La formation actuelle du Canadien est vraiment celle de Marc Bergevin. Des 24 membres de l’équipe (en tenant compte du blessé Andrew Shaw), deux joueurs seulement, Carey Price et Brendan Gallagher, ont été choisis par ses prédécesseurs. Le premier a été un premier choix de Bob Gainey. Le second a été repêché par l’administration Pierre Gauthier.

Par contre, pour un homme qui s’est fixé comme objectif ultime de bâtir une équipe gagnante par la voie du repêchage, seulement Artturi Lehkonen, Victor Mete, Charles Hudon et Jesperi Kotkaniemi proviennent des séances amateurs. Bien sûr, de beaux espoirs s’en viennent, mais dans l’immédiat, c’est avec ce personnel que le Canadien vise une participation aux séries.

Bergevin semble être allé au plus pressant en bâtissant sa troupe par le biais de transactions et d’acquisitions sur le marché des joueurs autonomes. Ils sont pas moins de 18 joueurs acquis de cette façon. Heureusement d’ailleurs parce que s’il avait fallu s’en remettre strictement  aux recruteurs de l’organisation, l’équipe tirerait sérieusement de la patte actuellement.

Il y a eu quelques bons coups réussis par le toujours controversé directeur général : Jonathan Drouin, Max Domi, Tomas Tatar, Shea Weber, Jeff Petry, Paul Byron et Phillip Danault, notamment. Du nombre, Domi, Drouin et Danault étaient d’ex-choix de premier tour, Tatar revendiquait trois saisons de plus de 20 buts et Weber était un général sur la glace reconnu pour exercer une énorme influence parmi ses coéquipiers.

Par ailleurs, compte tenu de sa très mince feuille de route au moment de son acquisition et de l’énorme contribution qu’il apporte maintenant au Canadien, Danault est certainement l’une de ses très belles trouvailles. Dans ce cas bien précis, il est permis de croire que Bergevin cherchait d’abord à combler une lacune gênante en faisant cette acquisition. Danault n’aurait sans doute jamais eu l’occasion de porter ce chandail s’il s’était appelé Joe Smith et s’il avait fait son apprentissage ailleurs qu’au Québec. Le Canadien subissait alors beaucoup de pression pour ajouter des éléments francophones à son organigramme dégarni de Québécois.

Faut le dire, Bergevin est allé chercher à Chicago un élément francophone qu’il connaissait déjà. Il travaillait aux côtés du directeur général Stan Bowman quand les Hawks avaient fait de Danault leur choix de premier tour en 2011. Cependant, il avait joué 32 parties seulement en deux ans avec les Blackhawks quand il s’est amené à Montréal, de sorte qu’on a cru voir arriver un autre élément de troisième ou de quatrième trio dont Bergevin a le secret.  Reconnu pour sa détermination et son sens du hockey, le jeune homme de Victoriaville est en train de se faire une niche qu’il pourrait occuper durant plusieurs années.

Danault est devenu indispensable

Ce qu’il a accompli contre le trio le plus menaçant de la ligue dans le match contre l’Avalanche samedi soir nous a tellement rappelé tout ce que Guy Carbonneau a apporté au Canadien durant un peu plus de 12 saisons. Il a contenu l’électrisant Nathan MacKinnon, il a gagné la majorité de ses mises au jeu et il a été à ce point brillant en infériorité numérique qu’il a orchestré le premier but des siens dans cette situation pendant que le Colorado cherchait à prendre le contrôle de la partie. Alors que toute l’attention était portée sur la séparation du duo Domi-Drouin et qu’il était beaucoup question de la spectaculaire force de frappe du trio par excellence de la ligue, devinez à qui on a décerné la première étoile de la soirée?

À Boston, lundi soir, il a été confronté à des centres chevronnés : Patrice Bergeron et David Krejci. Il leur a été supérieur, se permettant même d’avoir le meilleur sur Bergeron dans 60 % de ses mises au jeu. Dans l’ensemble de la ligue, ils sont rares les adversaires de Bergeron qui peuvent se permettre une telle domination à ses dépens.

Finalement, contre la Floride hier soir, Danault a poursuivi sur cette spectaculaire lancée en inscrivant le but gagnant. Il s’agissait de son 17e point à ses 17 dernières parties.

L’exemple à suivre

Carbonneau a été un franc-tireur nettement supérieur à Danault dans les rangs juniors. Il a marqué 171 buts en quatre ans à Chicoutimi comparativement aux 65 buts en un peu plus de trois saisons à Victoriaville.

Même s’il était reconnu comme un habile marqueur, la direction du Canadien a suggéré à Carbonneau de modifier son style afin de devenir un spécialiste des missions défensives, ce qu’il a fait de brillante façon tout en s’offrant six productions de plus de 20 buts à ses neuf premières saisons. Cette décision a probablement contribué à prolonger sa carrière, car en fin de parcours, un habitué des responsabilités défensives ressent beaucoup moins de pression pour s’illustrer en attaque.

ContentId(3.1304993):Canadiens : Phillip Danault a des yeux dans le dos (Canadiens)
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Danault n’atteindra jamais le niveau de production de l’ancien capitaine, mais s’il continue de progresser dans toutes les facettes de son jeu, on ne peut pas totalement écarter la possibilité qu’il remporte le trophée Selke avant la fin de sa carrière, un exploit que Carbonneau a réussi à trois occasions. Malgré son manque d’expérience, il répond déjà à quelques-uns des critères défensifs les plus indispensables. Toutefois, il est bien possible que son manque de productivité l’empêche éventuellement d’obtenir toute la visibilité nécessaire pour y arriver. Néanmoins, comme on le faisait avec Carbonneau dans le temps, c’est déjà vers lui que l’entraîneur se tourne dans les moments à haut risque pour son équipe.

À l’instar de Carbonneau, la spécialité qu’il est en train de développer pourrait lui permettre d’ajouter quelques années de plus à sa carrière. Un attaquant produisant à un rythme d’une dizaine de buts par saison est rarement considéré comme un élément indispensable. Tôt ou tard, on finit toujours par en trouver un meilleur que lui pour chausser ses patins. Sauf s’il peut être utile à son équipe de diverses façons, évidemment.

À l’époque de la rivalité Canadiens-Nordiques, on avait l’habitude de lancer Carbonneau dans les pattes de Peter Statsny. Il était toujours à son mieux dans ces moments-là. Durant la série finale de 1993 contre Los Angeles, le Canadien a perdu le premier duel au Forum quand Wayne Gretzky a fait la loi en récoltant un but et trois passes dans une victoire de 4-1. Dès le lendemain, l’ex-capitaine est allé voir l’entraîneur Jacques Demers pour exiger qu’il lui confie la responsabilité de surveiller Gretzky. Demers a tenu compte de sa demande et Carbo a brillamment rempli cet engagement. L’équipe a remporté les quatre parties suivantes au cours desquelles la vedette des Kings a été limitée à un but et deux aides et le Canadien a ainsi mérité sa dernière coupe Stanley.

Voilà le genre de mission que Danault est appelé à remplir. Chose certaine, à 25 ans, il a de qui s’inspirer.

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