Perdre oui! Perdre comme ça : non!
MONTRÉAL - Personne n'en voudra à Martin St-Louis, à ses adjoints et à leurs joueurs si le Canadien perd.
L'attrait que Connor Bedard s'assure de lui-même mousser en vue du prochain repêchage fait tellement saliver qu'il poussera même les partisans les plus pressés de voir le Tricolore redevenir un club respectable et respecté dans la LNH à accepter que leurs favoris perdent souvent. Voire très souvent au fil des 44 derniers matchs de la saison.
De fait, un revers du Canadien dans le cadre d'un match au cours duquel Cole Caufield s'approchera du plateau des 30 buts – il en revendique déjà 22 – le dépassera pour ensuite viser celui des 40 buts avec la complicité de Nick Suzuki semble être un scénario qui plairait à tous les partisans d'ici la fin du calendrier.
Ce que personne ne peut accepter toutefois et ce que personne n'acceptera j'en suis convaincu, c'est que le Canadien perde de la façon dont il perd présentement. C'est de voir cette équipe s'écraser au lieu de se battre. De la voir « se tirer dans le pied », comme l'a reconnu l'entraîneur-chef après la dégelée de 6-3 encaissée aux mains des Predators.
C'est loin d'être une puissance de la LNH que le Canadien croisait à Nashville mardi soir. Les « Preds » n'affichaient que trois gains (3-5-4) à leurs 12 derniers matchs. De fait, ils revendiquaient le même nombre de gains (15) que le Tricolore depuis le début de la saison.
Mais voilà : le Canadien qui formait un club difficile à affronter en début de saison, un club qui travaillait, un club qui ne se laissait pas abattre par un vilain but accordé ici ou là, un club qui trouvait souvent le moyen de revenir de l'arrière pour faire mentir ceux et celles qui ne croyaient pas en lui, ne le fait plus du tout.
Au contraire, le Canadien est maintenant le club que tout le monde veut affronter. Le club qui sert de remède aux formations minées par le virus des défaites. L'équipe qui sert de tremplin pour retrouver le chemin de la victoire. Pour relancer l'attaque massive. Pour rendre plus étanche la défensive. Pour mousser les statistiques offensives.
Le Canadien vient de perdre cinq matchs de suite en temps réglementaire. Il a marqué un total de 10 buts lors de ces cinq rencontres. Il en a accordé trois fois plus. Ou 30 si vous préférez.
Ce n'est pas juste beaucoup, c'est énorme!
Il doit aux vols de Samuel Montembeault – victoire en prolongation en Arizona – et de Jake Allen – revers en prolongation au Colorado – les trois points ajoutés à sa fiche au cours des sept dernières parties.
Sur les talons en début de période
Plusieurs facteurs expliquent les récents déboires du Tricolore.
L'un des plus évidents est relié à ses affreux débuts de périodes dont ses adversaires ont largement su profiter.
Le Canadien a accordé des buts – 12 au total – lors des cinq premières minutes d'une période dans chacune des sept parties disputées lors du voyage qui a pris fin mardi soir: une fois en Arizona, à Dallas et à Tampa; deux fois au Colorado, en Floride et à Nashville; trois fois à Washington où il a encaissé son pire revers de la saison (9-2) aux mains d'Alexander Ovechkin et des Capitals.
Les Predators ont pris les devants 1-0 dès la quatrième minute de jeu mardi. Et comme s'il n'était déjà pas déjà trop généreux depuis le début du voyage, Joel Edmundson a ouvert la porte à ce but en tirant la rondelle directement dans les gradins.
En début de troisième, Matt Duchene a mis le match plus hors de portée du Tricolore qu'il ne l'était déjà en donnant les devants 6-2 à son club. Encore une fois en attaque massive. Une attaque massive de deux hommes en plus.
Quand on est rendu à sept matchs de suite au cours desquels on accorde au moins un but dans les cinq premières minutes d'une période, est-ce qu'il est permis de parler d'une tendance? Et même d'une tendance lourde? D'une tendance tellement lourde qu'elle coule les chances de victoires?
Vous n'êtes pas encore convaincus?
J'ajouterai alors que le Canadien a accordé des buts dans les cinq premières minutes d'une période dans 26 de ses 38 matchs disputés depuis le début de la saison. Et il l'a fait 44 fois au total lors de ces 28 rencontres : 13 fois lors des premières périodes, 14 fois en deuxièmes et troisièmes tiers, à trois reprises en prolongation.
Le Canadien a perdu 18 (8-15-3) de ces 26 rencontres.
Ces mauvais débuts de période ne font pas que donner de la vigueur aux adversaires. Ils paralysent aussi un club qui l'est déjà beaucoup. Beaucoup trop même! Un club qui n'est plus seulement fragile comme il l'était il y a trois semaines, mais qui est maintenant friable.
Des preuves :
Le Canadien a accordé trois buts consécutifs aux Predators mardi soir. Il l'a fait dans un cinquième match de suite.
Quatre fois lors du voyage – à Dallas, à Tampa Bay, en Floride et à Washington – il a été victime de quatre buts sans riposte de ses adversaires.
Il est certain que l'inexpérience des jeunes défenseurs, l'incapacité de produire de trop de vétérans, le manque de confiance qui s'est visiblement installé au sein du groupe sans oublier les blessures n'aident pas la cause du Canadien.
