Slafkovsky : le but d'une vie
MONTRÉAL - Les yeux brillants, le sourire éclatant, entouré de journalistes, de caméras qui le gardaient en joue et de micros tendus devant lui, Juraj Slafkovsky jurait à qui voulait bien le croire que son premier but en carrière, était le plus satisfaisant de sa vie.
Comme il n'a que 18 ans et qu'il disputait son cinquième match seulement dans l'uniforme du Canadien, pas besoin d'être un grand devin pour prévoir que Slafkovsky marquera tout plein d'autres buts au fil des cinq, dix, quinze prochaines années.
Il est tout aussi facile de prévoir que sur le lot, il en marquera sans doute quelques-uns qui seront plus importants que celui qui a lancé le Canadien en avant 4-0 en milieu de période médiane, en route vers une victoire facile de 6-2 aux dépens des Coyotes de l'Arizona.
On pourrait même ajouter que les sept buts enfilés l'hiver dernier, aux Jeux olympiques de Pékin, buts qui ont permis à sa Slovaquie natale de monter sur la troisième marche du podium et qui ont fait de lui une vedette nationale, étaient plus importants encore que son but enfilé mercredi soir aux dépens des Coyotes.
Pourquoi alors être aussi exubérant?
« Parce que c'est le but d'une vie qu'il vient de marquer ce soir. »
Cette réplique, c'est le vétéran gardien Jake Allen qui me l'a lancée après avoir enfilé deux, trois, quatre grosses rasades du jus de fruits qu'il tenait dans une main.
Seul au bout du vestiaire où sont installés les gardiens, Allen regardait en direction de Slafkovsky et il ne pouvait s'empêcher de sourire.
« Ce premier but dans la LNH, il rêve de le marquer depuis qu'il est tout petit. Il vient de le faire. Il vient de réaliser son rêve de toujours. Il marquera beaucoup d'autres buts, et oui il en a déjà marqué des importants. Mais tu ne marques qu'un premier but en carrière dans la Ligue nationale. Il s'en souviendra toujours », assurait Jake Allen avec conviction.
Bon! À titre de gardien, Jake Allen n'a jamais rêvé de marquer dans la LNH. Mais il a toujours rêvé à SA première victoire; à SON premier blanchissage. Une victoire et un jeu blanc qui sont à jamais gravés dans sa mémoire.
« J'ai signé ma première victoire, dès mon premier départ dans la LNH avec les Blues. C'était au Joe Louis Arena de Detroit, contre les Red Wings. On les avait battus 4-3 en prolongation », a précisé Allen en parlant de ce match disputé le 13 février 2013.
Le jeu blanc?
« Contre les Coyotes, à St-Louis : une victoire de 3-0 », a répondu sans hésiter le gardien qui avait réalisé 28 arrêts le 14 mars 2012.
Belles, longues et chaleureuses ovations
Il n'y a pas que son premier but qui faisait sourire Slafkovsky. Il y a aussi cette longue et chaleureuse ovation qui l'a suivi.
Quand Michel Lacroix a amorcé l'annonce confirmant le premier but du jeune Slovaque, le Centre Bell s'est mis à trembler. Pas en raison de la grosse voix de l'annonceur maison, mais bien davantage en raison de la clameur venant des quatre coins du Centre Bell. Le bon Michel a eu beau prendre bien son temps et hurler Slaf-Kov-Sky en insistant sur chacune des syllabes, les cris des partisans étouffaient sa grosse voix.
Cette ovation saluant le premier but en carrière de Slafkovsky était une belle reprise après le rendez-vous raté de l'été dernier alors que la sélection du Slovaque à titre de tout premier choix du Canadien et de la cuvée 2022 avait été bien plus chahutée qu'ovationnée.
Histoire d'être certains de se faire pardonner, les amateurs ont salué avec presque la même passion la sélection de Slafkovsky à titre de première étoile du match.
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« Je vais me rappeler toute ma vie des sensations que la foule m'a fait vivre ce soir. Les plus belles sensations que j'ai vécues de toute ma vie », que Slafkovsky assurait.
Il est donc facile de comprendre pourquoi les yeux du jeune premier choix brillaient autant et pourquoi son sourire était aussi éclatant lorsqu'il s'est retrouvé devant les journalistes. Il pouvait enfin parler de son premier but en carrière, il pouvait le commenter, l'analyser.
Il pouvait savourer le but d'une vie!
Xhekaj prend sa place
Quelques instants avant de marquer son premier but en carrière, Juraj Slafkovsky a essuyé une mise en échec un brin illégale alors que le défenseur Josh Brown l'a atteint près de la tête.
Slafkovsky n'avait pas encore tout à fait réalisé ce qui venait de se passer que le défenseur Arber Xhekaj a quitté la pointe pour foncer droit sur Josh Brown.
