Dans la riche histoire du Canadien, c'est sans doute la première fois que l'équipe se débarrasse d'une façon aussi expéditive d'un adversaire qui a connu une saison de 101 points.

On pourra toujours prétendre que la perte d'un gardien candidat au trophée Vézina, victime d'une dislocation à un coude, est irremplaçable. Si Ben Bishop, qui représente une bonne partie du pain et du beurre du Lightning de Tampa Bay, avait pu affronter le Canadien, cette série n'aurait pas été une partie de plaisir. Nous serions sûrement dans l'attente d'un cinquième match, à Tampa, demain soir. Ce qui ne veut pas dire que le Canadien, qui a rarement aussi bien joué durant la saison, serait en danger pour autant.

Curieusement, c'est dès le premier soir que le Lightning a perdu la série. Quand on n'a pu profiter du fait que Carey Price n'était pas à son mieux pour gagner le premier match à la maison, on a laissé filer une rare occasion d'exploiter le profond décalage de talent entre Anders Lindback et Price pour l'emporter. Par la suite, le médaillé d'or olympique s'est appliqué à démoraliser les attaquants les plus talentueux de Tampa.

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C'est en équipe que le Canadien a gagné. Price a fait fi de la pression et ses défenseurs ont été si efficaces qu'aucun d'eux ne pourra logiquement laisser sa place au début de la prochaine série. Rene Bourque et Lars Eller, contre toute attente, ont donné de la vigueur à l'attaque et les quatre trios ont apporté une contribution significative. Dans les circonstances, on comprend un peu mieux pourquoi le Canadien a accédé aussi rapidement au prochain tour.

En fait, le seul rouage du Canadien qui n'a pas baigné dans l'huile a été son attaque massive. Néanmoins, regardez d'où est venu le but décisif de la série : de l'attaque à cinq.

Max Pacioretty, qui a envoyé les joueurs du Lightning en vacances, a gardé son unique but de la série pour les dernières secondes du quatrième et dernier match.

Tomas Plekanec, qui avait la dure mission de contrer les efforts d'une machine à marquer des buts, Steven Stamkos, ne lui a rien donné au cours des trois derniers matchs.

Les quatre buts gagnants sont venus d'autant de joueurs différents : Weise, Bourque, Plekanec et Pacioretty.

P.K. Subban est devenu le général qu'on a attendu durant toute la saison. Il a joué intelligemment en ajoutant une qualité essentielle à son jeu : la maturité.

Livre pour livre, Brendan Gallagher a été le joueur le plus menaçant, le plus dérangeant et le productif dans les deux camps grâce à ses cinq points en quatre soirs.

De plus, quand Daniel Brière a serré la main de Ginette Reno et marqué un but dès sa première présence sur la glace, on s'est dit qu'une main invisible a probablement guidé le Canadien, comme si le scénario de l'exploit qu'il vient d'accomplir était déjà écrit quelque part.

Ginette Reno et Daniel BrièreBrière, qui a perdu sa mère il y a un peu moins de deux ans, a mentionné que madame Reno était sa chanteuse préférée et qu'elle aurait été fière de ce qui s'est passé. « Quand nous roulions en voiture et que la radio faisait jouer une chanson de Ginette Reno, il fallait lever le son pour plaire à ma mère », a-t-il mentionné.

La chanteuse porte-bonheur du Canadien sera assurément de retour dans la prochaine série. Il en faut parfois très peu pour que des athlètes superstitieux y voient un élément important dans leur préparation d'avant partie. Madame Reno n'a marqué aucun but, n'a servi aucune mise en échec et n'a effectué aucun arrêt, mais l'équipe a un dossier parfait quand elle est là. Si Marc Bergevin ne se retenait pas, il lui offrirait un contrat.

Ce congé d'une dizaine de jours ne se refuse pas. Le Canadien ne voulait rien entendre de retourner à Tampa. Quand on ne joue pas, on ne peut pas se faire blesser. Pendant que les Red Wings et les Bruins vont continuer de brûler des énergies, les joueurs du Canadien vont soigner leurs blessures et ceux qui ont été utilisés à outrance vont refaire leurs énergies. Autre élément important, leurs prochains adversaires, eux, n'auront pas le temps de soigner leurs bobos. Il faudra en profiter pour frapper fort dès le départ.

Il n'y avait pas de sourire dans le vestiaire malgré l'importance de cette victoire. On est satisfait de ce qui a été accompli, car une série gagnée en quatre parties n'avait été prévue par personne. Même Michel Therrien a admis qu'il ne s'attendait pas à cela. Par contre, on ne peut pas commencer à pavoiser quand on sait fort bien ce qui s'en vient.

