Montagne russe d'émotions
La séance de tirs de barrage qui a mené à la victoire des Penguins ou à la défaite du Canadien – selon vos allégeances ou votre niveau de déception, voire de frustration – a été à l'image du match.
Une véritable montagne russe d'émotions.
Des émotions positives pour Sidney Crosby, qui a marqué deux buts et ajouté une passe dans un gain de 4-3 signé sous les yeux de son père Troy, repêché par le Canadien en 1984.
Pour Crosby, qui a moussé à 23 buts et 62 points sa récolte en 47 matchs disputés en carrière contre le Tricolore.
Pour Crosby, qui à 36 ans, est un rouage toujours aussi important dans les succès des Penguins. « "Sid" a toujours une influence sur nos victoires. Et ça dépasse de beaucoup ses buts, ses passes et les jeux spectaculaires qui retiennent votre attention », que Kristopher Letang a d'ailleurs souligné après la victoire de son équipe.
Pour Crosby qui a profité de sa soirée faste pour dépasser Paul Coffey (1531 points) au 14e rang des meilleurs marqueurs de l'histoire de la LNH, rejoindre son ancien coéquipier Mark Recchi (1533 points) au 13e rang et avoir maintenant dans la mire Joe Thornton (1539 points) au 12e rang.
Des émotions plus négatives pour Martin St-Louis, ses joueurs et leurs partisans qui ont assisté à une 11e défaite en 17 matchs cette saison au Centre Bell (6-9-2). Des émotions négatives que la séance de tirs a un brin atténuées, il est vrai.
Même que Nick Suzuki et Cole Caufield ont soulevé la foule avec des buts consécutifs. Letang et Crosby les ont toutefois imités pour ramener les deux clubs et les partisans à la case départ.
Après que Jesse Ylönen eut frappé la barre horizontale, Jake Guentzel avait la victoire sur la lame de son bâton. Mais comme Ylönen, son tir a frappé la barre transversale.
Ça ne faisait que commencer!
Samuel Montembeault a ensuite effectué trois arrêts consécutifs face à Malkin, Karlsson et Smith pour garder son club dans le match. Il a ensuite cédé devant Lars Eller qui se devait de marquer pour niveler les chances après un but de Sean Monahan.
C'était loin d'être fini!
Après que Mike Matheson, Michael Pezzetta, Jake Evans, Brendan Gallagher et Josh Anderson qui s'est finalement pointé sur la patinoire – Mitchell Stephens était le seul autre attaquant encore disponible – eurent été stoppés par Alex Nedeljkovic, Montembeault a finalement cédé devant Jansen Harkins, 24e patineur envoyé sur la patinoire, qui a mis un terme à la plus longue séance de tirs de barrage de l'histoire du Canadien.
« Disons que ce n'est pas avec ma production offensive que je tente d'aider mon équipe à gagner tous les soirs. Mais c'est le fun de marquer de temps en temps », a admis celui qui n'avait effectué que sept présences totalisant 4 mins 24 s de temps d'utilisation avant d'être envoyé en tir de barrage. Celui qui n'affichait pas le moindre but, pas la moindre passe après 12 matchs cette saison.
Remarquez qu'il n'en a toujours pas puisque son but n'en est pas vraiment un. Car les buts marqués en tirs de barrage ne sont pas ajoutés aux statistiques personnelles.
Encore du gros gaspillage
Bien qu'enlevante au possible, la séance de tirs de barrage n'aurait jamais dû être nécessaire.
Car en prolongation, le Canadien a obtenu 120 longues secondes d'attaque massive à quatre contre trois. Ça n'a rien donné. Le Canadien a tournoyé. Il s'est échangé la rondelle. Il a même obtenu quatre tirs. Mais il n'a pas marqué. Comme il ne l'a pas fait sur les cinq autres décochés à trois contre trois.
On doit donner au gardien des Penguins le mérite qui lui revient. Mais quand même. En deux pleines minutes de jeu à quatre contre trois, une équipe qui envoie Suzuki, Caufield, Monahan et Matheson sur la patinoire devrait être en mesure de clore le match. Le Canadien ne l'a pas fait. Une fois encore.
Mais il y a pire. Il y a que cette prolongation, dominée d'un bout à l'autre par le Tricolore (neuf tirs contre un) n'aurait pas dû être nécessaire elle non plus.
Pourquoi elle l'a été?
Parce que le Canadien a gaspillé des avances de 2-0 et de 3-1. Des avances qui semblaient nettement suffisantes tant les Penguins se contentaient de peu et même de très peu en première période.
Erik Karlsson a passé cette première à multiplier les passes parfaites... en direction des joueurs du Canadien. David Savard lui doit le premier but du match, son premier de la saison. Un but marqué après réception d'une passe parfaite en plein milieu de l'enclave qui était toute grande ouverte.
Une enclave que les Penguins ont très mal protégée, invitant leurs adversaires à s'y présenter à leur guise pour tenter d'en profiter.
