Je me demande vraiment comment les observateurs, qui font leurs prédictions pour les différents trophées à mi-chemin dans la saison, peuvent ignorer le nom de Carey Price dans la catégorie du joueur le plus utile à son équipe. Je ne dis pas que Price devrait obligatoirement mériter le trophée Hart, mais on ne peut pas ignorer son nom quand on dresse la liste de ceux qui sont responsables d'une position enviable de leur équipe au classement.

Le Canadien ne forme pas une mauvaise équipe. Néanmoins, même si l'organisation s'en va dans la bonne direction, il y a encore très loin de la coupe aux lèvres. Assez loin même. C'est Price qui fausse la réalité, comme Patrick Roy l'a fait à certains moments durant son stage avec le Canadien, surtout à l'occasion des coupes de 1986 et de 1993. Essayons juste d'imaginer où serait le Canadien en ce moment si Price était juste un gardien ordinaire. S'il était, disons, parmi les 15 meilleurs gardiens de la ligue. S'il avait été juste bon cette saison.

Très souvent, il a fait la différence entre la victoire et l'échec. En d'autres occasions, il a évité une humiliation à des coéquipiers qui connaissaient une mauvaise soirée ou qui n'étaient pas dans la même classe que la compétition. Chose certaine, avec un autre gardien que lui, le Canadien ne serait jamais allé jusqu'à trôner au premier rang dans l'Association Est.

On cherche actuellement toutes sortes d'explications qui pourraient permettre de comprendre pourquoi l'attaque massive du Canadien éprouve autant de difficulté. Les joueurs eux-mêmes évoquent diverses excuses. Le personnel d'entraîneurs semble à court de réponses. On comprend que Michel Therrien puisse encore brasser la soupe à la recherche de solutions. Toutefois, à la base, ce n'est pas uniquement un problème d'imagination ou d'exécution en supériorité numérique. C'est d'abord parce que trop d'attaquants ne fournissent pas la contribution qu'on attend d'eux en temps normal. Trop de joueurs se cachent derrière l'étonnante première portion de calendrier du Canadien pour masquer leurs problèmes personnels à l’attaque. Quand une équipe gagne aussi régulièrement, les joueurs qui déçoivent ne se font pas trop poser de questions. Tant que ça va bien, le public ne leur impose pas trop de pression.

Price fait bien paraître tout le monde, joueurs comme entraîneurs. On le réalise pleinement quand on fait le bilan de ce qu'il a reçu comme appui de ses coéquipiers, tant des attaquants qui sont en panne que de la défense qui n'a rien cassé jusqu'ici.

À l'attaque d'abord. Trop de joueurs sont dans une profonde période de disette. Voyons cela de plus près. Parenteau, un ajout cette saison qui devait justement devenir un atout en avantage numérique, a obtenu un but à forces égales à ses 20 dernières parties. Je vous précise en passant qu'il a marqué deux buts de moins que Daniel Brière, au Colorado. Le dossier de quelques autres n'est guère plus reluisant. Plekanec 3 buts en 19; Eller 2 buts en 15; Prust 2 buts en 22; Weise un but en 20 et, évidemment, Malhotra aucun but en 38. Voilà six attaquants qui, durant un équivalent de 134 matchs, ont marqué l'impressionnant total de neuf buts.

Et tant qu'à y être, on peut ajouter quatre autres joueurs qui, tout en jouissant de certaines excuses, n'en donnent pas beaucoup depuis quelque temps. Il y a les recrues Sekac (un but en 10) et Andrighetto (0 en 9), Galchenyuk, qui est en encore en processus d'adaptation au centre (1 en 9), et Desharnais, qui a été délogé de sa position naturelle (3 en 11). Mine de rien, on parle ici de 10 attaquants sur 13 qui, par leur bien mince contribution offensive, ne laissent pratiquement pas de marge de manoeuvre à Price.

Du côté de la défense, Markov reste l'élément le plus fiable. Subban a offert en première demie de saison un rendement en deçà de ses immenses ressources, et ce, malgré des statistiques qui le placent parmi les meilleurs arrières de la ligue. Emelin  est pour le moins erratique, Gilbert ne brise rien tandis que Weaver et Allen n'ont pas fait le travail.

Bref, pas exactement un corps défensif qui peut mener une formation à la coupe Stanley.

En définitive, malgré l'instabilité de la défense, une attaque qui en arrache et une production anémique en supériorité numérique, Carey Price, qui est un fort candidat au trophée Vézina, mérite de la considération pour le trophée Hart. Cela nous dit absolument tout sur l'importance qu'il occupe dans cette équipe. N'ayons pas peur des mots, Price est le sauveur de l'organisation.

Imaginez le genre de saison que connaîtrait le gardien de 27 ans s'il avait fallu qu'il soit mieux appuyé. Price au coeur de la course au trophée Hart? Comment pourrait-il en être autrement?