Elmer Lach, parti comme il a vécu
Canadiens mercredi, 8 avr. 2015. 09:45 mercredi, 11 déc. 2024. 17:25Le Canadien venait d'assurer sa place en séries par le biais d'une victoire sur les Panthers de la Floride, il y a une douzaine de jours. Les journalistes étaient regroupés nombreux devant la porte du vestiaire en se disant qu'ils allaient observer dans un instant un groupe d'athlètes fort joyeux à la suite de cette intéressante réalisation.
Mon distingué collègue du quotidien The Gazette, Dave Stubbs, s'apprêtait à pénétrer dans le vestiaire quand son téléphone a vibré. C'était un message texte de la belle-fille d'Elmer Lach, Michèle, qui, de sa résidence d'Atlanta, lui communiquait le message suivant : « Elmer a subi une crise cardiaque. Il y a des dommages neurologiques. Il ne répond plus. Une question de temps ».
Stubbs est allé se réfugier derrière un rideau pour pleurer. En plus de trois décennies à la couverture des activités du Canadien, Lach était le seul joueur avec lequel il s'était lié d'une franche amitié. Il lui avait rendu visite à plusieurs occasions dans un hôpital du Lakeshore durant les semaines précédentes. Il était un ami. Un vrai. Il a été le plus humble et le plus modeste des superstars qu'il ait connus. Lach est décédé une semaine plus tard sans avoir repris conscience.
Il était si modeste qu'il a décidé de partir sans offrir à ses meilleurs amis, à ses ex-coéquipiers et à ses inséparables compagnons des Anciens Canadiens l'occasion de venir pleurer sur ses cendres. Très bientôt, les restes d'Elmer Lach se retrouveront à bord d'un avion, en route vers Atlanta où Lise, sa femme des 29 dernières années, décédée de la leucémie en octobre dernier, repose dans le jardin de Michèle. Lise et Elmer dormiront ensemble pour l'éternité dans ce jardin.
Quel homme et quel athlète
Le jeune public d'aujourd'hui sait relativement peu de choses d'Elmer Lach qui a été heureusement ramené dans l'actualité dans le cadre des fêtes du centenaire de l'équipe alors qu'on a retiré son dossard numéro 16 qu'il a contribué à rendre célèbre. C'est un drôle de hasard que Lach et Henri Richard aient porté le même numéro car, véritablement, Lach a été la version anglophone de Richard.
Deux centres de petite taille (Lach 5 pi 9 po, 170 livres et Richard 5 pi 7 po, 165 livres), ils étaient coriaces comme il ne s'en fait plus. Bons passeurs, bons marqueurs. Si vous avez aimé le Pocket, vous auriez adoré Lach dont la carrière a été ponctuée de blessures sérieuses, mais également de grands exploits.
Plusieurs ignorent que Lach était le meilleur marqueur dans l'histoire de la ligue à l'heure de la retraite. Deux fois, il a été le champion marqueur de la ligue. Quand Maurice Richard a marqué ses 50 buts en 50 parties, c'est Lach qui a remporté le trophée Hart, attribué au joueur le plus utile à son équipe.
Tout cela malgré deux graves fractures à la mâchoire qui ont rendu nécessaire qu'elle soit rattachée par des broches en permanence, une fracture du crâne qui avait été diagnostiquée comme une commotion cérébrale mineure, un coude qu'il n'a jamais pu utiliser d'une façon normale, une lacération sérieuse à la jambe, des ligaments étirés à un genou quand le défenseur Bob Goldham lui a malencontreusement marché dessus et pas moins de sept fractures du nez.
Il avait autant de talent de passeur que de marqueur. Son jeu défensif était aussi d'une grande efficacité. Il jouissait d'une grande anticipation. On dit qu'il aurait facilement gagné le trophée Selke s'il avait existé à l'époque et qu'en raison de ses blessures diverses, il aurait été plusieurs fois candidat au trophée Bill-Masterton.
Ce n'est pas étonnant qu'il nous ait quittés sans la moindre cérémonie, à sa propre demande. C'est à l'image de ce qu'il a été durant sa carrière. Ses exploits ont souvent été éclipsés par ceux du Rocket. Même Toe Blake, le troisième membre de la « Punch Line », a été plus en évidence que lui. Lach ne s'en est jamais plaint.
Juste pour vous dire quel genre de leader il a été, Lach a pris Jean Béliveau sous son aile à l'occasion de son arrivée en 1953 et l'a notamment aidé à devenir meilleur à l'occasion des mises au jeu, et ce, même s'il se doutait qu'il allait perdre son poste au profit de cette brillante recrue. L'année suivante, Lach est parti à la retraite.
Réjean Houle, qui a été le lien entre le Canadien et la famille du disparu durant les derniers jours, est extrêmement peiné de son départ.
« Il était un prince, dit-il. Il avait gardé son coeur d'enfant. J'aimais tellement être en sa compagnie. De tous les anciens que j'ai côtoyés au fil des ans, il est celui avec qui je me sentais vraiment bien. Il était une personne heureuse. Il était gentil, un gars fin. Je suis content qu'on ait pu lui rendre hommage en retirant son chandail. On a ainsi pu saluer sa très grande contribution à l'histoire du Canadien, lui qui a joué dans l'ombre du Rocket et de Toe Blake. » Finalement, Lach est parti comme il avait vécu, discrètement, en restant loin des réflecteurs.
Dollard Saint-Laurent
Puisqu'il est question d'un homme d'une grande gentillesse, l'organisation du Canadien en pleure un deuxième cette semaine : Dollard Saint-Laurent.
Le sympathique Dollard ne parlait jamais fort, même s'il pouvait exprimer ses points de vue avec clarté et fermeté. Il s'exprimait dans un excellent français et sur un timbre de voix un brin chantant que des humoristes ont parfois imité amicalement.
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Sa carrure était solide. Il frappait rondement. Quand il a gagné une cinquième coupe Stanley avec les Blackhawks de Chicago, après en avoir célébré quatre avec le Canadien, il était fier d'affirmer qu'il n'avait pas gagné qu'à Montréal durant sa carrière.
De l'homme, on se souvient de son sourire engageant qui lui permettait de capter l'attention et l'admiration de la gent féminine. Les dames le trouvaient beau et gentil. Il avait une belle joie de vivre, un athlète avec du panache et de la classe.
Il a milité fort au sein de la naissante association des joueurs, tant à Montréal qu'à Chicago, à une époque où il fallait beaucoup de courage pour se dresser devant les bonzes de la Ligue nationale. D'ailleurs, on n'a pas de mal à imaginer qu'il aurait disputé toute sa carrière avec le Canadien s'il ne s'était pas impliqué aussi activement dans la naissance du syndicat des joueurs. Au rythme où le Canadien enterre ses légendes, Réjean Houle, qui se dévoue avec toute la délicatesse qu'on lui connaît auprès de leurs familles affligées, devra peut-être renouveler sa garde-robe d'habits foncés. Il est chargé chaque fois de transmettre l'affection de l'organisation du Canadien et de tous ses membres en veillant à ce qu'elles ne manquent de rien durant leur période de deuil.
« Il faut affronter la réalité. Nos légendes nous quittent lentement », dit-il, simplement.
Jeudi soir, la direction du Canadien rendra hommage à ses deux anciennes vedettes. Le plus ému dans l'édifice sera Dave Stubbs qui, pour la circonstance, portera au poignet la montre-bracelet que l'équipe a offerte à Lach à l'occasion du retrait de son chandail. Une façon discrète de lui dire au revoir.