Le jeu aurait pu être périlleux. En se ruant sur Brown, Xhekaj a offert la possibilité aux Coyotes de sortir facilement de leur territoire pour foncer vers Jake Allen.
Les Coyotes n'ont pas profité de cette chance.
Au contraire!
Car c'est Slafkovsky qui a finalement hérité de la rondelle avant de décocher le très bon tir de l'enclave qui lui a permis de marquer son premier but dans la LNH.
« Quand je vois un adversaire s'en prendre à un de mes coéquipiers, je dois m'imposer pour lui venir en aide. C'est tout ce que j'ai fait », a plaidé Arber Xhekaj.
Ce geste a fait bien plaisir à la foule. Il a fait bien plaisir à Slafkovsky. Il a aussi fait bien plaisir à Martin St-Louis bien que l'entraîneur-chef a reconnu qu'il n'enseignait pas à ses défenseurs de quitter leur poste comme Xhekaj l'a fait sur la séquence.
« Des fois, comme coach, tu dois te tourner la tête », que St-Louis a admis bien candidement lors de son point de presse suivant la victoire de son équipe.
Comme ancien joueur, Martin St-Louis est en mesure de quantifier mieux que n'importe qui l'importance d'un jeu comme celui réalisé par Arber Xhekaj pour venir en aide à Slafkovsky. C'est avec des actions de cette nature qu'on crée un esprit de corps. Un esprit de groupe. Qu'on crée une équipe.
Xhekaj n'a pas fait que venir en aide à Juraj Slafkovsky mercredi soir. Plus tôt dans le match, il a servi une correction salée au robuste Zack Kassian. C'est le vétéran des Coyotes qui a lancé le combat. Le jeune Xhekaj, qui évoluait dans les rangs juniors en Ontario il y a quelques mois à peine, s'est non seulement dressé devant Kassian, mais il lui a fait regretter sa décision de lui chercher noise.
Et comment!
Au grand plaisir de la foule et aussi des joueurs du Canadien qui comptent maintenant sur un coéquipier qui pourra leur donner plus d'espace sur la patinoire.
Déjà exalté par son but, Juraj Slafkovsky commentait avec passion la bagarre opposant son coéquipier à Zack Kassian. Lorsque les journalistes lui ont fait remarquer que le vétéran des Coyotes était connu et reconnu comme un dur dans la LNH, un gars qui faisait peur à bien des joueurs autour du circuit, Slafkovsky s'est mis à rire : « Le seul qui me fait peur, c'est lui là-bas. Vous avez vu ses mains? », que le Slovaque a lancé en pointant Arber Xhekaj de l'autre côté du vestiaire.
Parlant des mains de Xhekaj, le jeune défenseur a assuré qu'elles n'étaient pas seulement faites de plomb ou d'acier. Mais qu'elles pouvaient aussi lui permettre de faire des feintes susceptibles d'impressionner bien du monde.
« J'ai des feintes qui sont sous-estimées moi aussi », que Xhekaj a lancé lorsqu'on lui a demandé de commenter le tir de pénalité de Nick Suzuki qui est allé loger tout doucement la rondelle dans la lucarne au-dessus de l'épaule gauche du gardien Connor Ingram qui faisait presque pitié tant le capitaine du Tricolore l'a déculotté sur la séquence.
Un but semblable à celui déjà marqué par Pavel Datsyuk en tir de barrage. Un but que Suzuki a marqué la saison dernière au Match des étoiles.
« Il faut croire qu'ils n'avaient pas regardé le vidéo de cette partie », que Suzuki a lancé avant de m'assurer qu'il a décidé à la dernière seconde seulement d'y aller de ce geste qui fera les jeux de la semaine dans la LNH... et peut-être même du mois.
Toujours dans la course pour... Bedard
Après cinq matchs, le Canadien a déjà trois victoires. Il est toujours invaincu en trois parties disputées devant ses partisans au Centre Bell.
Bon!
Pas question de partir en peur, de changer le fusil d'épaule et de prétendre que le Tricolore sera dans la course aux séries plutôt que dans la course à Connor Bedard. Une course que les Coyotes semblent vraiment vouloir gagner tant ils ont disputé un match affreux au Centre Bell jeudi. Surtout un affreux début de match. Car une fois en arrière 0-5, ils ont ouvert un brin la machine pour tenter de sauver la face.
Mais en gagnant comme le Canadien le fait de temps en temps, et mieux encore, en mettant à l'avant-scène les jeunes comme Suzuki, Caufield, Guhle, Xhekaj, Harris, Dach et maintenant Slafkovsky qui vient de briser la glace, le Tricolore semble vraiment satisfaire ses partisans. Cette satisfaction les aidera à cultiver la patience nécessaire pour compléter une reconstruction qui ne fait que commencer.