C’est curieux parfois le hockey.

Tiré du lit par un coup de téléphone qui le sortait de l’enfer dans lequel il croupissait depuis cinq ans avec les Oilers d’Edmonton, Jeff Petry mettait le cap sur San Jose en rêvant à des jours meilleurs dans l’uniforme du Canadien de Montréal.

Le défenseur de 27 ans quittait un club qui se bat pour terminer dernier depuis des années au profit d’un autre qui se bat pour le premier rang du classement général. Une équipe qui, une fois en séries, se battra bientôt pour se rendre aux grands honneurs.

Après une journée de fou au cours de laquelle il a amassé quelques effets personnels sans oublier son équipement, fait la bise à sa copine sans oublier d’appeler ses parents – il est le fils de l’ancien lanceur étoile Dan Petry qui a contribué à la conquête de la Série mondiale des Tigers de Detroit en 1984 – le défenseur a joint sa nouvelle équipe vers 17 h 30 au SAP Center de San Jose.

Tellement heureux de se joindre à un club gagnant, Petry a endossé son nouvel uniforme après une séance d’étirements sommaires hors glace et un échauffement d’avant-match approximatif.

Trois périodes plus tard, Jeff Petry venait de vivre un scénario beaucoup trop familier à son goût. Même dans l’uniforme d’un club qui aspire aux grands honneurs, Petry venait d’encaisser une raclée de 4-0 aux mains des Sharks de San Jose. Une raclée comme les Oilers en ont encaissé trop souvent dans le cadre de leurs 35 revers déjà à leur fiche (18-35-10) cette année.

Les Sharks n’avaient rien d’un club qui croupit au 10e rang dans l’Ouest. Un 10e rang où ils se réveillent encore ce matin. Une 10e place qui les laisse toutefois à deux points seulement des Flames de Calgary et du troisième rang dans la division Pacifique.

Plongé bien malgré lui dans un rôle tout à l’opposé de celui de Jeff Petry, Ben Smith a amorcé la journée de lundi avec les Blackhawks de Chicago. Des Hawks qui en arrachent un brin ou deux cette saison. Des Hawks qui viennent de perdre leur as marqueur Patrick Kane. Mais des Hawks que personne n’ose écarter de la liste des prétendants logiques à la coupe Stanley. Il est passé des Hawks aux Sharks, un club moins bien coté que les Blackhawks. Un club qui avait d’ailleurs perdu ses huit derniers matchs à la maison.

Fort d’une performance d’un but et d’une mention d’aide, Ben Smith a salué son entrée en scène et ses nouveaux partisans de brillante façon, récoltant au passage une deuxième étoile bien méritée.

Malgré la défaite, et quelle défaite, Jeff Petry était loin d’être abattu après la rencontre. « Ce n’est pas le début que je souhaitais, mais les choses étaient tellement moches à Edmonton, c’était rendu tellement lassant de perdre que je suis très heureux de pouvoir regarder ce qui s’en vient avec optimisme », a souligné le nouveau venu.

Dominé, surclassé

Si le Canadien a perdu, ce n’est pas la faute de Petry. Ce n’est pas la faute non plus de Torrey Mitchell et Brian Flynn puisqu’ils ne rencontreront leurs nouveaux coéquipiers que mardi à Los Angeles et qu’ils disputeront leur première rencontre mercredi face aux Ducks.

Si le Canadien a perdu hier, c’est qu’il n’a pas bien joué. Qu’il n’a pas bien joué du tout. Il n’a pas joué du tout.

Les échos de vestiaire

« Ce n’est pas notre club qui était sur la patinoire ce soir. Nous n’avions pas de jambe. Nous n’avons jamais été dans le coup. Nous voulions être meilleurs, mais nous n’y sommes jamais arrivés. C’est aussi simple que ça », a plaidé P.K. Subban après la rencontre.

Spectaculaires au cours des dernières semaines, P.K. Subban et son partenaire de travail Andrei Markov ont été à l’image du reste de leur club hier. Ils en ont eu plein les bras en défense et n’ont pas été en mesure de générer quoi que ce soit à l’attaque.

Contre des Sharks qui avaient perdu leurs huit derniers matchs à la maison, le Canadien a été pris d’assaut dès la première minute de la première période. Plus rapides, plus incisifs, plus combatifs, plus affamés, les Sharks ont mangé le Canadien tout rond en première, s’envolant avec une avance de 2-0.

« On commence bien nos matchs. Nous sommes toujours la meilleure équipe sur la glace en première période. Mais ça se gâte en deuxième et troisième alors qu’on oublie de jouer. Nous perdons aussi beaucoup trop souvent la guerre des unités spéciales. Contre Montréal, si on perd les unités spéciales, on va perdre le match », expliquait le défenseur québécois Marc-Édouard Vlasic pour analyser cette triste série de revers. Une série qui va à l’encontre de l’histoire des Sharks qui ont toujours été parmi les forces de la LNH à domicile.

