BROSSARD – Marc Bergevin ne risque pas de manquer d'idées en marge des changements qu'il apportera, nous l'espérons tous, au cours de la saison morte. Ils sont deux ou trois millions de conseillers dans les réseaux sociaux et sur internet à se manifester depuis que le Canadien a été écarté de la route des séries par le Lightning de Tampa Bay.

Tout le monde a sensiblement les mêmes récriminations: la situation des joueurs de centre, le prochain statut d'Alex Galchenyuk, l'importance de garder Jeff Petry à Montréal et l'identité du prochain capitaine.

C'est très facile de dire que le patron du Canadien devrait aller chercher tel ou tel attaquant, qu'il devrait échanger ou acquérir un défenseur, qu'il devrait effectuer une transaction majeure ou se tourner vers le marché des joueurs autonomes, etc. Plus facile à dire qu'à faire quand on est assis dans son salon.

Les plus impatients – et ils sont fort nombreux – ont sans doute du mal à digérer ce qu'ils ont entendu à l'occasion du bilan annuel du directeur général. Ce n'est pas exactement ce qu'ils voulaient entendre. À défaut de pouvoir offrir des solutions tangibles, Bergevin a été d'une franchise brutale.

Vous rêvez de voir Alex Galchenyuk dans la peau du gros joueur de centre costaud très attendu? La direction de l'équipe le préfère toujours comme ailier.

Vous ne croyez pas que l'équipe puisse continuer de faire route avec les deux mêmes joueurs de centre de petits formats, David Desharnais et Tomas Plekanec? Il semble qu'il n'y ait personne sur le marché pour remplacer l'un ou l'autre.

Vous vous attendez à connaître l'identité du prochain capitaine en septembre? Rien n'est moins sûr. « La présence de quatre adjoints ne nous a pas fait mal », affirme le DG en refusant de préciser sa pensée.

On sait tous que le Canadien a un urgent besoin d'un joueur de centre talentueux et supérieur à ceux qui sont déjà là. Ça fait quelques années déjà que l'organisation témoigne une confiance absolue à un centre de cinq pieds et sept pouces (Desharnais) et à un autre de cinq pieds et 10 pouces (Plekanec) qui est versatile, mais qui ne frappe personne et qui se laisse brasser sans répliquer. Durant la saison, l'équipe peut toujours s'en tirer avec leur contribution, mais comme il est question ici de bâtir une formation en fonction de gagner la coupe Stanley, il faut se grandir à cette position stratégique. Incidemment, la présence au centre de Lars Eller, dont on attend une contribution offensive digne d'un premier choix depuis cinq ans, n'est guère plus rassurante. À six pieds et deux pouces et à 215 livres, il constituerait une belle piste de solution, mais son problème se situe quelque part entre le coeur et la volonté. Rien de bien réjouissant.

La plupart des connaisseurs sont d'accord sur un point. Avant que Bergevin prenne le risque de déculotter l'organisation dans une transaction majeure visant à solutionner ce problème précis, il est grand temps que Galchenyuk se voit confier une responsabilité pour laquelle il a été repêché. Voilà un centre naturel, qui a été réclamé à titre de joueur de centre et à qui on ne permet jamais d'évoluer à cette position.

S'il avait été repêché par une autre organisation, il y a fort à parier qu'on l'aurait laissé patrouiller sa position naturelle. Et peut-être que sa progression aurait été plus rapide. Ce n'est pas la première fois qu'un jeune est ralenti dans son développement au nom du système à Montréal. Un joueur possédant de belles habiletés offensives se fait souvent conseiller d'être d'abord conscient de ses responsabilités défensives. Ça contribue à le rendre craintif de commettre des erreurs et d'en payer le prix.

Michel Therrien ne voit pas un joueur de centre en Galchenyuk. Même si ce haut choix de repêchage a mentionné il y a 24 heures qu'il aimerait bien évoluer à cette position, il n'en aura pas l'occasion car quand Therrien dit non, c'est non. L'entraîneur à la tête dure et revient rarement sur sa façon de voir les choses.

Bergevin l'appuie. « Alex est à l'aise à l'aile, dit-il. On ignore quand il sera prêt à évoluer au centre. C'est difficile de jouer à cette position. C'est très exigeant. C'est sa façon de jouer qui va nous indiquer où nous allons l'utiliser. Peut-être qu'il ne sera jamais un centre. » Galchenyuk devrait être un joueur de concession Personne ne fera cadeau d'un centre talentueux et costaud, comme le rappelle Bergevin. Habituellement, une équipe doit invariablement repêcher et développer ce type de joueur. C'est ce que le Canadien a fait avec lui et pourtant… Pour expliquer à quel point il est difficile de bâtir une équipe championne, Bergevin se retranche souvent derrière le fait que le Canadien est victime de son succès. En connaissant de bonnes saisons, son rang de sélection au repêchage ne lui permet pas de mettre le grappin sur un joueur de concession.

