Pendant que quelques coéquipiers s'échangeaient un ballon de soccer, comme c'est leur habitude avant un match, P.K. Subban était retranché en solitaire dans un coin plus tranquille pour s'imposer une préparation mentale qui allait plus tard porter ses fruits.

Tuque du Canadien enfoncée sur la tête (par une température de plus de 20 degrés à l'extérieur), puissants écouteurs sur les oreilles, il marchait d'un pas énergique vers l'avant en faisant de grandes enjambées. Puis, il reculait au même rythme avant de repartir de plus belle, cette fois en levant la jambe très haut à chaque pas. Il semblait survolté, totalement dans sa bulle, comme s'il cherchait à chasser l'énorme tension qui pesait lourd sur ses épaules depuis deux jours.

ContentId(3.1130500):Sénateurs 2 - Canadiens 3 (Prolongation)
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Il a disputé le match au même rythme. Désireux probablement de faire oublier sa flagrante indiscipline dans le match inaugural de la série, il a été un véritable tourbillon. Il a patiné à un train d'enfer, exécuté des percées spectaculaires et marqué un but sur un retentissant tir frappé, sa marque de commerce. Le gardien des Sénateurs, Andrew Hammond, n'a certainement pas eu à faire face à une bombe comme celle-là dans la Ligue américaine.

Les Sénateurs, sans le chercher inutilement, l'ont frappé à quelques occasions, mais Subban, selon son habitude, avait une bonne idée de ce qui se déroulait autour de lui. Par deux fois en première période, Mike Hoffman a tenté de l'étamper dans la baie vitrée. Chaque fois, c'est l'attaquant des Sénateurs qui a embrassé la bande, sortant même un brin ébranlé à la première occasion.

Le Canadien a présenté aux Sénateurs un très mauvais scénario. Non seulement le joueur le plus détesté dans leur camp a-t-il offert une performance sans bavure, auréolée d'un but qui a pesé lourd dans leur défaite, mais ils ont vu Max Pacioretty effectuer une rentrée surprise toute aussi remarquée.

On était nerveux pour lui quand il a effectué ses premières présences dans la mêlée. S'il se remettait vraiment d'une commotion cérébrale, il aurait suffi d'une ou deux mises en échec brutales pour le renvoyer à la clinique pour le reste des séries. Toutefois, quand il a nivelé la marque à 1-1 durant une supériorité numérique, sa célébration a rassuré tout le monde. Dans un élan de joie, il est allé se secouer le pommier en fonçant volontairement dans la baie vitrée.

Une commotion? Quelle commotion?

Michel Therrien a déclaré après le match qu'il était rétabli à 100 %. On ne guérit pas d'une commotion cérébrale en l'espace de deux semaines. À moins bien sûr que l'entraîneur nous ait tous envoyés dans le champ gauche en créant une diversion – une autre – au sujet de l'état de santé de son joueur étoile.

Peu importe. Le seuil de la douleur de Pacioretty est particulièrement élevé et il en a fait la démonstration encore une fois. Moralement, toute l'équipe aurait été soulagée de le voir reprendre sa place dans la formation, et ce, même s'il n'avait pas marqué. Mais voilà, il s'est chargé d'écrire les premières lignes de cette autre histoire heureuse pour le Canadien.

« Pacioretty était très motivé »

Quand on vous dit que le gros attaquant sera le prochain capitaine du Canadien. Son attitude hors glace et sur la patinoire est celle d'un chef de file sur laquelle on a pris l'habitude de compter.

Quand il a été assommé par Zdeno Chara en mars 2011, on a cru sa carrière terminée à la suite du traumatisme crânien qu'il a subi. Il a manqué les 15 derniers matchs de la saison et les sept parties éliminatoires avant de retourner sur les patins pour la partie inaugurale, l'automne suivant. Ces sérieuses blessures au cou et à la tête auraient pu faire de lui un joueur marginal pour le reste de sa carrière. Un athlète qui joue avec la crainte d'être blessé perd une bonne partie de ses moyens. Il aurait pu se tenir loin des rampes pour éviter d'autres mises en échec du même genre. On n'a rien noté de tout cela à son retour au jeu. Il a joué comme si la peur n'était pas dans son ADN.

