Pendant que Marc Bergevin profite de la pause olympique pour passer du temps de qualité avec les siens à Chicago, que Michel Therrien frappe la balle au centre des allées en Floride et que ses joueurs profitent d'une rare période de vacances en saison régulière, on pourrait peut-être revenir sur ce qui s'est passé avant que les amphithéâtres de la Ligue nationale soient temporairement fermés.

En ce moment, nos Olympiens nous gardent quotidiennement sur le bout de notre siège pour les meilleures raisons du monde. Ils ont investi tellement d'effort et de sacrifices dans le but de pouvoir se mesurer aux athlètes les plus doués de la planète qu'ils méritent que tout le Québec s'arrête, le temps d'une compétition, pour les applaudir.

Au Québec, nous avons l'habitude de retenir notre souffle. Ça se passe habituellement entre octobre et avril quand d'autres genres de patineurs nous emballent par leurs performances ou nous irritent par leur laisser-aller.

Là aussi, on se laisse guider par les émotions. Quand ça va bien, ça sent la coupe Stanley dans les chaumières. Quand rien ne va, on est prêt à tout chambarder. Il faut procéder à une transaction ou remplacer l'homme derrière le banc.

De quoi aurions-nous tous l'air en ce moment si le Canadien avait écouté son public et une certaine faction des médias et virer la cabane à l'envers quand les défaites s'accumulaient il y a deux semaines à peine? Une accumulation de défaites est un bien grand mot. Après quatre revers de suite, on a réagi comme si le Canadien avait atteint le fond du baril.

Pourtant, presque toutes les formations de la ligue ont connu leurs périodes creuses cette saison. Essayons juste d'imaginer ce qui se passerait en ville si, comme les Canucks de Vancouver, l'équipe présentait un dossier de sept défaites de suite. On réclamerait la tête de Marc Bergevin, de Michel Therrien, de trois ou quatre joueurs et probablement du chauffeur de la zamboni qu'on tiendrait responsable du mauvais état de la glace.

Les Islanders ont gagné une fois à leurs huit dernières parties. Les Kings de Los Angeles n'ont gagné que deux de leurs huit derniers matchs. Pensez-vous vraiment que ces deux organisations procéderont à un changement d'entraîneur durant la pause olympique?

Heureusement pour eux, les joueurs du Canadien ont fini par retomber sur leurs patins. Ils ont amassé 11 points sur 14, notamment en reportant leurs trois derniers matchs. Mais force est d'admettre que c'était plutôt laid durant cette séquence de quatre défaites. Ce qu'il faudra retenir à l'avenir, c'est la façon de réagir de la haute direction dans les circonstances. Ce qu'on a fait pour ramener les choses après la quatrième défaite (5-0 contre Washington) pourrait s'avérer l'un des points tournants de la saison, qui sait?

Lors de la prochaine période de disette, car il y en aura d'autres n'en doutez pas, il faudra se souvenir de ce qu'on a fait pour replacer tout ça. Ce soir-là, l'équipe était si désemparée, si affreusement inerte, contre les Capitals qu'ils étaient plusieurs à croire au remplacement de Therrien sur-le-champ. Je sais que dans certaines salles de presse, on avait conseillé à des journalistes de rester disponibles le lendemain, dimanche. Cette journée de congé semblait tout indiquée pour que Bergevin passe aux actes.

La vérité, c'est que Therrien a plutôt bien dormi ce soir-là. Il n'a jamais pensé que le téléphone sonnerait au lever du soleil. Quant au directeur général, il ne lui est jamais venu à l'esprit de procéder à un changement.

Bref, comme je l'avais précisé une semaine plus tôt, Therrien était bien en selle. Ç’aurait été bien mal connaître Bergevin que de croire qu'il allait paniquer à la première occasion, surtout après avoir insisté sur la stabilité qu'il avait l'intention d'instaurer dans le personnel de direction du Tricolore qui a vu défiler beaucoup trop de monde depuis que Ronald Corey a cru bien faire à faisant maison nette.

