BROSSARD, Qc - Carey Price vient de tourner la page sur le genre de saison dont la plupart de ses confrères ne peuvent même pas se permettre de rêver.

Entre un automne torride et un printemps trop court, Price a survolé la compétition dans à peu près toutes les principales colonnes de statistiques, s’établissant comme la référence au chapitre des victoires (44), de la moyenne de buts alloués (1,96) et du taux d’efficacité (,933). Seuls les dix blanchissages de Marc-André Fleury l’ont empêché de terminer la saison avec quatre as dans son jeu. Ce détail ne devrait toutefois pas l’empêcher de repartir les mains pleines de la prochaine cérémonie de remise des trophées de la Ligue nationale, où il sera le favori pour remporter le Hart et le Vézina.

Price, qui s’est déjà approprié certains records des légendes de la Sainte-Flanelle, n’a probablement pas encore mis les deux patins dans la période qui sera un jour identifiée comme les meilleures années de sa carrière. À 27 ans, quelques années le séparent assurément de son apogée, mais sa huitième saison dans la LNH place la barre très haut pour celles qui suivront.

Néanmoins, l’ambitieux cerbère croit qu’il peut faire mieux.

« C’est le but! Chaque année, j’arrive ici avec comme objectif d’améliorer ce que j’ai fait l’année précédente. Alors cet été, je prendrai le temps de récupérer et ensuite je me préparerai pour essayer de faire aussi bien sinon mieux la saison prochaine », a établi Price lors du bilan de fin de saison de l’équipe, jeudi. 

Price en a fait sursauter plus d’un lorsqu’il a déclaré qu’il était le joueur qu’on devait blâmer après l’élimination de son équipe aux mains du Lightning de Tampa Bay. Même si l’attaque du Canadien avait été incapable de fournir plus de deux buts dans cinq des six matchs de sa série de deuxième ronde, Price s’en voulait de ne pas avoir pu réaliser l’arrêt qui aurait fait la différence.

« On gagne en équipe, on meurt en équipe. Je n’ai fait qu’émettre mon opinion sur le sujet, a-t-il réitéré à tête reposée. C’est maintenant le temps de regarder vers l’avenir et tout le monde devra mieux jouer. »

« Il était un peu dans le champ quand il a dit ça! », s’est permis de lancer Pierre-Alexandre Parenteau à travers un éclat de rire qui reflétait bien le sentiment général à l’égard de l’autocritique de son coéquipier masqué.

« C’était complètement ridicule et c’est ce que je lui ai dit, a partagé Dale Weise. Il est le meilleur gardien de la Ligue, il va gagner le titre de joueur par excellence et il est l’unique raison qui explique nos succès. Ça en dit beaucoup sur son leadership. Jamais il ne va pointer le doigt vers qui que ce soit. »

« Personne ne partage son avis, c’est bien évident, a rassuré Lars Eller. Il est probablement le dernier responsable de notre défaite, ce n’est certainement pas sa faute. Mais c’est ce que font les grands hommes, ils s’imposent le poids de leurs responsabilités sur leurs épaules. »

« Au fond de lui-même, je pense qu’il a fait tout ce qu’il pouvait et qu’on n’a tout simplement pas marqué assez de buts, devinait Max Pacioretty. Il est loin d’être le problème! »


« Mon travail n’est pas de marquer des buts… »

N’importe quel observateur viendra à la conclusion que le Canadien a péri d’une sécheresse offensive qui aura, dans le fond, été l’un des maux constants d’une saison malgré tout couronnée de succès.

Montréal n’a marqué que 221 buts en saison régulière, la plus faible production - à égalité avec celle des Penguins de Pittsburgh - parmi les 16 équipes qualifiées pour les séries éliminatoires. L’apport de l’attaque a été encore plus limité lors du tournoi printanier : une moyenne à peine supérieure à deux buts par rencontre avec une production de 19 buts en 12 matchs de la part des attaquants.

Un tel rendement ne peut logiquement qu’amincir la marge d’erreur collective et rehausser la pression sur le dernier rempart de la défensive. Mais Price s’est contenté de hausser les épaules lorsqu’il a été questionné sur les inconvénients de devoir garder le fort d’une équipe comptant sur si peu de munitions.

« Mon travail n’est pas de marquer des buts, j’essaie simplement de garder la rondelle à l’extérieur de mon filet. Qu’on marque huit buts ou qu’on en marque un seul, ça n’affecte en rien mon travail ni ma mentalité », a minimisé le médaillé d’or olympique, convaincu que la solution aux problèmes de l’attaque ne se trouve pas dans une reconstruction de l’effectif.

« Il y a beaucoup de talent au sein de cette équipe. En séries, la chance n’était pas de notre côté, on a frappé plusieurs poteaux. Mais je vois nos gars chaque jour à l’entraînement et ce n’est pas une question de manque de talent », a-t-il insisté.  

Lars Eller, qui n’a marqué qu’une fois en douze matchs de séries, ne croit pas que le Canadien ait payé pour son manque de punch.

« Vous ne trouverez jamais une équipe qui domine la Ligue au niveau des buts accordés tout en étant celle qui en marque le plus. Ça ne va pas ensemble, c’est l’un ou l’autre. Et cette année, notre identité était celle d’une équipe qui ne marque pas beaucoup, mais qui défend bien et qui trouve toujours une façon de gagner. Et on vit bien avec ça, même si je sais que je parle pour tout le monde en disant qu’on aurait bien aimé marquer plus souvent. »

 

« Pendant toute l’année, on a fait les choses d’une certaine façon. Je sais que pour vous, les journalistes, ça a été un gros sujet de discussion, mais ça n’a jamais vraiment été un problème pour nous, a dit, dans la même veine, Brendan Gallagher. On est aussi à l’aise dans un match défensif que dans un festival offensif, mais on comprenait comment notre équipe était construite et on savait comment on devait jouer pour en maximiser les ressources. »

Gallagher a tout de même admis qu’il serait bénéfique pour tous d’alléger la charge de travail de Price à partir de la saison prochaine.

« Je me vois à long terme avec le CH »

« Je crois que toutes les équipes se fient à leur meilleur joueur et c’est ce que Carey représente pour nous. Mais il y a certainement des choses qu’on peut faire pour lui faciliter la vie. C’est le travail de tout bon coéquipier. Il y a des leçons qu’on devra retenir de cette saison. »

« Ce serait injuste de lui en demander autant chaque année. Si tout le monde peut augmenter le niveau de son jeu d’un cran en produisant plus d’attaque, on sera une meilleure équipe », calcule Parenteau.

Price croit que même si le Tricolore n’a pu connaître un parcours aussi long que l’année précédente, il a ce qu’il faut pour être considéré comme un aspirant aux plus grands honneurs.

« Quand une équipe amasse 50 victoires dans une saison, c’est qu’elle fait quelque chose de bien. On ne veut rien changer », a-t-il clamé sans élever la voix.

« Quand tu as un joueur comme lui comme colonne vertébrale de ton équipe, tu peux regarder l’avenir avec optimisme », s’encourageait quant à lui Parenteau.