Juste pour illustrer à quel point son comportement est impressionnant dans ce genre de circonstances, qu'il suffise de rappeler le cas de Mike Komisarek, un défenseur qui était promis à un brillant avenir. On disait même de lui qu'il avait de la graine de capitaine. Or, il a encaissé une sévère correction aux poings devant Milan Lucik et n'a plus jamais été le même par la suite. Sa carrière s'est arrêtée l'an dernier à l'âge de 32 ans après quelques saisons au cours desquelles il a été un joueur méconnaissable.

Tout le contraire de Pacioretty qui n'a gardé aucune séquelle de la mise en échec vicieuse de Chara et que rien n'arrête depuis. Absent depuis deux semaines à la suite d'une blessure qu'on entoure encore du plus grand mystère, il a contribué largement à la victoire de vendredi en jouant durant plus de 22 minutes.

Ils auraient pu être tous les deux absents

L'organisation des Sénateurs semble avoir été frappée par un mauvais sort durant ses deux premiers matchs au Centre Bell. D'abord, il y a eu l'incident Subban-Stone qui a perturbé l'équipe en la privant du marqueur le plus régulier de toute la ligue durant les dernières semaines du calendrier. Puis, après que le comité de discipline de la ligue eut innocenté Subban à la suite de son coup de matraque, voilà que Pacioretty, un cas incertain jusqu'à la dernière minute, s'est présenté pour faire une différence.

Dans les faits, les Sénateurs auraient normalement dû affronter le Canadien sans Subban et Pacioretty, ce qui leur aurait probablement permis de niveler les chances dans cette série. Ils ont donc été battus par deux survivants. Quand on se bat pour sa survie et que le mauvais sort s'en mêle, il faut que le niveau de confiance d'une équipe en soit affecté.

Le directeur général Bryan Murray, qui a réclamé haut et fort une suspension pour Subban, a probablement très mal encaissé la situation en assistant à la performance spectaculaire de cette boule d'énergie et surtout à son but que peu de gardiens auraient pu éviter. Subban a donc pleinement profité de la chance qu'on lui a donnée de participer à ce deuxième match. La clémence de la ligue a semblé lui avoir donné des ailes.

Le gardien Andrew Hammond, bombardé de 42 tirs, a donné tout ce que son talent limité lui a permis d'offrir. Il n'a pas très bien paru sur le but gagnant d'Alex Galchenyuk en prolongation, mais il vient de disputer deux matchs sous une pression énorme et dans un édifice pas très hospitalier à l'heure des séries. Peut-être a-t-il atteint la limite de ses capacités dans un moment où on s'attend à ce qu'il fasse toute la différence. C'est beaucoup lui demander, on le comprendra.

Le Canadien, qui a eu chaud, pourra maintenant jouer d'une façon un peu plus détendue à Ottawa parce que le but de Galchenyuk a fait basculer toute la pression dans le camp adverse. Pour le Canadien deux revers à Ottawa ne seraient pas une catastrophe. Pour les Sénateurs, une défaite de plus les rapprocherait d'une fin de saison beaucoup plus hâtive que prévu.

Ce qui n'est pas très rassurant pour les Sénateurs, c'est de réaliser que le Canadien s'est emparé des deux premiers affrontements sans que Carey Price, qui est le coeur et l'âme de l'équipe, ait eu à se distinguer selon les hauts standards qui ont marqué son éblouissante saison.

Le retour de Pacioretty, le brio de Subban et le but gagnant de Galchenyuk ont rejeté dans l'ombre le match du tonnerre disputé par Brendan Gallagher qui a obtenu neuf tirs et préparé le but en prolongation. David Desharnais a orchestré les deux premiers buts et Devante Smith-Pelly, qui aurait pu marquer deux ou trois buts s'il avait eu le compas dans l'oeil, a certes disputé son meilleur match dans son nouvel uniforme.

Il y a eu beaucoup de points positifs pour le Canadien jusqu'ici. C'est parfois dangereux quand tout baigne dans l'huile. On verra dimanche soir si la bande de Michel Therrien se comportera comme une équipe qui se croit arrivée.