Therrien : Parfois ça grince

Le style de Therrien ne plaît pas à tout le monde, mais Bergevin savait sans aucun doute quel genre d'entraîneur il était quand il a accepté de faire route avec lui.

Il a un style papier sablé, si on me permet l'expression. Il égratigne. Il a du mal à obtenir le crédit qui lui revient parce qu'on lui reproche des façons de procéder qui n'ont pas beaucoup changé depuis les rangs juniors. Mais soyons honnêtes, il fait souvent beaucoup avec peu. D'une façon surprenante, le Canadien est resté campé très souvent à l'intérieur des trois premières places de sa division. Peu de gens auraient cru cela possible au début de la saison.

Si on a lancé la rumeur de son congédiement, c'est surtout parce que c'était la façon normale de procéder en pareilles circonstances dans le passé. Le Canadien a sacrifié des entraîneurs qui sont allés se façonner toute une carrière ailleurs: Alain Vigneault, Claude Julien et Michel Therrien qui, lui, est allé diriger Sidney Crosby à Pittsburgh.

Quand je dis qu'il faudra se souvenir du comportement de la direction qui a permis à l'équipe de mettre fin à l'hémorragie après la soirée désastreuse contre Washington, il faut rappeler ce qui s'est passé au son de la sirène.

Premièrement, précisons que Therrien n'entre jamais dans le vestiaire après un match. Dans le cas d'une victoire, il laisse les joueurs jouir du moment. Dans celui d'une défaite, il se méfie sans doute de ce qu'il pourrait leur dire sous le coup de la colère.

Ce soir-là, le directeur général a demandé à son entraîneur s'il était d'accord pour qu'il s'adresse aux joueurs. Puis, Bergevin est allé passer son message à une bande d'athlètes totalement désorganisés. Il a finalement demandé à tout le monde de rester sur place pour accueillir les médias. Une défaite, ça se vit en équipe, leur a-t-il précisé. Ce n'était pas vrai que trois ou quatre joueurs seulement allaient devoir fournir des explications. Les joueurs se sont ensuite parlés dans le blanc des yeux avant d'accueillir les journalistes.

Par la suite, Therrien les a probablement étonnés par son calme. Il n'a pas poussé les hauts cris. Il n'a pas vidé sa troupe de toutes ses énergies par des entraînements punitifs. Il les a encouragés. Il s'est rangé derrière eux. C'était correct de mettre un genou au sol, a-t-il dit, à la condition de se relever sans y déposer le deuxième. On connaît la suite. Cinq victoires, une défaite à la régulière et une autre en prolongation. Onze points sur une possibilité de 14. Le deuxième genou n'a pas suivi le premier.

Il y a une leçon à tirer de ça

Tout le contraire de ce qui s'est passé à Vancouver où l'entraîneur n'est jamais très en contrôle de ses émotions. À la suite de leurs sept défaites consécutives, les Canucks ne sont plus dans les séries pour le moment. John Tortorella a perdu les pédales, il a été suspendu et son équipe est tombée en chute libre.

Il y a une intéressante leçon à tirer de cela. Un personnel de direction en contrôle peut exercer une influence positive sur les joueurs. Therrien ne fera jamais l'unanimité parmi ce groupe-là, mais parions qu'il a marqué quelques points en ne les faisant pas mal paraître davantage dans l'oeil du public.

Personne n'a jamais cru, Bergevin et Therrien y compris, que le Canadien gagnerait la coupe Stanley cette saison. Ce n'est sûrement pas en faisant sauter le coach qu'on aurait amélioré les chances d'y arriver.

Sachant ce qu'on sait, on aurait l'air fin aujourd'hui si Bergevin avait été incapable de résister à la pression publique en faisant rouler une autre tête au sein de cette organisation.