Après s’être rivé le nez sur la glace en prenant des chances avec Alexander Semin et Zack Kassian, l’an dernier, le Canadien a décidé de lancer un défi au proverbe « jamais deux sans trois » en donnant une chance à Alexander Radulov.

Chassé de Nashville et de la LNH en raison de ses frasques hors patinoire, Radulov n’est pas un ange. Il ne l’était pas à Québec où il a fait les joies des Remparts et de leurs partisans; il ne l’était pas à Nashville alors qu’il a quitté les Predators en 2008 pour aller empocher des millions de pétrodollars dans la KHL; il ne l’était pas non plus lorsqu’il est revenu à Nashville en 2012 pour disputer quelques matchs avant d’être suspendu parce qu’il se prélassait dans un bain-tourbillon – avec Andrei Kostitsyn – tard dans la nuit la veille d’une partie de séries éliminatoires; il ne l’était pas plus dans sa Russie natale où il a été au centre de tout plein de polémiques en plus d’être la vedette d’une bande vidéo compromettante alors qu’il frappe violemment un de ses entraîneurs à son retour au banc en pleine partie.

Pourquoi prendre une chance avec un tel joueur problème? Pourquoi courir pareil risque deux jours seulement après avoir échangé P.K. Subban dont la personnalité flamboyante donnait de l’urticaire aux membres de l’état-major et à bon nombre de ses coéquipiers? Une transaction qui a soulevé l’ire des partisans de P.K. dont plusieurs ont décidé de tourner le dos au Canadien. Du moins pour un temps...

Le talent est là. Il est indéniable. Mais au-delà son talent, sa combativité, sa capacité de marquer des buts, Radulov demeure un risque. « Ça reste un pari », a d’ailleurs reconnu le directeur général Marc Bergevin.

Le Canadien accepte de prendre ce nouveau pari parce que Marc Bergevin est convaincu que les problèmes de Radulov sont du passé.

« Il est marié et a un enfant », m’a lancé un observateur bien au fait du dossier lorsque je lui ai demandé, vendredi matin, si la rumeur amenant Radulov à Montréal, une rumeur qui semblait farfelue, a commencé à circuler sur les médias sociaux hier matin.

Cette réponse a aussitôt transformé la rumeur en possibilité. L’offre de contrat d’un an d’une valeur de 5,75 millions $ a transformé la possibilité en probabilité qui s’est confirmée quelques heures plus tard.

Maturité vs attitude

Marc Bergevin a fait ses devoirs avant de décider de prendre une chance sur Radulov.

Après avoir rencontré le principal intéressé en personne, après lui avoir parlé dans le blanc des yeux, après avoir échangé avec Sergei Fedorov qui était le patron (directeur général) de Radulov avec le CSKA à Moscou et surtout après avoir obtenu les observations de son nouveau défenseur Shea Weber qui a été le coéquipier et capitaine de Radulov à Nashville, Bergevin a été rassuré. « En parlant avec Shea Weber j’ai compris que les problèmes qu’on reprochait à Radulov étaient associés à un manque de maturité et non à des problèmes d’attitude », a commenté Bergevin.

« Ça reste un pari, mais le reste lui appartient », a conclu le DG du Canadien.

Le choix des mots est très important. De la maturité, ça s’acquiert avec le temps. Je connais et vous connaissez aussi des petits turbulents qui se sont assagis avec l’âge et l’expérience. Inversement, vous connaissez et je connais aussi des petits turbulents qui le sont toujours autant aujourd’hui parce que c’est leur attitude qui est en cause. C’est dans leurs gênes. C’est comme ça.

Alexander Radulov n’est plus le jeune homme turbulent qu’il était. C’est du moins ce qu’il affirme. Dans le point de presse téléphonique au cours duquel il a répondu à plein de questions associées à ses frasques du passé, Radulov a indiqué que le fait d’être marié et d’être papa surtout l’ont complètement changé. « Je vis pour mon enfant aujourd’hui. C’est une nouvelle réalité », que le nouveau joueur du Canadien a plaidé après avoir confessé ses erreurs du passé.

On va lui donner la chance de prouver qu’il dit vrai.

Du « punch » sur le premier trio

Si Marc Bergevin espère que l’homme qui se cache derrière le joueur de hockey a changé, le Canadien et ses partisans ont toutes les raisons au monde d’espérer que le joueur de hockey lui sera le même. Ses statistiques en KHL au cours des dernières années permettent d’afficher beaucoup d’optimisme sur le plan hockey.

La KHL est loin de la LNH. C’est clair. Mais l’an dernier, à Moscou, avec la CSKA, Radulov a marqué 24 buts et totalisé 71 points en 46 matchs de saison régulière. Il a ajouté 21 points en 16 rencontres de séries. En 338 parties en carrière dans la KHL, Radulov affiche 146 buts et 427 points. Il a ajouté 73 points en 72 matchs de séries.