Ce qui n'empêche pas chaque joueur d'être fier de ce qu'il a apporté sur le plan personnel. Après avoir marqué 350 buts durant sa carrière, séries éliminatoires incluses, Brière a fait remarquer qu'il se souviendra très longtemps de son dernier but. « Quand j'étais tout jeune, j'ai souvent rêvé de marquer un but dans les séries avec le Canadien », a-t-il expliqué.

Il a déjà tenu parole

Avant de prendre la direction de Tampa pour le match inaugural, Brière avait eu un long entretien avec les gens des médias dans lequel il avait notamment exprimé son désir de pouvoir faire une différence dans les séries. Confiné dans un quatrième trio, il a déjà en partie tenu parole puisque son but, obtenu dans une victoire à l'arraché, a évité à l'équipe un désagréable retour en Floride.

Alex GalchenyukOn a eu peu de choses à lui reprocher durant cette série. Il s'est fort bien tiré d'affaire en pivotant un trio dont les deux ailiers ne menaceront jamais les records offensifs de l'organisation. Peut-être est-il en train d'amasser des multipoints avec son entraîneur, qui sait?

« On ne sait jamais ce qui peut se produire, précise-t-il. S'il y a des blessés, je peux peut-être être appelé à jouer un rôle différent au sein d'un autre trio. J'essaie de jouer de façon à ce que l'entraîneur sache qu'il peut compter sur moi. S'il n'a pas besoin de moi pour d'autres tâches, ça voudra sans doute dire que tout se passe bien pour l'équipe. »

Brière peut au moins se dire que sa réputation de joueur utile en séries n'est pas surfaite. Si son entraîneur en tient compte, il aura encore la chance de le démontrer dans les prochaines séries. D'ailleurs, tous les joueurs sont en train de causer des maux de tête à Therrien pour la suite des choses. Personne ne mérite de laisser sa place, mais il faudra bien que Therrien tranche quand Alex Galchenyuk sera rétabli de sa blessure. Chaque chose en son temps, évidemment.

En attendant, on sera peut-être plus enclin à porter une oreille attentive quand le directeur général insistera sur le fait que son équipe ne manque pas de profondeur. Durant cette série, la contribution du 12e attaquant et du 6e défenseur a été aussi utile que celle des joueurs qui n'ont jamais à craindre pour leur poste.

Peu importe qui de Detroit ou Boston sera le prochain adversaire, la bonne nouvelle pour le Canadien, c'est que Pacioretty, qui produit par séquences, vient de mettre un terme à une autre période de disette. Il s'agissait de son premier but en six matchs. Dans les dernières semaines du calendrier, une léthargie de sept parties a été suivie d'une séquence de huit buts en autant de rencontres, puis de cette série de cinq matchs sans but.

Si jamais ce but gagnant est un signe annonciateur de sa production des matchs qui vont suivre, ça pourrait vouloir dire que le premier trio, qui n'a obtenu que trois buts contre deux gardiens sans expérience, pourrait retrouver son rythme de croisière. Dans une dure série contre Boston, par exemple, cela pourrait permettre à l'équipe de garder son moral au beau fixe.

On s'est ennuyé de Martin Saint-Louis

On a dit toutes sortes de choses au sujet de Martin Saint-Louis depuis qu'il a été échangé aux Rangers. On a prétendu qu'il prenait une telle place dans la chambre que son départ a permis de purifier l'atmosphère. Qu'on le veuille ou non, le Lightning s'est ennuyé de sa créativité en attaque durant la série.

Stamkos, qui n'avait qu'à se découvrir pour recevoir les passes précises de son ancien coéquipier dans le passé, aurait probablement été plus menaçant si cette transaction n'avait pas eu lieu.

Celui qui est appelé à le remplacer, Ryan Callahan, est un joueur étoile, mais il n'est pas Saint-Louis quand vient le temps d'imaginer et d'orchestrer des jeux. Un attaquant, qui a remporté deux championnats des marqueurs et un trophée Hart, ne se remplace pas facilement à l'heure des grands enjeux. Les jeux de tic-tac-toe entre Stamkos et lui auraient pu causer toutes sortes de maux de tête à la défense du Canadien.

J'en prends et j'en laisse de toutes ces allusions au fait que Saint-Louis occupait une trop grande place dans l'équipe. On a chassé Patrick Roy de Montréal pour la même raison et il a fallu des années pour qu'on se remette de son départ.

De grands joueurs comme Roy et Saint-Louis ont les qualités de leurs défauts. Ils ne sont peut-être pas parfaits, mais quand ils permettent à leurs équipes de gagner, il faut les accepter comme ils sont.

Steve Yzerman a sans doute réfléchi à cela quand Stamkos, posté dans l'entourage de Price, a attendu des passes qui ne sont jamais venues durant une série au cours de laquelle une équipe de 100 points a mis dans sa petite poche une formation de 101 points.