« On méritait un meilleur sort »

Est-ce que le Canadien aurait pu gagner la troisième manche de son duel l’opposant au Lightning de Tampa Bay? Bien sûr que oui.

Est-ce qu’il a pris les moyens pour gagner cette troisième partie? Bien sûr que oui.

Après une première période au cours de laquelle le Canadien ne semblait pas afficher l’énergie du désespoir promise à l’aube de ce match presque sans lendemain, il a pris le contrôle de la partie. L’entier contrôle. Contre une équipe qui a disputé un match très moche, son pire et de loin depuis le début de la série, le Tricolore a obtenu 31 tirs sur la cage défendue par Ben Bishop. Douze de plus que le Lightning.

Mieux encore, le Canadien a décoché un total de 69 tirs. Vingt-huit de plus que Tampa. C’est énorme. Et ça confirme aussi que c’est le Canadien et non le Lightning qui a eu la rondelle en sa possession au lieu de tenter de la récupérer.

Alors pourquoi le Lightning se retrouve-t-il à une victoire de la finale de l’Est et le Canadien à un revers de vacances qui viendront plus vite qu’il ne le voudrait?

Parce qu’au lieu de gaspiller leurs occasions de marquer comme l’a fait une fois encore bien trop souvent le Canadien, le Lightning a su les maximiser.

«Parfois ce n’est pas le comment qui compte, mais le combien. Cette expression illustre très bien l’allure du match de ce soir», a convenu Jon Cooper.

«Ils étaient bien plus désespérés que nous l’étions. Après avoir marqué notre but, nous sommes tombés dans un mode préventif qui s’est prolongé sur les 48 dernières minutes du match», a ajouté l’entraîneur-chef du Lightning.

Une minute de trop

Jon Cooper a exagéré un peu. Car s’il est vrai que le Canadien a entièrement contrôlé le jeu après le but d’Alex Killorn – le Montréalais et son capitaine Steven Stamkos ont haché finement la défensive du Tricolore avec séquence brillante d’échanges de position et de rondelle avant que Killorn ne déjoue Price avec un excellent tir – le Lightning a repris le contrôle avec 92 secondes à faire au match.

Comme il l’avait fait pratiquement toute la rencontre, Jon Cooper a profité du dernier changement pour envoyer sur la patinoire le trio de Steven Stamkos contre celui de Torrey Mitchell. Flanqué de Devante Smith-Pelly qui a disputé un autre match horrible hier soir et du jeune Jacob De La Rose, Mitchell a remporté la première mise en jeu disputée à droite de Carey Price.

« Ce n'est pas comment, c'est combien »

La séquence n’a duré que six secondes.

De retour au cercle à la droite de Carey Price, Mitchell a perdu la deuxième mise en jeu. Ce fut le commencement de la fin.

Une fois en possession de la rondelle, Stamkos et ses compagnons de jeu sont redevenus eux-mêmes. Ils sont redevenus des machines offensives au lieu de se réfugier dans le cloître défensif qui était loin de les avoir bien servis jusque là.

À partir de ce moment, le Lightning a étourdi le Canadien. Complètement. Stamkos et sa bande sont retournés au banc. Même chose pour Mitchell et le reste du quatrième trio et du duo de défenseur (Emelin et Petry).

Mais le mal était fait. Le vent avait tourné. Et même si le Canadien s’est ensuite retrouvé avec ses leaders sur la glace – Plekanec avec Pacioretty et Gallagher en avant, Subban et Markov en arrière – il n’a pu reprendre le contrôle du jeu.

Tomas Plekanec a commis une erreur de débutant en envoyant la rondelle dans le dos de Max Pacioretty en tentant de la dégager en zone du Lightning. Si Plekanec avait réussi ce jeu, les deux clubs auraient retraité au vestiaire pour se retrouver en prolongation pour la deuxième fois en trois parties.

Vous savez déjà que ce n’est pas arrivé.

ContentId(3.1133702):Le Lightning plus opportuniste
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Le Lightning a profité de la bévue de Plekanec pour amorcer une contre-attaque que le Canadien n’a pu contenir. Plekanec et Gallagher ont été pris en zone neutre. Lents à retraiter dans leur territoire, ils n’ont pu venir en aide à Pacioretty, Subban et Markov qui, dépassés par les événements, n’ont pu orchestrer une bonne couverture défensive et Tyler Johnson, oublié par Subban à la droite de Price, a redirigé une belle passe de Victor Hedman derrière le gardien du Canadien avec un peu plus d’une seconde à écouler au cadran.

«Je ne veux pas «focusser» sur une erreur ce soir. Je ne veux pas «focusser» sur ce qui est arrivé dans la dernière minute. Ce qui est le plus important à mes yeux est de souligner le travail exceptionnel de notre équipe ce soir, l’implication des joueurs et l’effort offert par tout le monde. On est venu ici avec l’intention de gagner un match et de ramener la série à Montréal. C’est encore possible», a conclu Michel Therrien avant de quitter d’un pas pressé la salle de conférence de presse.

