut pas jurer que la série soit terminée. Cependant, on va appeler un chat un chat. Pour gagner la série, le Lightning doit battre Carey Price quatre fois dans les cinq prochains matchs. À Las Vegas, un parieur d'expérience ne mettrait pas une piastre là-dessus.

La série, le Lightning l'a probablement perdue dès le premier soir. La physionomie du directeur général Steve Yzerman disait tout après le but gagnant marqué par Dale Weise en prolongation. Après avoir disputé 196 parties dans les séries éliminatoires et avoir gagné quatre coupe Stanley, Yzerman n'avait pas besoin qu'on lui fasse un portrait de la situation. Quand tu ne parviens pas à vaincre un gardien comme Carey Price quand il n'est pas à son mieux, ça sent le chauffé dans la cuisine parce qu'il était assez évident que le gardien qui a procuré à Yzerman une médaille d'or olympique allait revenir plus fort deux jours plus tard.

Stéphane Waite était convaincu que son élève jouerait avec confiance dans cette série. Price était bien dans sa peau après avoir terminé la saison sur une bonne note. Dans sa préparation, aucun détail n'avait été laissé au hasard. Et puis, le Lightning n'a quand même pas l'envergure de la puissante formation de la Suède que Price a blanchie dans la finale olympique.

Price n'est pas différent des autres gardiens qui s'imposent une forte pression dans l'espoir qu'une victoire puisse donner l'avantage de la glace à son équipe. À plus forte raison quand ça se passe à l'étranger. Il a donc ressenti une nervosité bien légitime mercredi. Il lui a fallu trois périodes pour s'en débarrasser. En prolongation, il a été impeccable en rendant possible ce qui allait suivre. Depuis cette prolongation, Price a repoussé 34 et des 35 tirs dirigés vers lui. Il a d'ailleurs fallu une supériorité numérique de deux joueurs au Lightning pour arriver à marquer cet unique but.

Vendredi, Price a été bon, mais la performance générale du Canadien a été sans bavure. Trois des quatre buts sont venus de trois trios différents. P.K. Subban a mis la dentelle de côté pour offrir le type de performance qu'on attend d'un joueur qui veut être payé comme les plus grandes étoiles de son sport. Il n'a pas marqué au cours des 21 derniers matchs, mais il a préparé les deux premiers buts de cette rencontre. Le jeu qu'il a réussi au profit de David Desharnais était un petit bijou. L'attaque à cinq du Canadien a mis fin à une disette de 28 occasions quand Desharnais a habilement fait dévier la passe d'une très grande précision de Subban. Ce n'était pas une déviation chanceuse comme on en voit si souvent. C'était un jeu habilement orchestré. Superbement complété.

Essayons de nous placer dans la tête des joueurs du Lightning à la suite de ce but. Ils étaient à la maison, ils tiraient déjà de l'arrière dans la série et le langage corporel de Price n'annonçait rien de bon pour eux. Je n'irais pas jusqu'à dire que la balloune du Lightning a commencé à se dégonfler après ce premier but. Disons que le but a eu l'effet d'une solide droite au plexus.

Au Centre Bell demain soir, l'homme le plus intimidant sur la patinoire sera Price. Il faudra que les visiteurs le déjouent tôt dans le match pour chasser le doute qui les habite en ce moment. Hier soir, Price ressemblait au gardien qui a gagné avec une facilité relative la plus riche des médailles olympiques.

Si jamais Rene Bourque…

Si le duo Subban-Desharnais leur a fait mal, c'est Rene Bourque qui leur a cassé les reins. Et deux fois plutôt qu'une.

Ah ce Rene Bourque! Si seulement le cordon du coeur ne traînait pas constamment sur la glace. Si seulement il ressemblait à la moitié du joueur qu'on souhaitait obtenir quand on a laissé partir Mike Cammalleri. C'est un gros bonhomme avec de bonnes mains, mais avec une greffe du coeur qui n'a pas réussi.

S'il affichait le dynamisme d'un Vanek ou d'un Pacioretty, par exemple. Si la détermination et la force physique qu'il a démontrées en se débarrassant de Sami Salo pour se rendre jusqu'à Anders Lindback et porter la marque à 2-0 était plus une habitude qu'un sursaut d'énergie passager, le Canadien formerait une équipe nettement plus menaçante. Ça ne court quand même pas les rues les attaquants de sa carrure capables d'exécuter un jeu comme celui-là.

Rene Bourque et Andrej Sustr

L'entraîneur Jon Cooper a ressenti le besoin de retirer son gardien à la faveur d'une recrue, Kristers Gudlevskis, après le troisième but inscrit par Brandan Gallagher. Grudlevskis est un Letton comptant deux matchs d'expérience dans la ligue et zéro minute d'action dans les séries, mais il a failli ruiner les chances du Canada en quart de finale aux Jeux olympiques quand il a repoussé 55 tirs dans une défaite crève-cœur de son pays, 2-1. Cooper a fait appel à lui dans une cause perdue afin d'éviter que la confiance de Lindback soit trop affectée en prévision du troisième match.

On peut le comprendre. Lindback est son unique espoir de victoire contre une formation combative qui sera soulevée par une foule qui ne demande qu'à jouer son rôle en pareilles circonstances.

L'ambiance du Centre Bell apportera peut-être un élément de plus dans la période de réflexion que s'accordera éventuellement Thomas Vanek. On ne le connait pas suffisamment pour savoir si le climat survolté d'une vraie ville de hockey constitue un élément important à ses yeux. Chose certaine, celui qui a obtenu 15 points en 19 matchs avec le Canadien, risque de beaucoup s'amuser au cours des prochaines semaines.

L'étonnant Cedric Paquette

Cedric Paquette ne pardonne toujours pas au Canadien de l'avoir ignoré au repêchage et ça parait dans son jeu. On lui a fait confiance en le rappelant des mineures pour les séries et en lui donnant un temps de glace suffisamment généreux pour se faire voir par les dirigeants du Canadien. C'est contre lui que Price a réussi son arrêt le plus spectaculaire vendredi. On le voit constamment parce qu'il patine, parce qu'il est agressif et parce qu'on sent qu'il veut faire une différence.

Cédric PaquettePaquette a été réclamé en quatrième ronde, il y a deux ans. Quelques rangs plus tôt, le Canadien a opté pour un autre centre du même gabarit, Brady Vail, qui a totalisé 77 buts en trois saisons junior à Windsor. Paquette en a marqué 58 en deux ans à Blainville.

On peut dire que le Canadien l'a échappé celui-là. C'est pour cette raison qu'il faut toujours en prendre et en laisser quand on nous répète depuis 100 ans qu'à talent égal, on réclamera toujours un Québécois. Paquette rêvait de porter le chandail du Canadien et à la lumière de ce qu'il a démontré durant les deux premiers matchs de cette série, il est permis d'imaginer qu'à six pieds et un pouce et 205 livres, il aurait pu se faire une niche éventuellement au centre d'un troisième ou d'un quatrième trio à Montréal.

Il vient de connaître une respectable saison de 20 buts dans la filiale de Syracuse tout en passant 153 minutes au banc des pénalités. Il aurait probablement été le premier gars de Gaspé à porter les couleurs du Canadien. Ça l'enrage juste à y penser.