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Slafkovsky repêché, Romanov sacrifié : saluons l'audace du CH

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MONTRÉAL - En 2009, au Centre Bell, les partisans du Canadien s'étaient levés d'un trait lorsque le Tricolore avait profité de la 19e sélection pour repêcher Louis Leblanc.

 

Et pourtant!

 

Le temps a vite démontré que cette sélection, ovationnée à tout rompre et saluée en prime de Guy! Guy! Guy! ô combien prématurés, fut une erreur. Une grave erreur. Motivée par le coup de marketing d'offrir aux partisans entassés dans les gradins un joueur francophone, la haute direction du Tricolore avait imposé la sélection facile.

 

Treize ans plus tard, Kent Hughes et Jeff Gorton ont refusé d'y aller avec la sélection facile en préférant Juraj Slafkovsky à Shane Wright. En préférant un gros ailier qui pourra éventuellement compléter un premier trio digne de ce nom en compagnie de Nick Suzuki et Cole Caufield à Shane Wright, un joueur de centre prometteur.

 

Treize ans après avoir ovationné la sélection d'un joueur qui allait connaître une carrière de 50 petites parties dans la LNH – et je lance pas ici une pierre au visage de Louis Leblanc, mais bien plus à la haute direction qui voulait un trophée francophone à offrir plutôt qu'un joueur promis à une véritable carrière, comme Chris Kreider que les Rangers ont repêché au 19e rang dans la plus grande indifférence alors que les partisans célébraient toujours la sélection de Louis Leblanc au 18e rang – plusieurs partisans du Tricolore ont rouspété lorsque Kent Hughes a prononcé le nom de Juraj Slafkovsky.

 

Ils ont même chahuté cette sélection.

 

Ceux et celles qui souhaitaient voir Shane Wright enfiler le chandail du Tricolore ont levé les yeux au ciel et se sont vite pris la tête à deux mains pour la garder bien en place entre leurs épaules.

 

Considérant que Slafkovsky avait été hué par quelques « cabochons » lorsqu'il a foulé le tapis rouge menant au Centre Bell, il était prévisible que sa sélection ne soit pas saluée avec le même enthousiasme débordant que celle de Louis Leblanc en 2009.

 

Et le plus ironique dans tout ça, c'est qu'il est facile de prétendre que le premier Slovaque de l'histoire de la LNH à être sélectionné au tout premier rang du repêchage disputera bien plus de 50 matchs dans la LNH. Qu'il marquera bien plus que cinq buts dans la LNH. Qu'il récoltera bien plus que dix points dans la LNH.

 

« Les partisans du Canadien sont des passionnés. Je ferai tout mon possible pour les faire changer d'idée à mon sujet », a lancé Juraj Slafkovsky lors de sa première mêlée de presse à titre de membre du Canadien de Montréal.

 

Des huées aux Olé! Olé! Olé!

 

Une heure plus tard, une fois la surprise des uns et la déception des autres passées, Slafkovsky a finalement eu droit à sa première véritable ovation de bienvenue. À l'ovation qu'il n'a pas reçue lors de l'annonce de sa sélection.

 

En montant l'escalier séparant les sections 116 et 117 – dans un des coins du Centre Bell – pour se rendre sur un des plateaux de télévision, Slafkovsky a soulevé la foule aux sens propre et figuré. À chaque marche qu'il grimpait, les partisans se levaient un à un pour le saluer. Une clameur a monté dans le Centre Bell au même rythme que le premier choix montait les marches. Les bras tendus sur sa gauche et sur sa droite, Slafkovsky frappait les mains tendues par les amateurs.

 

Et lorsque que tous les partisans réunis dans l'amphithéâtre ont finalement réalisé ce qui était en train de se passer dans les sections 116 et 117, Slafkovsky n'a pas seulement eu droit à sa première ovation, mais à ses premiers Olé! Olé! Olé!

 

De quoi faire oublier l'affront du tapis rouge.

 

Slafkovsky connaîtra-t-il une meilleure carrière avec le Canadien que Shane Wright qui a glissé du premier au quatrième rang avant que le Kraken de Seattle ne lui ouvre les portes de leur vestiaire?

 

Personne ne le sait. De fait, il est impossible de répondre sérieusement à cette question. On peut faire des projections favorisant l'un ou l'autre parce qu'on préfère les qualités de l'un et qu'on s'acharne à relever les défauts de l'autre.

 

Mais dans les faits, seul le temps permettra de répondre de façon éclairée à cette grande question. Et quand on parle de temps, on ne parle pas seulement d'une saison à titre de recrue. On parle de trois, de quatre, voire de cinq saisons.

 

Romanov sacrifié pour Dach

 

Lapidé de critiques sur les médias sociaux parce qu'il venait de tourner le dos à un espoir de premier plan susceptible de combler le presque éternel problème du Tricolore au centre, Kent Hughes avait un plan B dans sa manche.

