Médecin de famille du CH depuis 60 ans
MONTRÉAL - David Mulder a sauvé la vie de Trent McCleary le 29 janvier 2000.
Atteint à la gorge par un puissant tir frappé devant lequel il avait plongé, McCleary ne respirait plus lorsqu'il est sorti de la patinoire. Chirurgien thoracique, Mulder a effectué une trachéotomie qui a permis aux poumons de McCleary de se remplir à nouveau.
C'est aussi David Mulder qui a orchestré les manœuvres délicates autour de Max Pacioretty après qu'il eut été envoyé tête première contre la baie vitrée par Zdeno Chara, des Bruins de Boston, en mars 2011.
Eh oui! C'est encore David Mulder qui a guidé Saku Koivu jusqu'au bout des traitements très agressifs qui lui ont permis de renverser le cancer qui, en 2001, mettait non seulement sa carrière, mais sa vie en péril.
Derrière ces trois interventions exceptionnelles et très médiatisées, se cachent des milliers d'autres, multipliées par celui qui a soigné les joueurs de l'organisation au cours des 60 dernières années. De celui qui, depuis son arrivée au sein de l'organisation en 1963, a été le médecin de famille du Canadien.
« Il l'est toujours même s'il est maintenant à la retraite », lance le vénérable Serge Savard qui est arrivé dans le giron du Canadien en même temps que le médecin à qui le « Sénateur » et plusieurs anciens de l'organisation rendaient hommage, jeudi soir, au Centre Bell, dans le cadre d'une grande cérémonie honorant sa carrière.
« Docteur Mulder ne s'est jamais restreint à soigner les joueurs actifs du Canadien. On l'appelait quand nos épouses ou nos enfants avaient besoin d'un médecin. Une fois à la retraite, les gars continuaient de l'appeler quand ils avaient des problèmes de santé. Il y en a qui l'appellent toujours, même si ça fait 15, 20, 30 ans qu'ils ne jouent plus. Docteur Mulder faisait partie de la grande famille du Canadien. C'était notre médecin de famille. Il l'est encore », a poursuivi Serge Savard.
Guidé par Jean Béliveau
Ce rôle de médecin de famille du Canadien, David Mulder l'a toujours rempli avec une fierté équivalente à son dévouement.
Tout en remplissant son premier rôle : celui de chirurgien à l'hôpital général auquel il est toujours associé.
Celui qu'on surnomme le Jean Béliveau de sa profession autour de la LNH, doit d'ailleurs au plus grand capitaine de l'histoire du Canadien la philosophie qui a toujours dicté sa manière de soigner « ses » joueurs.
« Lorsque je suis arrivé avec le grand club en 1969 après avoir fait mes classes avec le Canadien junior et les Voyageurs dans la Ligue américaine, les choses étaient bien différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Les joueurs ne recevaient pas des soins aussi aigus qu'aujourd'hui. Les techniques étaient beaucoup moins développées. La sécurité des joueurs était moins à l'avant-plan. Un jour, Jean Béliveau m'a accosté pour me dire de ne jamais écouter les directives des dirigeants, de ne jamais écouter la volonté des partisans et des médias et de me concentrer sur ce qui était le mieux à faire pour les joueurs et pour assurer leur santé. J'ai toujours appliqué cette directive de Jean Béliveau », a raconté David Mulder lors d'une mêlée de presse qui a précédé sa soirée hommage.
Cette directive l'a toutefois déjà placé dans des situations inconfortables alors que des joueurs tenaient à faire fi de ses directives.
« En 1989, lors de finale de la coupe Stanley, j'ai dû refuser à Chris Nilan le droit de jouer en raison d'une cheville beaucoup trop amochée. Il était tellement en colère que j'étais convaincu qu'il allait me knockouter. Je crois qu'il ne m'en veut plus aujourd'hui », a-t-il raconté avec le calme qui l'a toujours caractérisé.
David Mulder est toujours resté de marbre devant les critiques associées aux blessures en cascade qui ont miné le Canadien au fil des dernières années. Dont celle qui a propulsé Carey Price vers une retraite prématurée. Des critiques qui remettaient parfois en question la qualité des soins offerts aux joueurs.
Éviter des tragédies, réduire les commotions
La qualité de l'équipement de protection, la précision des informations fournies par les imageries à résonnance magnétique et les avancées en matière de soins de première ligne sont les plus grandes améliorations dont j'ai été témoin au cours de ma carrière.
Le Centre Bell et tous les amphithéâtres de la LNH sont dotés de centre de trauma. Il y a toujours des médecins et des ambulanciers sur place prêts à intervenir. Nos interventions sont aujourd'hui beaucoup plus efficaces en première ligne, mais la qualité des interventions orthopédiques permet de réussir des opérations qui donnent des résultats exceptionnels tout en nécessitant des convalescences moins longues», assure David Mulder en revenant sur le cas McCleary pour appuyer ses dires.
« Il a fallu 17 minutes entre le début de l'intervention sur Trent et le moment où il est entré en salle d'opération à l'hôpital Général. Quand on regarde la tragédie qui a coûté la vie au jeune joueur – Adam Johnson – en Angleterre la semaine, il est permis de croire qu'on aurait pu l'éviter dans la LNH en raison de la rapidité de nos interventions. J'ai vu l'incident et on remarque que personne ne s'est porté au secours du joueur pour appliquer une pression nécessaire pour stopper l'hémorragie », a-t-il illustré.
Les commotions cérébrales et leurs conséquences représentent toujours un nuage noir qui porte ombrage au hockey.
« C'est beaucoup mieux que c'était dans le temps. D'abord, les joueurs portent tous des casques très efficaces. Mais les moyens de dépistages sont bien meilleurs. On est loin de l'époque où on demandait au joueur combien de doigts il voyait, quel jour on était ou encore dans quelle ville il se trouvait avant de le renvoyer sur la patinoire. Mais quand même. J'aimerais voir la Ligue abolir les bagarres une fois pour toutes et j'aimerais qu'on affiche encore plus de prévention en matière de commotion. Au moindre doute, on devrait garder le joueur loin de l'action », insiste l'ancien médecin du CH.
Bien qu'à la retraite, David Mulder demeure un conseiller de premier plan en matière de soins de santé avec Tricolore.
Mais le temps est venu de se laisser bercer par les nombreux souvenirs accumulés au fil de ses 60 ans de carrière avec le CH. De regarder les bagues commémorant les différentes conquêtes de la coupe Stanley à laquelle il a participé. En passant, même si le Canadien vient de célébrer le 30e anniversaire de sa dernière conquête (1993), David Mulder a plus de bagues commémoratives au sein de sa collection personnelle qu'il a de doigts pour les porter.
Quand il revient sur ses souvenirs, David Mulder n'hésite pas une seconde pour placer l'ovation réservée à Saku Koivu lors de son retour au jeu – le 9 avril 2002 – à Montréal après sa victoire aux dépens du cancer diagnostiqué huit mois plus tôt.
« Je me souviens de son visage quand il était venu me voir dans le petit bureau près de l'infirmerie. Il m'a simplement dit à quel point il était reconnaissant. Ça restera toujours un moment inoubliable pour moi. »