Alors que le repêchage d’expansion approche à grands pas, le débat le plus intéressant à propos de la liste de protection du Canadien est à savoir s’il protégera Nathan Beaulieu, qui est âgé de 24 ans, ou Jordie Benn, qui aura très prochainement 30 ans.

Cette saison, Beaulieu a eu l’opportunité de jouer de grosses minutes en compagnie de Shea Weber, expérience qui n’a pas très bien fonctionné. Après avoir changé de partenaire en défense, Beaulieu a semblé souffrir d’une perte de confiance pour la majorité de la saison, offrant des performances inconstantes à son club à égalité numérique, bien qu’il ait connu la meilleure campagne de sa carrière offensivement.

Beaulieu a fait l’étalage de nouvelles prouesses sur l’avantage numérique, chose qui aurait dû être exploitée plus souvent en fin de calendrier, mais peu nombreux sont ceux qui diront que sa saison fut réussie dans l’ensemble.

D’autre part, Jordie Benn fut amené à Montréal en retour de Greg Pateryn et d’un choix de quatrième ronde, alors que la date limite des transactions était à proximité. Il a excellé à un niveau inattendu pour le reste du calendrier et en séries éliminatoires.

Plus précisément, Benn a affiché des chiffres spectaculaires en évoluant avec Jeff Petry, offrant au Canadien une deuxième paire défensive sur laquelle il pouvait compter lors des moments clés. Cela manquait au club.

Cependant, même si Benn a bien paru, savoir s’il vaut mieux protéger un défenseur de 30 ans qui aura droit à l’autonomie complète dans deux ans aux dépens d’un joueur autonome avec compensation de 24 ans est une décision importante. Ce choix ne peut pas se baser sur des bonnes performances livrées durant 19 parties.

Afin d’y voir plus clair, regardons les deux dernières saisons de ces deux joueurs quant à leur impact offensif, leur impact défensif et leurs performances globales à égalité numérique comparativement à celles de leurs coéquipiers.

Commençons par l’attaque.

Impact offensif à égalité numérique

Ce que nous constatons offensivement n’est pas très surprenant : Beaulieu a créé un plus grand nombre de chances de marquer que Benn et l’écart s’est quelque peu accentué cette année, alors que le jeu offensif de Beaulieu s’est davantage fait ressentir au niveau de la LNH. Beaulieu est un meilleur fabricant de jeu et il s’améliore également au moment de diriger le disque au filet.

Beaulieu transporte le disque en zone offensive beaucoup plus régulièrement, crée des chances de marquer de meilleure qualité en contre-attaque et récupère aussi davantage de rondelles libres en zone offensive, mais Benn est meilleur au moment de protéger sa ligne bleue lorsqu’un adversaire tente de dégager son territoire.

Le jeu offensif de Beaulieu a mûri et est devenu plus efficace, alors que Jordie Benn a offert des flashs intéressants tard dans la dernière saison. La production offensive commence généralement à chuter lorsqu’un joueur atteint la trentaine, donc Beaulieu doit être avantagé à cet égard.

Impact défensif à égalité numérique

Même si Beaulieu semble plus avantagé offensivement, Benn détient le même avantage à propos de son jeu défensif. La seule facette du jeu où Beaulieu est supérieur, c’est au moment de transporter lui-même le disque, ce qui est logique, considérant le bon coup de patin de Beaulieu.

De façon surprenante, Benn est très efficace au moment de faire circuler la rondelle hors de son territoire défensif, surtout au moment de compléter de longues passes en sortie de zone. Ironiquement, cette habileté l’aurait rendu très précieux au sein du schéma stratégique de Michel Therrien quant aux sorties de zone, facette où Claude Julien préfère compléter des passes plus courtes.

Benn est un meilleur joueur pour soutirer le disque à l’adversaire, réalisant plus de jeux défensifs, récupérant davantage de rondelles libres et quittant son territoire défensif plus efficacement. Toutefois, il y a une chose qu’il faut noter ici malgré les déboires de Beaulieu cette année : l’écart entre ces deux joueurs semble vouloir se rétrécir.

Benn est ici avantagé, et même si Beaulieu a véritablement amélioré son jeu défensif sans que la majorité des observateurs en aient pris note, c’est quelque chose qui doit être pris en considération avec grand sérieux.

Comparaison avec leurs coéquipiers

Les taux de revirements sont inversés. Un taux positif est bon et un taux négatif est mauvais.

Ni Benn, ni Beaulieu n’a fait beaucoup pour afficher un bon différentiel de tentatives de tir à forces égales ces deux dernières années, même si Benn fut jumelé à Petry à Montréal. Cette paire a pourtant généré près de 60 % des tentatives de tir face à une opposition ordinaire, réalité qui ne devrait pas être ignorée, même pour un petit échantillon de données.

Beaulieu a cumulé d’excellents résultats la saison dernière quant à son différentiel de buts lorsque sur la glace, même si la majorité de ces résultats sont imputables au moment où il fut jumelé à Weber tôt dans la saison, moment où Carey Price arrêtait approximativement 98,5 % des tirs qu’il recevait lorsque ceux-ci étaient sur la patinoire, réalité qui n’avait rien de durable.

En ce qui trait à la gestion de la rondelle, ces deux joueurs ont connu davantage d’ennuis en 2016-2017 que lors de la saison précédente. Cependant, cette année, Beaulieu a globalement connu plus de succès en possession du disque que Benn.

Toutefois, pour ce qui est des revirements, vous pouvez constater que la rondelle se voulait moins à risque sur la palette de Benn que sur celle de Beaulieu. Essentiellement, Beaulieu a fait moins d’erreurs en possession du disque que Benn, mais ses erreurs furent plus coûteuses. Cela résume assez bien ce que la plupart des gens ont pu constater sur la patinoire la saison dernière.

À l’aide de cet échantillon représentatif, nous pouvons constater encore plus clairement les ennuis de Beaulieu comparativement à l’année précédente. Il n’y a pas eu d’amélioration d’année en année quant à son taux de jeux complétés en possession du disque. Même qu’en réalité, son jeu a quelque peu régressé.

S’il s’agit simplement d’un problème de confiance, c’est quelque chose pouvant être réglé. Considérant qu’il soit plus efficace offensivement et qu’il soit plus impliqué défensivement, il faut penser qu'il s'agit d'un pas en arrière temporaire.

La réalité est que le Canadien a besoin de ces deux joueurs. Benn est quelqu’un dont vous avez besoin à court terme, car il n’y a pas de grande option pour compléter le quatuor à la ligne bleue. Mais avec la structure défensive du Canadien, il ne peut pas se permettre de perdre un joueur aussi mobile que Beaulieu.

Le contrat de Benn est incroyablement abordable, ce qui le rend d’autant plus attrayant. Au final, il est encore un joueur ayant principalement évolué sur une troisième paire défensive tout au long de sa carrière, n’ayant pas démontré avec constance sa capacité à contrôler la rondelle où générer des séquences menant à des buts. À cet âge, il est peu probable qu’il s’améliore. Beaulieu est l’un des quelques bons jeunes joueurs que le Canadien a fait graduer avec succès de la Ligue américaine de hockey sous la direction de Bergevin. Il y a une chance réelle qu’il s’améliore. À moins de l’échanger, il est le joueur qui doit être protégé puisqu’il serait plus facile de convaincre Las Vegas de ne pas sélectionner Benn, surtout que Gerard Gallant connaît déjà Beaulieu.