Certains joueurs de l'organisation du Canadien jouent gros cette saison.

On a déjà beaucoup parlé de Louis Leblanc qui, quatre ans après avoir été un choix de première ronde, se voit dans l'obligation de débarquer au bon endroit. Le plus tôt sera le mieux pour lui.

On pense aussi à Andreï Markov qui devra éviter les blessures graves et démontrer qu'il est toujours aussi solide à la ligne bleue s'il veut obtenir un autre contrat, lui dont la salaire avoisine les six millions de dollars.

On pense à David Desharnais qui devra se montrer à la hauteur de la très grosse marque de confiance qu'on lui a accordée par le biais d'un contrat de 14 millions $.

Cependant, il n'y a pas un joueur chez le Canadien dont la saison est plus cruciale que celle de Carey Price. Rien à voir avec l'argent dans son cas. Cela a tout à voir avec le fait qu'il représente l'épine dorsale de l'organisation. À 26 ans, et huit ans après avoir été l'un des plus hauts choix de repêchage de la ligue, on ne pourra pas attendre éternellement qu'il fasse une différence.

On a remercié un entraîneur et on en a embauché un autre juste pour lui cet été. Compte tenu des succès que Stéphane Waite a connus avec les gardiens Antti Niemi et Corey Crawford à Chicaco, on s'attend maintenant à voir Price assurer l'équipe d'une place en séries. Rien de moins.

Quand Marc Bergevin et son recruteur en chef, Trevor Timmins, se sont retrouvés dans une position pour réclamer le jeune Zachary Fucale en juin dernier, on s'est tous mis à souhaiter qu'ils mettent le grappin sur ce gardien talentueux qui a remporté une coupe Memorial et 75 victoires à ses deux saisons avec les Mooseheads de Halifax.

Fucale est natif de Montréal. Il a du panache, une bonne tête et de la classe. Il s'exprime avec intelligence. Pour une recrue de 18 ans, il semblait très à l'aise dans ses échanges avec la faune médiatique montréalaise à son premier camp au Centre Bell.

Le directeur général du Canadien me jure que Fucale n'a pas été repêché dans le but d'en faire une police d'assurance si jamais Price ne démontre aucune amélioration importante cette saison.

Bon, admettons que ce soit vrai. Cette possibilité devait quand même lui trotter dans la tête à l'heure du repêchage. Un patron qui a du flair n'attend pas d'être rendu au bout de la route avec un de ses athlètes avant d'assurer l'entreprise d'une relève adéquate.

« Price, à 26 ans, est loin d'être à son apogée, explique-t-il. De toute façon, le gardien qu'on allait choisir n'allait pas débarquer dans la ligue avant quatre ou cinq ans. Nous n'avions réclamé aucun gardien l'an passé et nous n'avions aucun autre gardien d'avenir dans notre organisation. C'était donc essentiel qu'on ajoute du talent à cette position. Quand on s'est assis à la table au New Jersey, j'avais une certitude, celle d'obtenir un gardien. »

Le Canadien possédait les choix numéros 25, 34 et 36. Le DG a d'abord jeté son dévolu sur l'attaquant format géant Michael McCarron. Par bonheur, Fucale était encore disponible au 34e rang. Bergevin a alors fait la démonstration qu'il y a un petit côté « gambler » en lui. Le moment était important pour l'avenir de l'organisation car si tous les espoirs fondés sur Fucale s'avéraient justes, son acquisition allait probablement permettre au Canadien d'aligner éventuellement un gardien étoile comme le Canadien en a toujours possédé dans son histoire. Par contre, si Bergevin ratait pareille occasion, l'équipe allait se retrouver sans une relève de qualité à Carey Price.

Mais il y avait un hic. Le Canadien tenait mordicus à repêcher un attaquant suédois de six pieds et deux pouces, Jacob De La Rose. Le choix pris en sandwich entre les positions 34 et 36 était celui des Sabres de Buffalo. Avant de trancher, Bergevin s'en est remis à Timmins pour passer en revue la formation des Sabres et évaluer leurs chances de réclamer Fucale. Le gardien Ryan Miller est vieillissant, mais Buffalo a obtenu un gardien de 23 ans, Matt Hackett, dans la transaction qui a envoyé Jason Pominville au Minnesota.

« À nos yeux, les chances de voir Buffalo réclamer un autre gardien semblaient minces. Comme prévu, les Sabres ont laissé passer Fucale. S'il y avait eu plus d'équipes postées entre nos deux choix, nous aurions réclamé Fucale avant De La Rose. Plus tard, j'ai appris que les Oilers d'Edmonton avaient l'intention de repêcher Fucale avec le choix numéro 37 », rappelle le directeur général qui se félicite aujourd'hui de ses deux acquisitions.

Le patron du Canadien se sent maintenant mieux outillé dans les buts pour affronter l'avenir. Il est déjà fort élogieux à l'endroit du jeune Fucale.

« C'est une bonne tête de hockey avec une belle personnalité. Ce kid est un vrai. Et c'est un Montréalais de surcroît. C'est sûr que Fucale sera un meilleur gardien à 22 ans qu'il ne l'est à 18 ans. Quand il arrivera à Montréal, il sera prêt », ajoute-t-il.

L'exemple de Price

Bergevin était occupé à peaufiner sa propre carrière à Chicago quand le Canadien a choisi Carey Price au cinquième rang en 2005. Ce qui s'est passé à Montréal à ce moment-là est donc un peu flou dans ses souvenirs. Curieusement, ce qu'il vient d'accomplir dans le cas de Fucale est une répétition du geste que Bob Gainey avait fait dans celui de Price.

Après tout, José Théodore, qui n'avait que 29 ans, avait déjà un trophée Vézina et le prestigieux trophée Hart dans sa besace. Les observateurs s'expliquaient mal que l'équipe ait besoin d'un autre gardien dans les circonstances.

On ne pouvait pas savoir que Théodore, qui partageait la besogne avec Cristobal Huet, serait échangé durant les mois qui ont suivi parce que la haute direction du Canadien croyait que les ennuis des membres de sa famille avec la justice pouvaient devenir une source de distraction pour lui et pour l'équipe. Dans les faits, l'acquisition de Price était véritablement une police d'assurance pour l'état-major de l'équipe.

Bergevin nie avoir obtenu Fucale dans ce genre d'intention. « L'acquisition de Zachary n'a aucun lien avec la fin de saison que nous avons connue, dit-il. À l'occasion d'une réunion en février, j'avais prévenu Trevor Timmins que nous allions choisir un gardien. »

Timmins avait quelques mois devant lui pour faire ses devoirs et dénicher le meilleur espoir possible à cette position.

Il a su identifier le bon homme, semble-t-il.

De quoi je me mêle?

De mémoire d'homme - et la mienne remonte à très loin - je ne me souviens pas que la compagne ou l'épouse d'un joueur ait commenté d'une façon virulente une décision prise par la direction d'une équipe à l'endroit d'un conjoint.

La joueuse de tennis Aleksandra Wozniak retiendra sans doute quelque chose de sa réaction pas très réfléchie quand son chum Louis Leblanc a été retourné à Hamilton. Celle qui jouissait d'un certain prestige au Canada n'a pas fait les manchettes pour les bonnes raisons cette fois-ci.

J'imagine que Louis Leblanc, qui n'avait pas besoin que sa blonde ajoute à ses problèmes, a réglé cette affaire à l'interne avec madame.

 «Chérie, occupe-toi de ta carrière et je vais prendre soin de la mienne... »