Nikita Zaitsev et Alexander RadulovSes statistiques sont moins flamboyantes dans la LNH. Je veux bien croire. Mais avec 47 buts et 102 points en 154 parties disputées avec les Predators, Radulov a un talent certain. De fait, il devrait remplir un rôle de premier plan au sein d’un des deux premiers trios du Tricolore et sur la première vague de l’attaque massive.

On pourrait très bien voir un premier trio piloté par Alex Galchenyuk flanqué de Pacioretty et Radulov. Un trio qui pourrait donner facilement 90 buts alors que les trois joueurs pourraient atteindre le plateau des 30 filets. Et qui sait, peut-être que Pacioretty pourrait atteindre pour la première fois le plateau des 40 buts.

Derrière, Tomas Plekanec pourrait profiter de la fougue des Andrew Shaw et Brendan Gallagher pour survolter sa production offensive tant décriée par une majorité de partisans du Tricolore.

Bon! Il manque encore le gros centre que les fans attendent depuis des années, et ils auraient bien sûr préféré un duo composé de Steven Stamkos et Milan Lucic au tandem Radulov-Shaw, mais quand on regarde froidement la situation, l’attaque du Canadien s’est donné du punch au cours de la dernière semaine.

Du moins sur papier. Il restera à Shaw et Radulov surtout de donner raison aux prétentions favorables à leur endroit.

Je trouve encore que le Canadien a été trop généreux en années dans le contrat accordé à Andrew Shaw. On dit de lui qu’il n’est pas du genre à s’asseoir sur son contrat. On verra.

Dans le cas de Radulov, le fait que Marc Bergevin ait accepté de lui donner plus d’argent (5,75 millions $) tout en refusant de lui donner deux ans de contrat – plusieurs équipes étaient prêtes à le faire – maximise les chances de succès du pari pris par le Canadien.

Impossible de garantir une production de 30 buts et 70 points de Radulov. Impossible aussi d’assurer qu’il confinera à la patinoire ses énergies au lieu de les gaspiller hors glace comme par le passé. Mais comme il n’a qu’une saison pour profiter du tremplin offert par le Canadien pour lui permettre de refaire le saut dans la LNH, et de cette fois y demeurer, on peut croire qu’il mettra tous ses efforts et canalisera sa nouvelle maturité pour réussir son retour et ainsi donner raison au Canadien d’avoir pris une autre chance.

Pour toutes ces raisons, il me semble plus que probable qu’après les échecs de l’an dernier avec Kassian et Semin, Radulov donnera finalement raison à Marc Bergevin et au Canadien. Il restera ensuite à Shea Weber de faire tout son possible pour aider Bergevin à sauver la face dans le dossier Subban.

Ça prendra du temps et de grosses performances. Et encore...

Duel Montoya-Condon

Dans l’ombre de Radulov, Daniel Carr a signé un contrat qui lui donnera l’occasion de se battre pour une place sur le flanc gauche au sein du troisième ou du quatrième trio.

On verra.

Dans l’ombre de Radulov, l’embauche du gardien Al Montoya est aussi passée pas mal inaperçue. Du moins auprès d’une très grande majorité des partisans du Tricolore.

Mais cette embauche n’a certainement pas laissé les gardiens Mike Condon et Zachary Fucale de marbre. Au contraire.

En entrevue à RDS, Montoya s’est non seulement dit heureux d’obtenir une chance de jouer pour le Canadien, mais qu’il débarquera à Montréal avec l’intention bien arrêtée d’y obtenir le poste d’adjoint de Carey Price.

Mike Condon qui croyait peut-être se place assurée après avoir servi de bouée de sauvetage l’hiver dernier en l’absence de Price et de son genou malade devra donc se raviser.

Dès son retour de la Coupe du monde où il défendra les couleurs des États-Unis – difficile de dire s’il disputera une rencontre cela dit – Condon devra défendre sa place contre un gardien qui a connu une très bonne saison l’an dernier en Floride. Un gardien qui a meilleure réputation que lui autour de la LNH.

Quant à Fucale, il devra composer avec le perdant du duel Condon-Montoya qui, à moins d’une transaction, viendra lui voler des minutes de jeu devant le filet du club-école.

La grande question maintenant : le Canadien regrimpera-t-il en séries l’an prochain?

Il devrait.

Je vous laisse sur cette prédiction volontairement très vague. Ça nous donnera tous le temps d’y réfléchir au cours de l’été. Parce que oui, l’été commence maintenant. En même temps que les vacances.

Bon été, bon golf, bon vélo, bonne pêche...

On reconnecte en septembre, de Toronto, avec la Coupe du monde.