Malgré son petit côté taquin et ses habits aux couleurs et géométries variables, Marc Bergevin est un directeur général tout ce qu’il y a de plus conservateur.

Convaincu que la qualité du repêchage et du développement des jeunes de son organisation sont les règles d’or qui permettront au Canadien de soulever sa 25e coupe Stanley, Bergevin n’a pas l’intention de déroger à son plan. Pas question donc de sacrifier des jeunes et/ou des choix au repêchage pour mousser les chances de son équipe d’emprunter un raccourci pour atteindre les grands honneurs.

Rencontré au lendemain de la débâcle de jeudi dernier à Philadelphie et à la veille d’un duel qui s’annonçait très inégal face aux Blackhawks de Chicago, le patron du Canadien, bien que satisfait de la quatrième place dans l’Est de son équipe à la mi-saison, ne se laissait éblouir pour autant.

« Si nous avions 10, 12 ou 15 points de plus au classement, peut-être que je songerais à modifier mon plan. J’ai bien dit peut-être. Mais aussi content que je le sois de notre place au classement, je sais très bien que trois, quatre ou cinq défaites de suite nous ramèneraient autour de la huitième place. Et il ne faudrait pas paniquer non plus. Il y a de très bonnes équipes qui perdent trois ou quatre matchs de suite dans la LNH d’aujourd’hui. C’est rendu tellement serré que je n’ai pas le droit, comme directeur général, de mettre l’avenir de l’équipe en péril avec des décisions à court terme. Surtout qu’en début de saison, nous placions notre club au sein du groupe des équipes qui auront à batailler jusqu’à la toute fin pour assurer leur place en séries. »

L'avis est donc donné aux amateurs et observateurs qui réclament une ou des transactions importantes d’ici la date limite des échanges, le 5 mars, de ne pas retenir leur souffle trop longtemps. Ils pourraient mettre leur santé en danger.

L’empreinte viendra des jeunes

Une transaction importante permettrait toutefois à Bergevin de donner une identité à son équipe. De mettre son empreinte sur le club qu’il guide pour une deuxième saison seulement.

« C’est bien beau un blockbuster, mais dis-moi donc combien tu en as vu cette année? Et l’an dernier? Je crois que le dernier gros échange qui a modifié l’image des deux équipes impliquées s’est conclu il y a trois ans (23 juin 2011) lorsque les Flyers et les Kings ont échangé Mike Richards et les jeunes Schenn et Simmonds. Mon empreinte sur l’équipe, ce sont les jeunes qui l’apposeront. Gallagher, Galchenyuk et Bournival sont ici. Tinordi, Beaulieu et d’autres bons jeunes se développent à Hamilton. Ils seront ici un jour. Sans oublier tous les autres que je viens de voir au Championnat mondial junior. Ça prendra plus de temps. C’est vrai. Car la route vers Montréal pour tous ces jeunes implique un détour à Hamilton. Et c’est très bien comme ça. Parce que ce qu’on bâtit, on le bâtit sur du solide. On le bâtit pour longtemps. Je n’ai jamais vu un jeune être remonté trop tard pour une équipe de la LNH. Mais j’ai souvent vu des jeunes, et des très bons à part ça, être remontés trop vite et gaspiller leur talent et leur carrière. J’espère que nos partisans comprennent ça. »

Aussi sincère soit Marc Bergevin quand il soutient que les transactions sont rendues difficiles à compléter, il ne fait pas de doute que le patron du Canadien soit à l’affût de toutes les possibilités.

Les noms de quelques joueurs, dont Max Pacioretty, ont été au centre de rumeurs, dont certaines étaient fondées, laissant croire qu’une transaction était possible. Voire probable.

« Si tu me demandes si je parle avec les autres DG, c’est bien évident. On se parle tous les jours. Des noms sont parfois lancés ici et là. Mais est-ce que ça veut dire que ça va aboutir? Pas du tout. C’est ma responsabilité d’améliorer l’équipe. Je regarde toutes les façons de le faire. Mais à mes yeux, c’est par le repêchage et le développement que les grandes améliorations surviennent. Pas avec des réparations éclair. »

Brière, Parros, Murray

Si l’apport des Galchenyuk, Gallagher et Bournival se fait déjà sentir dans le vestiaire du Canadien et qu’il est vrai que l’avenir semble prometteur sur le plan de la relève, Bergevin peut profiter du marché des joueurs autonomes pour aider la cause de son équipe.

Et à ce niveau, ses embauches de l’été dernier tardent à rapporter des dividendes. Daniel Brière ne produit pas à la hauteur des attentes et du contrat de deux ans et huit millions que Bergevin lui a accordé. Le défenseur Douglas Murray et l’homme-fort George Parros sont loin d’être des rouages importants au sein de l’équipe.