Ce que le Canadien n'a pas su faire. Du moins pas assez. Car au-delà les buts de Savard, de Jayden Struble qui a gonflé à 23 la récolte de buts de défenseurs du Canadien jusqu'ici cette saison – un but de moins que les arrières de l'Avalanche qui sont les meilleurs de la LNH à ce chapitre – et de Monahan, Caufield, Juraj Slafkovsky, Anderson, Joel Armia, Matheson et qui encore ont raté des chances plus qu'intéressantes.
En plus de rater plusieurs fois l'occasion de s'envoler vers une rare victoire facile – le Canadien n'a que deux victoires jusqu'ici cette saison par la marge de deux buts et aucune encore par trois buts ou plus – le Tricolore a ouvert toute grande la porte à la remontée des Penguins en rivalisant avec Karlsson en matière de revirements coûteux.
En prime, il a écopé des pénalités!
Ils sont rendus vieux les Penguins. Ils rateront sans l'ombre d'un doute les séries pour une deuxième année de suite. Mais contrairement au Canadien qui a gaspillé ses chances de mettre le match hors de portée, Crosby et ses chums ont marqué deux fois en trois attaques massives pour niveler le score, pousser la partie en prolongation et en tirs de barrage.
Avec les résultats qu'on connaît.
L'apprentissage a le dos large
On peut et on doit imputer à l'apprentissage une partie des défaites que le Canadien a encaissées jusqu'ici cette saison. On devra aussi le faire au fil des défaites qui s'accumuleront d'ici la fin de la saison.
Mais à un moment donné, l'apprentissage ne peut avoir le dos assez large pour tout supporter. Il faut responsabiliser les joueurs. Responsabiliser l'état-major. Responsabiliser l'entraîneur-chef et ses adjoints.
Il faut que les défaites ne soient pas toujours le résultat des mêmes erreurs, des mêmes mauvaises décisions prises dans le feu de l'action, des mêmes revirements, des mêmes gaspillages de bonnes occasions de marquer, à forces égales ou lors d'attaques massives, de la même générosité affichée quand on joue à court d'un homme.
Malheureusement pour les partisans qui sont prêts à afficher la patience nécessaire, c'est ce qui arrive trop souvent jusqu'ici cette saison.
Et ça mine le moral de bien du monde.
Parlant de moral, celui de Anderson a encore été mis à rude épreuve mercredi soir. Il a frappé à la porte des buts à quelques reprises. Une fois en deuxième, on a cru que ça y était. Qu'il marquerait son premier vrai but de la saison après son but inscrit dans un filet désert il y a dix jours lors de la visite du Kraken de Seattle.
Ce n'est pas arrivé.
En fin de troisième période, Karlsson lui a offert une passe parfaite dans l'enclave. Contrairement à Savard qui avait marqué le premier but sur un jeu similaire, Anderson a... raté la cible.
Est-ce qu'il serait temps de sortir le gars de l'alignement un match ou deux simplement pour lui donner la chance d'échapper au mauvais sort qui s'acharne sur lui? Cela fait partie des questions qui devront être débattues à l'interne à un moment donné.
Une victoire pour papa Crosby
Bien qu'il ait soulevé la coupe Stanley à trois reprises, qu'il détienne plus d'honneurs individuels qu'il a de doigts dans les deux mains et qu'il ait gagné des matchs par centaines, Crosby accordait une signification particulière à la victoire de mercredi.
« Nos pères nous accompagnent ce soir à Montréal et ils seront encore avec nous samedi à Toronto. C'est très spécial de savoir que mon père était ici ce soir. Car le Canadien a toujours occupé une place spéciale pour nous. Il a été sélectionné par le Canadien – 240e sélection en 1984 – et nous encouragions cette équipe quand j'étais enfant. Je me souviens du premier match auquel j'ai assisté avec lui ici. C'était contre Buffalo. Nous étions dans les balcons. Derrière un but. Il y avait une photo de Doug Harvey », se rappelait la première étoile du match.
« C'est fascinant de voir qu'en dépit tout ce qu'il a déjà accompli, "Sid" est encore aujourd'hui capable d'élever son jeu quand la situation l'exige. Il est dans une forme exemplaire. Il est encore capable de jouer au chat et à la souris avec ses adversaires. Il a une manière bien à lui de jouer un match bien à lui dans le cadre du match », a témoigné l'entraîneur-chef des Pens Mike Sullivan en paraphrasant le maintenant célèbre « jouer sa game dans la game » de St-Louis.
Incapable de profiter du fait que les Penguins avaient joué mardi soir, à Pittsburgh, avant de s'envoler vers Montréal, il sera intéressant de voir si le Canadien y arrivera samedi alors que les Islanders feront escale au Centre Bell au lendemain de leur affrontement contre les Bruins, au UBS Arena.
Ou si la troupe de St-Louis répétera les mêmes erreurs dans le cadre d'un apprentissage qui semble plus ardu que prévu.