Vlasic a contribué au premier but en décochant un tir de la pointe qui a dévié coup sur coup sur Thomas Hertl et Ben Smith. Joe Pavelski, en fin de première période alors que le Canadien évoluait à cours d’un homme, a doublé l’avance des siens. Matt Irwin – un fan de Garou qui a fait toutes ses études primaires et secondaires en immersion française en Colombie-Britannique – et Patrick Marleau, encore en attaque massive, ont complété pour les Sharks.

Attaque passive

Contre des Sharks qui leur sautaient au visage et collaient aux fesses à tout moment, les membres des deux premiers trios – les joueurs réguliers des deux premiers trios on s’entend, car il y a eu plusieurs permutations en cours de rencontre – ont été invisibles. Ou presque. Oui, David Desharnais est passé à un cheveu de marquer sur un jeu du désespoir près du filet défendu par Alex Stalock – on a cru un moment que la rondelle avait traversé la ligne rouge avant que Brent Burns ne la frappe au vol pour la dégager, mais les responsables vidéo ont décidé autrement – mais pour le reste, les fers de lance du Canadien en attaque sont demeurés sagement dans leurs carquois.

À son retour au jeu après une absence de 19 matchs en raison des contrecoups d’une commotion cérébrale, P.A. Parenteau n’a rien fait non plus. Rien de rien. Et ce n’est pas une figure de style ou de l’acharnement sur l’attaquant québécois. En 16 présences totalisant 10 min 21 s de temps d’utilisation, Parenteau n’a pas obtenu la moindre statistique. Pas de points, pas de tir tenté ou bloqué, pas de mise en échec, de rondelle perdue ou volée, de mise en jeu gagnée ou perdue. Rien.

Il faudra lui donner quelques matchs pour retrouver son synchronisme. C’est un fait. Mais avec une place qui l’attend sur le flanc droit de l’un des deux premiers trios, Parenteau doit contribuer à l’attaque d’une façon plus soutenue qu’il ne le faisait avant d’être blessé.

Bien qu’il ait qualifié de « match difficile » la sortie de son équipe, qu’il ait reconnu avoir trouvé que son équipe s’essoufflait rapidement après 30 secondes sur la patinoire et qu’il ait donné beaucoup de crédit aux Sharks pour la façon dont ils venaient de jouer, Michel Therrien n’a pas sorti le fouet dans ses commentaires d’après-match.

Il a même insisté pour dire qu’il avait adoré la première rencontre de Jeff Petry. « J’ai adoré ce que j’ai vu de lui. Il a un bon patin, il effectue de bonnes premières passes, il nous a donné ce qu’on attend de lui », a mentionné Therrien.

L’entraîneur-chef a été moins élogieux à l’endroit de Devante Smith-Pelly. Après une première rencontre honnête la semaine dernière, l’attaquant acquis des Ducks d’Anaheim a été plus ordinaire lors des deux derniers matchs. On peut même dire qu’il s’est bien fait discret pour un joueur de son gabarit dont l’implication sur la glace est l’un des principaux critères d’évaluation de son travail.

« C’est une question d’adaptation. Nous lui en avons parlé. Nous lui avons aussi indiqué qu’il se doit d’être en meilleure forme physique », a candidement admis l’entraîneur-chef du Canadien.

Si la défaite de 4-0 amorce bien mal le voyage dans l’Ouest américain, le Canadien peut se dire que ses insuccès à San Jose ne datent pas d’hier.

Le Canadien a encaissé lundi un huitième revers consécutif au domicile des Sharks. Son dernier gain remonte au 23 novembre 1999 alors que le Tricolore l’avait emporté 3-2 en prolongation. Depuis il a perdu huit fois, dont quatre fois par un seul but. Mais il a aussi encaissé trois jeux blancs. Deux fois des défaites de 4-0 et une autre de 3-0.

De fait, le Canadien a été blanchi à ses trois derniers duels face aux Sharks : deux fois 4-0 à San Jose et une fois 2-0 au Centre Bell lors de la dernière visite des Sharks.

Le Canadien pourra se reprendre le 21 mars alors que la troupe de Marc-Édouard Vlasic fera escale au Centre Bell pour la seule fois cette année. D’ici là, le Canadien devra se raplomber face aux Ducks (mercredi) aux Kings (jeudi) et aux Coyotes (samedi) s’il veut maintenir sa fiche positive cette saison (11-9-2) contre les clubs de l’Ouest.