Lorsqu’on lui demande d’évaluer la qualité de ces trois embauches à la mi-saison, Bergevin convient que celle de Daniel Brière le chicote. Pour l’instant.

« On s’attendait à plus de Daniel. C’est bien évident. Plusieurs facteurs l’ont ralenti en première moitié de saison. L’adaptation est plus lente que je l’anticipais. La bonne nouvelle, c’est que Daniel débute normalement ses saisons lentement. Je crois vraiment qu’il débloquera en deuxième moitié de saison et qu’il sera un atout précieux en séries », a lancé Bergevin en implorant la patience des partisans.

« Regardez ce qui est arrivé avec David (Desharnais) et Max (Pacioretty) en début de saison. Les choses n’allaient pas bien du tout. On leur a fait confiance. Michel a travaillé avec eux. On leur a donné les chances et le temps pour qu’ils s’en sortent. J’envisage la même chose avec Daniel », a poursuivi Bergevin.

S’il accepte de composer avec les critiques dans le dossier Brière, Marc Bergevin est beaucoup plus agressif dans sa défense lorsque les noms de Murray et Parros tombent dans la conversation.

« Des fois je me demande si vous pensez qu’on croyait mettre la main sur des super-étoiles avec Murray et Parros. Nous avions besoin d’un gros défenseur d’expérience et solide pour solidifier notre brigade. On avait besoin d’ajouter du poids sur notre quatrième trio pour mieux affronter les équipes robustes. Murray nous donne exactement ce qu’on attendait de lui. Dans le cas de Parros, les blessures l’ont empêché de nous offrir tout ce qu’on attendait. Mais on voulait un gars qu’on habillerait de temps en temps et qui obtiendrait quelques présences par période. George nous aurait donné ça lui aussi s’il n’avait pas été blessé », a plaidé Bergevin.

La victoire de samedi aux dépens des Hawks a offert à Bergevin des arguments supplémentaires dans sa défense de Parros et Murray. Le premier a contribué au premier but du match en voilant la vue du gardien Corey Crawford sur un tir du défenseur Andrei Markov.

Sans être rapide et/ou élégant sur patins, le deuxième a su s’imposer à quelques reprises pour empêcher les dangereux Blackhawks de se rendre jusqu’à Carey Price.

Constance recherchée

Quand on demande à Marc Bergevin ce qu’il souhaite obtenir de son équipe en deuxième moitié de saison, il ne saute pas directement à la coupe Stanley.

Ça manquerait de sérieux.

« Ce que j’espère, c’est d’obtenir plus de constance de la part des joueurs sur une base individuelle et collective aussi. On a prouvé en première moitié qu’on pouvait disputer des forts matchs et rivaliser avec n’importe qui. On a aussi prouvé le contraire quelques fois. J’aimerais qu’on réduise au minimum le nombre de matchs dont on se sort nous même. Ce serait une grande amélioration. Et ça se traduirait par des victoires. »

Contrats à signer 

En attendant de voir si ces joueurs sauront lui offrir la constance recherchée, le directeur général du Canadien n’entend pas chômer.

Il doit négocier de nouveaux contrats avec son défenseur étoile P.K. Subban, un contrat qui sera le plus dispendieux de l’histoire du Canadien. Il doit aussi chercher à s’entendre – ou prendre la décision de les laisser partir – avec les arrières Andrei Markov et Raphael Diaz.

Il devra aussi jongler avec une décision similaire dans le cas de son capitaine Brian Gionta. Un capitaine qui rend de grands services à son équipe et à ses coéquipiers sans obtenir une reconnaissance proportionnelle de la part des partisans.

« Gio nous donne tout ce qu’on peut attendre d’un capitaine. C’est un vrai leader. Un gars que tu veux avoir au sein de ton équipe », a lancé Bergevin en parlant de Gionta qui écoule la dernière année du contrat de cinq ans (25 millions $) signé lors de son arrivée à Montréal.

Un peu plus et Bergevin confirmait son intention de garder son capitaine en poste l’an prochain et peut-être pour quelques saisons encore si l’ailier droit acceptait une diminution importante – peut-être de moitié – de son salaire annuel qui s’élève à 5 millions $.

« Je n’ai que des bons mots à dire sur lui », s’est contenté de dire Bergevin à propos de l’avenir de son capitaine à Montréal.

Dans les dossiers des défenseurs Subban, Diaz et Markov, Marc Bergevin s’est limité à ses commentaires habituels et prévisibles lorsqu’il est question de négociations. « Ça va comme on pensait que ça irait. Il faut prendre le temps qu’il faut, mais on est patient. »