Jean Béliveau avait déjà mis un terme à son illustre carrière de hockeyeur lorsque j’ai effectué mes débuts avec le Canadien au milieu des années 70, mais son empreinte sur l’équipe n’en était pas moins omniprésente à l’époque.

Je venais de débuter ma saison recrue lorsque nos chemins se sont croisés pour la première fois. C’était dans le corridor adjacent au vestiaire de l’équipe. Nous avions discuté un peu de hockey, et il m’avait lancé le conseil suivant : « Tu devrais décocher tes passes plus rapidement et lancer plus souvent au filet ».

Lorsque j’y repense, il n’avait pas tort, car tout jeune joueur de 18 ans projeté dans l’univers du Canadien a de quoi être quelque peu intimidé. On veut surtout plaire à ses coéquipiers plus expérimentés. J’avais travaillé fort pour mettre à exécution ce conseil du Grand Jean, et il m’a certainement été bénéfique.

Il avait beau ne plus enfiler les patins avec le Tricolore, dès qu’il faisait une apparition à un entraînement, à un match ou à un événement public, la réaction était unanime : « Oh! Monsieur Béliveau est dans les parages. » Tu ne pouvais pas faire autrement que de manifester du respect et de l’admiration à son égard par ce qu’il dégageait.

Un homme du peuple

Sa générosité sans bornes est l’une des raisons qui expliquent qu’il ait été adulé par un aussi grand bassin de Québécois, de Canadiens et même de partisans de hockey venant d’ailleurs dans le monde. Comme joueur et durant son après-carrière, il n’était pas rare de voir M. Béliveau faire la tournée des hôpitaux, des tournois de balle et autres événements caritatifs, et ça paraissait que ça lui faisait le plus grand des plaisirs.

Avec tout le tact qu’on lui reconnaissait, Jean avait le don de choisir adéquatement ses moments pour passer un message à sa façon lorsque le Tricolore traversait une séquence plus difficile. Malgré sa discrétion, il était un homme brillant qui communiquait de façon éloquente, parfois sans même avoir à prononcer le moindre mot! Je dirais même qu’à lui seul, son regard était suffisant pour communiquer ce qu’il pensait réellement.

J’ai le vif souvenir que lorsque j’ai été nommé entraîneur-chef à Montréal, M. Béliveau est venu cogner à la porte de mon bureau pour me souhaiter la meilleure des chances. À quelques reprises il est venu discuter avec moi tout en sirotant un café, souvent lors des passages à vide de l’équipe. Nul besoin de préciser que j’appréciais énormément ces quelques instants en sa compagnie. J'accordais une grande importance à son point de vue.

Il y a deux semaines, j'avais eu l’occasion de prendre des nouvelles auprès de quelques-uns de ses proches, dont son épouse Élise dans le Salon des anciens au Centre Bell. Je m’informais de son état de santé, sachant déjà qu’il était bien mal en point depuis un bon moment. C’est malheureux à dire mais dans une certaine mesure, il s’agit d’une délivrance pour M. Béliveau après ces quelques années à livrer un dur et injuste combat à la maladie. Il était un battant dans toutes les sphères de la vie, et c’est l’un des traits de personnalité qui m’ont marqué chez ce grand homme.

« Les conseils du grand Jean m'ont été bénéfiques »