 

Un plan B intéressant à part ça.

 

Un plan B du nom de Kirby Dach.

 

À 21 ans, Dach n'a pas encore fait honneur à sa troisième sélection de la cuvée 2019 par les Blackhawks de Chicago. Il revendique 19 buts et 59 points en 152 matchs disputés lors des trois dernières saisons. Mais c'est un espoir qui génère encore de l'espoir et non du désespoir.

 

En tirant profit de l'influence positive que Martin St-Louis apporte aux jeunes joueurs du Tricolore depuis qu'il est débarqué derrière le banc, Dach pourrait devenir le deuxième centre recherché pour seconder Nick Suzuki.

 

Il est encore jeune. Oui. Mais le Canadien est encore jeune. Et ce n'est pas l'an prochain, pas plus que dans deux ans, que cette équipe redeviendra compétitive au point de viser les séries éliminatoires.

 

Dach, comme Slafkovsky, comme Cole Caufield et tous les jeunes défenseurs qui se grefferont au Tricolore au cours des prochaines années auront l'occasion de se développer ensemble. De devenir meilleurs, ensemble. De faire du Canadien de Montréal une meilleure équipe, ensemble.

 

Parlant de défenseurs, vrai que le Canadien a sacrifié Alexander Romanov dans le cadre du mouvement qui permet de faire l'acquisition de Dach.

 

Mais c'est un bien petit sacrifice.

 

Romanov a progressé l'an dernier. Mais il demeurera un défenseur de soutien dans la LNH.

 

On est loin du sacrifice de Mikhail Sergachev effectué il y a quatre ans pour faire l'acquisition de Jonathan Drouin. On est à des dizaines de milles de ce sacrifice. À des centaines de milles en fait.

 

Dans deux ou trois ans, quand le Canadien sera à nouveau un club compétitif, les Kaiden Guhle, Jordan Harris, Justin Barron et peut-être même Corey Schueneman – j'aime peut-être un peu trop ce défenseur – seront meilleurs que Romanov.

 

En perdant Romanov, le CH perd bien sûr des mises en échec et l'aspect physique que le défenseur russe apportait à Montréal.

 

Mais cet aspect pourrait être rapidement rempli par Amber Xhekaj qui a impressionné au camp d'entraînement et lors des matchs préparatoires l'an dernier.

 

Le temps nous le dira.

 

Mais dès le moment où Lou Lamoriello a appelé le Canadien pour offrir le 13e choix de la première ronde du repêchage de jeudi soir, Kent Hughes n'avait pas d'autre choix que de dire : « deal! »

 

Et c'est avec cette 13e sélection que Kent Hughes a acquis Kirby Dach.

 

Avec son deuxième choix de la première ronde (26e sélection), le Canadien est retourné en Slovaquie. Il a jeté son dévolu sur un petit attaquant du nom de Filip Mesar. Le nom ne vous dit rien? Il ne me dit rien non plus. C'est correct. C'est presque normal. Mais ceux et celles qui connaissent les jeunes espoirs repêchés jeudi soir et qui le seront vendredi assurent qu'il est un joueur intelligent, travaillant, efficace. Le genre de joueur qui pourrait un jour pallier la perte d'Artturi Lehkonen.

 

Les mots clefs ici sont peut-être et un jour...

 

Mais ce n'est pas juste vrai pour Filip Mesar, c'est vrai pour la grande majorité des joueurs sélectionnés.

 

Kent Hughes et le Canadien auront, s'ils ne transigent pas la 33e sélection, le premier choix de la deuxième ronde vendredi matin. Ils auront ensuite 11 autres choix potentiels.

 

C'est beaucoup.

 

Que feront-ils avec tout ça? On verra.

 

Mais avec la sélection audacieuse de Juraj Slafkovsky et aussi avec le sacrifice d'Alexander Romanov au profit de Kirby Dach, on peut dire sans l'ombre d'un doute, que Kent Hughes et son patron Jeff Gorton ont poursuivi le changement de visage de l'équipe amorcé à la date limite des transactions en mars dernier.

 

Il reste beaucoup à faire. C'est clair.

 

Mais au terme de la première ronde, il est nécessaire de saluer le courage de la nouvelle direction qui n'a pas hésité à prendre des décisions difficiles qu'ils considèrent meilleures pour redorer l'image du club dont ils ont hérité. Il est nécessaire de saluer le fait qu'ils ont eu le courage d'éviter les décisions faciles et populaires. Il est nécessaire de saluer le fait qu'ils n'ont pas répété l'erreur commise en 2009, lors du dernier repêchage présenté au Centre Bell, alors que l'ancienne direction avait plus tenté de faire plaisir à ses partisans qu'à améliorer l'équipe.