Or, Galchenyuk a constitué la sélection de repêchage la plus hâtive du Canadien depuis Doug Wickenheiser, il y a 35 ans. En le réclamant au troisième rang de la ligue, on a certainement vu en lui un athlète de concession. Pourquoi ne lui offre-t-on pas une réelle chance de s'épanouir, alors?

Il faut donc presque tenir pour acquis que la ligne centrale du Canadien sera la même au début de la prochaine saison. Selon le patron, il n'y a pas de centres de fort calibre sur le marché. Le dernier à avoir changé de camp a été Joe Thornton, il y a 10 ans. Il faudra trouver des solutions à l'interne, selon lui. Pas un discours très encourageant de la part d'une équipe qui vient de disputer une série éliminatoire de moins que l'an dernier.

Desharnais est le meilleur passeur de l'équipe. Que lui et Max Pacioretty forment un duo efficace tend à sécuriser son poste. Par ailleurs, Bergevin se dit très satisfait de Plekanec qui est utilisé à toutes les sauces durant la saison et qu'on ne voit pratiquement jamais en séries. On va étudier la possibilité de diminuer son temps d'utilisation. Ses 26 buts et 60 points n'inciteront pas Bergevin à le rendre disponible, semble-t-il.

Michael McCarron, premier choix de l'équipe il y a deux ans, est doté de toute une charpente à six pieds et six pouces et 240 livres. On le considérait comme un ailier droit quand on l'a repêché, mais on dit qu'il connait du succès au centre en ce moment à Oshawa. On pense à lui à long terme comme d'une solution au centre. Le problème, c'est que son équipe junior l'affecte à des tâches défensives actuellement. En voilà un autre qui pourrait venir se greffer au groupe surchargé de joueurs à caractère défensif à Montréal.

Y a-t-il lieu d'être optimiste?

Bergevin devrait ressentir beaucoup de pression durant l'été puisqu'il ne peut pas revenir à la charge avec une formation inchangée. Il dénichera peut-être cinq ou six nouvelles figures, comme il a l'habitude de le faire d'une année à l'autre. Déjà, trois joueurs, Malhotra, Weiver et Gonchar ont été avisés que leurs services n'étaient plus requis. Ils seront remplacés par d'autres « solutions à court terme ».

Bergevin s'est permis deux remarques qui m'ont laissé sceptique. D'abord, il n'a pas l'intention de changer la philosophie de l'organisation qui veut que la meilleure façon de gagner est de présenter une défense étanche. Avec raison, il tentera par tous les moyens de garder Jeff Petry à son service. Quant à l'utilité de renforcer l'attaque, il analysera d'abord les réserves dans sa filiale.

« Il y a beaucoup de positif »

L'autre aspect étonnant, c'est de le voir s'inspirer des occasions ratées et des matchs très serrés durant la série contre Tampa pour affirmer qu'il n'y a pas une différence marquée entre ces deux organisations qui se reverront très souvent puisqu'elles appartiennent à la même division.

S'il est convaincu que son équipe peut se battre d'égal à égal avec le Lightning en ce moment, cela signifie qu'il n'effectuera pas le genre d'effort qu'on attend de lui pour opérer des changements. « Les marqueurs de 25 à 30 buts ne sont pas disponibles. On va toujours regarder à l'interne. C'est la meilleure façon d'aller de l'avant avec nos jeunes », assure-t-il.

Bergevin, c'est bien connu, ne veut rien donner en matière de transactions. Il préfère prendre ce qu'il appelle « des risques calculés ». Il ne veut pas toucher au noyau de l'équipe, il préfère garder ses jeunes joueurs et se refuse à céder de hauts choix au repêchage. C'est une façon de voir les choses. Des directeurs généraux ont déjà porté de grands coups et se sont brûlés. D'autres l'ont fait et ont lancé leur équipe vers l'avant.

J'admets être sorti du point de presse de Bergevin pas très enthousiaste. Si tout ce qu'il a dit est vrai au niveau des transactions difficiles à réaliser, je ne m'attends pas à ce qu'on nous présente un très fort candidat à la coupe Stanley lors du prochain tournoi de golf de l'équipe en octobre.