Michel Therrien a été clair : « Pas besoin de chercher des bibittes pendant 24 heures. L’histoire du match, c’est Craig Anderson. » Si je suis en accord avec cette affirmation, je crois aussi qu’il faut aller plus loin dans l’analyse afin de revenir sur la patinoire du Centre Bell dans une prédisposition optimale chez les Canadiens.

Deux événements ont, pour moi, marqué le premier match de la série entre les Sénateurs et les Canadiens. De façons distinctes, mais possiblement aussi importantes l’une comme l’autre. Tout d’abord le contact entre Gryba et Lars Eller. Je ne parle pas ici la légalité du geste vis-à-vis du département de la sécurité des joueurs de la LNH, mais bien des conséquences immédiates, dans le match, du geste et de la pénalité majeure de cinq minutes dont a écopé le défenseur d’Ottawa.

Dans un premier temps, l’absence d’Eller s’est fait ressentir de façon instantanée. On ne lui souhaite qu’un retour à la santé le plus rapide possible. Force est d’admettre qu’il pivotait le trio le plus menaçant du CH récemment. Il complétait bien Galchenyuk et Gallagher. Il avait compris le message lancé par son entraîneur tôt dans la saison en le laissant de côté; il est maintenant fougueux et déterminé. Bref, à court terme, irremplaçable. Additionné à un capitaine ralenti par une blessure subie en deuxième période, à un coéquipier, en Diaz, qui a semblé décrocher après le triste événement et à quelques vétérans quasi invisibles offensivement, son départ a laissé un vide.

Dans un deuxième temps, malgré le but inscrit rapidement lors du jeu de puissance engendré suite à la punition décernée à Gryba, les Sénateurs ont réussi à limiter les dégâts. Ils sont même parvenus à se bâtir une certaine confiance grâce, notamment, au travail des groupes employés en infériorité numérique et, surtout, aux prouesses de Craig Anderson, la grande vedette de ce premier affrontement. Résultat à court terme pour les Sens: un retour au vestiaire après quarante minutes pour constater que l’on ne se retrouve qu’à un tir de créer l’égalité malgré une deuxième période où on n’a pas touché à la rondelle.

Mise en scène parfaite, si on se retrouve dans le camp des visiteurs qui ont droit à une note parfaite pour le caractère déployé, pour le deuxième tournant du match : le but tôt en troisième période. Carey Price ne pouvait pas bloquer 27 rondelles lors du second engagement, il n’a reçu que sept tirs. Ce qu’il se devait de faire cependant, c’est d’éviter d’allouer un but qui pouvait être susceptible de dégonfler son camp. Il devait arrêter le tir de Silfverberg. Il devait aussi contrôler le retour sur le long tir de ce même Silfverberg lors du but de Guillaume Latendresse, le quatrième. Price n’est pas dans une confrontation mano a mano contre Anderson, mais bien contre les francs tireurs des Sénateurs. Il s’agit là d’une facette mentale et psychologique difficile à accepter pour un gardien lorsque tu vois ton vis-à-vis exceller à l’autre bout de la patinoire alors que toi, de ton côté, tu ne peux que constater le tout depuis ton demi-cercle en te gelant les pieds. Un aspect que peu ont réussi à maîtriser, mais qui constitue une partie intégrante d’un gardien de premier plan. Le deuxième but des Sénateurs a changé l’allure de la partie.

Au Tricolore et à Price maintenant d’emprunter une page du livre qu’écrivent les Sénateurs depuis deux saisons. De rebondir sans se laisser bouleverser malgré ce qui leur arrive. De s’accrocher en gardant l’adversaire à sa portée. De répéter les efforts satisfaisants même s’ils ne portent pas toujours leurs fruits. Et de croire, en son plan, en son système et l’un envers l’autre. Price doit retrouver l’aplomb qu’il avait tôt dans le match, facilement visible par son ardeur et sa précision dans ses déplacements, le contact visuel avec la rondelle en tout temps et son agressivité dans son positionnement. Il a la capacité d’inspirer confiance, peut-être encore plus facilement que le potentiel de changer la dynamique d’un match en accordant un but où il paraît chancelant. Les séries sont une course à la quatrième victoire, pas à la première. Dans cette optique, les Canadiens, au volume, ont attaqué sans réserve un gardien de 31 ans qui doit refaire le tour dès le lendemain et, potentiellement trois autres fois en onze jours. Rien ne sert de s’apitoyer sur son sort. Rien ne sert de blâmer l’un ou l’autre. Avec les séries arrive presque toujours, sous différentes formes, l’adversité.