Mais cette générosité en début de rencontre et les damnées pénalités écopées en série témoignent aussi d'un manque de préparation ou d'un manque plus grand encore de respect à l'endroit de la préparation exigée par l'entraîneur-chef et ses adjoints.
Martin St-Louis doit redresser son équipe qui est en train de prendre de très vilaines habitudes. Pas juste en amorçant trop de matchs et trop de périodes sur les talons. Mais aussi en défendant affreusement sa zone défensive. En ouvrant toutes grandes des voies menant directement à ses gardiens au lieu de les refermer les unes après les autres.
Martin St-Louis ne peut faire gagner avec une régularité une équipe qu'il est normal de voir perdre plus souvent qu'elle ne gagne. Mais il a le devoir de s'assurer que cette équipe joue de la bonne façon. Qu'elle soit préparée. Qu'elle affiche de la ténacité sur la glace. Qu'elle se dresse devant les défis et les épreuves plus souvent qu'elle ne s'agenouille devant eux. Il a l'obligation de s'assurer que cette équipe de donne pas deux points « gratos » à des rivaux, mais bien qu'elle les oblige à travailler et à travailler fort pour gagner.
Ce qu'elle ne fait pas en ce moment, mais pas du tout.
Unités spéciales
La paralysie du Canadien en attaque massive et lorsqu'il écoule des pénalités rendent plus périlleuses des conditions de jeu qui le sont déjà beaucoup trop.
Les joueurs envoyés sur la patinoire pour écouler les pénalités ont permis aux Predators de marquer deux fois en quatre occasions mardi soir.
Deux buts accordés en quatre occasions, c'est une très mauvaise soirée. L'ennui pour le Canadien c'est qu'il n'a pas été plus mauvais à Nashville qu'il ne l'a été depuis le début du voyage à court d'un homme en accordant 12 buts en 24 désavantages. Le Canadien aurait besoin d'un arrêt clé de plus de temps en temps. Mais il joue avec tellement peu de vigueur dans sa zone que les occasions offertes aux rivaux minent les chances de Jake Allen et de Samuel Montembeault d'aider la cause de leur équipe.
Des spécialistes du désavantage numérique commencent à faire un bon travail lorsqu'ils affichent une efficacité de 80 %. Le Canadien est à 50 % à ses sept derniers matchs. Il affiche une efficacité de 73,9 % depuis le début de la saison.
S'il est vrai que neuf clubs sont pires que lui à ce chapitre, le Canadien est toutefois bon dernier avec une efficacité très inefficace de 15 % en attaque massive. Il ne peut donc faire contrepoids à sa générosité en désavantage en marquant de temps en temps en avantage numérique.
Là aussi, il serait temps que Martin St-Louis donne un coup de barre. Il serait temps qu'il profite du fait que son mandat n'est pas de gagner, mais de développer son club, pour tenter d'autres expériences.
Je sais : les blessures – Sean Monahan, Mike Matheson et même Kaiden Guhle pourraient grandement aider – et des effectifs pas mal timides en attaque n'aident en rien la cause de l'attaque massive.
Mais pourquoi ne pas tenter des choses? Pourquoi ne pas brasser la soupe? Pourquoi ne pas offrir à des gars qui le méritent au moins un peu de remplacer des vétérans qui ne méritent pas le moindrement toutes les minutes de qualité qu'ils reçoivent comme un cadeau du ciel en jouant en attaque à cinq?
Surtout qu'ils sont loin d'en profiter.
Mardi à Nashville, comme ce fut le cas à Washington, en Floride, à Tampa et même à Dallas, le Canadien s'est retrouvé dans une situation où ses chances de victoires oscillaient entre très minces et nulles. Pourquoi alors ne pas profiter de ces minutes pour développer des jeunes en leur offrant des mandats plus importants au lieu de laisser les secondes écouler en y allant avec les mêmes trios, les mêmes stratégies?
Il me semble que ça servirait mieux la cause de l'équipe au moins en matière de développement.
Après un voyage plus difficile encore que ce que plusieurs avaient anticipé, le Canadien revient enfin à la maison.
Enfin? Vraiment?
Il serait ici important de rappeler que le Tricolore était très heureux de quitter le Centre Bell où il avait encaissé six revers à ses huit derniers matchs avant de prendre la route… où il devait en profiter pour se retrouver.
Comme quoi il est aussi difficile de gagner à l'étranger qu'à domicile quand tu joues du mauvais hockey, quand tu es aussi facile à affronter que le Canadien l'est en ce moment.
Au moins, comme l'a dit Martin St-Louis après la défaite de mardi, lui et ses joueurs pourront enfin déposer leurs têtes sur leurs oreillers. En espérant qu'elles n'y resteront pas enfouies jeudi soir afin d'éviter que la séquence déjà longue de dégelées consécutives ne se prolonge plus encore.
Personne n'exigera au Canadien de battre les Rangers au Centre Bell jeudi. Surtout que ça éloignerait le Tricolore de Connor Bedard. Mais tout le monde a le droit d'exiger qu'il force les BlueShirts à gagner au lieu de bêtement leur offrir les deux points en cadeau.