P.K. Subban sera hué dès la seconde où il touchera à la rondelle au Garden lors du prochain match entre le Canadien et les Bruins samedi. En fait, il sera hué dès mardi dans tous les bars sportifs de Boston et devant toutes les télés autour desquelles seront agglutinés des fans des Bruins.

Que P.K. soit hué est tout à fait normal. C’est même un témoignage de reconnaissance de la part des fans des Bruins – et des autres clubs de la LNH – qui confirment avec ces huées avoir peur de lui, de son talent et de sa possibilité de changer le cours d’un match avec un puissant tir frappé de la ligne bleue ou une passe savante.

Mardi et jeudi dans les bars sportifs de Boston, dans les salons, dans tous les endroits où au moins deux fans seront au coude à coude et samedi prochain au Garden, Subban sera donc hué. Encore. C’est acquis.

Mais si un imbécile décide de transformer ces huées en propos racistes et haineux, il se fera ramasser par tous ceux qui l’entourent. Qu’ils soient partisans du Canadien ou des Bruins. Ça aussi c’est acquis.

Pourquoi? Parce que le Tout-Boston a été blessé de se retrouver au cœur de la tempête nécessaire soulevée après que 10, 100, 1000 racistes eurent multiplié des attaques racistes à l’endroit du défenseur du Canadien après son but gagnant marqué en début de deuxième période de prolongation lors du premier match de la série. Les gens de Boston, les fans des Bruins, ont été outrés d’être associés à des propos dont ils n’étaient pas les auteurs, dont ils ne partageaient pas la teneur.

« Cessez donc de nous associer à quelques fanatiques idiots qui nous font tous mal paraître et de propager une mauvaise image de nous et notre ville », ont lancé plusieurs partisans des Bruins et résidents de Boston aux journalistes qui enregistraient des reportages autour du Garden et dans les rues de Boston depuis vendredi.

Je me suis fait ramasser à quelques occasions aussi parce que j’ai remis en question le « Boston Strong » qui est devenu la devise des gens de Boston après que David Ortiz eut lancé ces deux mots après l’attentat perpétré au marathon il y a un peu plus d’un an. Pour plusieurs, le « Boston Strong » était devenu un « Boston Wrong » en raison des propos lancés à Subban.

Les gens de Boston et/ou partisans des Bruins réagiront avec vigueur en réplique à d’éventuels propos racistes pour éviter qu’une autre vague négative ne déferle sur leur ville.

Mais P.K. Subban lui-même a donné à tous ces résidents de Boston et partisans des Bruins outrés par les commentaires haineux d’autres bonnes raisons de s’insurger contre de tel propos.

Brillant dans le vestiaire comme sur la glace

Après la défaite de samedi, défaite au cours de laquelle il a brillé offensivement en ajoutant deux passes à sa récolte déjà imposante de deux buts et sept points après les cinq premiers matchs du Canadien en séries, P.K. s’est même fait des amis à Boston. Beaucoup d’amis.

Lorsqu’il a encaissé la première question posée sur les propos haineux dont il avait été l’objet, P.K. s’est dressé comme s’il voyait arriver Zdeno Chara avec l’intention bien arrêtée de le visser dans la bande.

P.K. ne s’est pas défilé. Au contraire.

Dans une sortie qui l’honore, Subban s’est d’abord assuré de balayer du revers de la main les critiques adressées à l’organisation des Bruins et à leurs fidèles partisans. Les vrais. « Ce serait totalement injuste de pointer l’organisation du doigt ou les partisans extraordinaires de cette organisation. Depuis que je suis dans la LNH, je suis venu souvent à Boston. Mes parents aussi. Nous avons toujours vécu de belles expériences. Ce que certaines personnes peuvent proférer sur Twitter ou sur d’autres médias sociaux n’est d’aucune façon le reflet de ce que notre ligue ou l’organisation des Bruins peuvent penser », a insisté Subban.

Présent au match Canadien-Bruins samedi, le commissaire Gary Bettman a d’ailleurs profité de sa visite pour dénoncer les réactions hostiles à l’endroit de Subban. « Nous sommes en faveur de la diversité. Nous condamnons la partisanerie à outrance et les propos haineux qui sont inacceptables et n’ont pas leur place dans notre sport. »

Ce n’est pas parce que Subban a dit ce qu’il a dit après le match de samedi qu’il ne sera plus considéré comme l’ennemi numéro un à Boston. On l’a d’ailleurs vu se chamailler avec Brad Marchand en début de rencontre, avec Zdeno Chara ensuite et il a envoyé le gros Shawn Thornton au vestiaire en se baissant devant l’attaquant des Bruins qui s’est retrouvé cul par-dessus tête sur le jeu.

Mais Subban a su s’attirer le respect de ces joueurs et de leurs partisans autant sur la glace qu’à l’extérieur.

« C’est la première fois et la dernière fois que je parlerai de cette histoire avec vous. De toute façon, je ne suis pas le seul concerné par tout ça. Notre ligue compte des tas de joueurs d’origines et de cultures diverses. C’est ce qui rend notre circuit et notre sport si différent : il regroupe des gens de partout. L’important maintenant est de se tourner vers le hockey. De parler de hockey. Surtout qu’encore aujourd’hui (samedi), même si l’issue du match est décevante pour notre équipe, les partisans des deux camps ont eu droit à tout un match. Je suis convaincu qu’ils l’ont tous apprécié. Ça m’emballe pour les matchs à venir et j’espère que tous les fans seront emballés aussi. »

Gain de la raison sur la bêtise humaine

Certains diront que P.K. Subban n’avait pas le choix de réagir comme il l’a fait. Qu’en raison de la présence de son frère Malcolm, gardien appelé à succéder un jour à Tuukka Rask, il se devait d’effectuer une sortie calculée pour faciliter l’entrée en scène de son cadet.

C’est faux!

Subban aurait facilement pu simplement éviter la question. Se limiter à quelques banalités. Il ne l’a pas fait. Fidèle au joueur qu’il est – en fait, c’est sans doute bien davantage le joueur qui est fidèle à l’homme qu’est Subban que le contraire –, Subban s’est impliqué. Il s’est expliqué. Il est allé au front sans jouer à la victime. Que non! Mais bien en affichant l’attitude du gars confiant qu’il est. Du gars intelligent qu’il est. Du gars qui en se dressant devant les propos haineux comme il se dresse devant ceux qui le cherchent sur la patinoire, a fait preuve d’un contrôle, d’une retenue et d’une assurance qui l’honore.

Subban sera encore hué à Boston. C’est certain et c’est normal. Mais il sera hué parce qu’il est un maudit bon joueur de hockey. Parce qu’il aura marqué un maudit beau but, ou qu’il aura réalisé une feinte, une passe, un jeu pour préparer un maudit beau but. Et non parce qu’il est noir.

Si Subban n’arrive pas à guider le Canadien à la victoire face aux Bruins dans cette série qui s’annonce longue et difficile, il aura contribué à une victoire beaucoup plus importante encore : celle de la raison sur la bêtise humaine.