Ça prendra plus qu’un but

Michel Therrien était livide lors de son point de presse. C’est normal. Il a répondu à deux questions en anglais, à deux autres en anglais et a quitté le podium alors qu’une autre question s’en venait.

Est-ce qu’on peut en vouloir à Michel Therrien d’avoir fait confiance à son quatrième trio en fin de rencontre? Oui et non.

Non, parce qu’il lui avait fait confiance tout le match dans des situations similaires et qu’il s’en était bien tiré.

ContentId(3.1133701):Une défaite crève-coeur
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Oui, parce que dans une situation aussi corsée, il aurait peut-être mieux valu de garder Smith-Pelly qui ne fait pas grand-chose de bien il faut l’admettre, pour ne pas dire pas grand-chose tout court et le jeune De La Rose au banc à la faveur d’un autre joueur de centre. Surtout qu’avant cette dernière présence sur la glace, Mitchell n’avait remporté qu’une seule des cinq mises en jeu qu’il avait disputées.

Mais bon ! Il est très facile, même trop facile, de remettre ce genre de décision en question après les faits.

Surtout qu’avant le début de cette séquence fatidique de 92 secondes, les joueurs du Canadien, leur entraîneur et leurs partisans croyaient que la troisième période était terminée. Que la partie s’en allait en prolongation.

La prolongation n’est pas venue parce que la défaite l’a précédée. Et avec cette troisième défaite, c’est la série qui menace de se terminer plus vite que prévu.

Quoi? Vous croyez qu’il est encore pour le Canadien de revenir de l’arrière 0-3 et d’éliminer le Lightning?

Vrai que c’est possible. Les Kings de Los Angeles, les Flyers de Philadelphie, les Islanders de New York et les Maple Leafs de Toronto l’ont d’ailleurs démontré. Mais voilà. Comme c’est arrivé quatre fois seulement dans l’histoire de la LNH, il est normal d’afficher un certain scepticisme, voire un scepticisme certain.

Surtout que pour battre le Lightning, ou n’importe quelle équipe encore en lice, le Canadien devra marquer des buts. Plus de buts.

Le Canadien a marqué un seul but hier. Un petit but sur les 31 tirs cadrés. Mais dans les faits c’est un sur les 69 tirs décochés, car les rondelles qui ratent la cible – je pense ici à une belle occasion offerte à Dale Weise – et celles qui sont bloquées avant d’atteindre le gardien représentent aussi des occasions ratées.

ContentId(3.1133678):Une mission improbable
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Ajoutez à ces 68 tirs qui n’ont pas donné de but, les trois poteaux encore frappés par le Canadien hier et vous avez là un très sérieux manque à gagner offensif. Un manque à gagner qui minerait les chances de toute équipe de gagner même en saison régulière. Alors en séries….

Si le Canadien avait marqué un ou deux buts de plus hier soir, la déconfiture des 92 secondes n’aurait eu aucun impact sur l’issue du match. Mais voilà, quand tu te contentes d’une production aussi timide en attaque, les conséquences de chaque erreur défensive et but accordé sont décuplées.

On en a eu une autre preuve mercredi soir.

Depuis qu’ils ont marqué sept buts aux dépens d’Andrew Hammond lors des deux premiers matchs de la série contre Ottawa, le Canadien s’est contenté de neuf buts en sept matchs, dont l’un a été marqué dans un filet désert.

S’il se contente d’un but et des poussières par match, le Canadien ne pourra jamais gagner les quatre prochains matchs contre le Lightning.

Ça prendrait des miracles. Des miracles que Carey Price n’a pas été en mesure de multiplier depuis le début de la série contre Tampa. Mais quelqu’un quelque part peut-il vraiment adresser quelque reproche que ce soit à Carey Price? À mes yeux non.

Le Canadien est donc rendu à trois revers de suite en série contre Tampa. À huit cette saison. Comme ces tristes séquences n’étaient pas déjà assez lourdes à porter, le Canadien en perdant encore hier, est rendu à six revers en 58 jours contre Tampa.

Ça rend les défaites plus difficiles à oublier.

Quelles sont les chances que ces séquences se rendent à quatre de suite en série, à neuf de suite cette saison et à sept revers en 59 jours?

Elles sont bonnes.

Si le Canadien était devant ses partisans, le simple fait de vouloir éviter l’humiliation d’un balayage devant ses partisans pourrait servir de tremplin efficace vers une victoire ô combien nécessaire. Les Sénateurs d’Ottawa l’ont d’ailleurs démontré en première ronde.

Mais parce que le Canadien est à Tampa, contre un adversaire qui semble invincible autant contre le Tricolore, qu’à domicile, un adversaire que l’entraîneur-chef Jon Cooper pourra secouer en raison de sa triste tenue mercredi soir, un adversaire qui voudra éviter une remontée vers le nord pour mousser ses chances de succès en finale de l’Est, j’ai bien l’impression que ça se terminera dès jeudi et en quatre petites parties.

On le saura bien assez vite.