La plus grosse prise de Marc Bergevin cet été fut Jonathan Drouin et les attentes placées à son égard étaient colossales au moment d’entamer la saison. Le Québécois fut désigné par son entraîneur pour être le premier centre de l’organisation, tout en ayant la lourde tâche de diriger l’attaque à cinq du Canadien.

Fort d’une récolte de 16 points en 24 parties, Drouin est présentement le meilleur marqueur du club. Ces chiffres sont loin d’être spectaculaires, à l’image des performances collectives de l’équipe depuis le début de la saison.

Personnellement, je suis du nombre croyant que la récolte offensive du numéro 92 serait bien plus intéressante s’il évoluait à l’aile. Il est doté d’un excellent talent offensif, mais il ne peut pas l’exploiter pleinement en raison de ses responsabilités défensives accrues. C’est visiblement par défaut que Drouin fut muté au poste de centre.

Sur l’avantage numérique, le Québécois occupe toutefois la bonne chaise, étant placé à la pointe de la première unité. Il a d’ailleurs récolté 7 de ses 16 points cette année alors que son équipe jouait avec l’avantage d’un homme.

Le départ d’Andrei Markov lors de la période estivale a fait très mal au Canadien, surtout que la brigade défensive actuelle de l’équipe est absolument horrible au moment d’orchestrer une sortie de zone, facette du jeu dans laquelle le Russe excellait. Pendant plus de 10 ans, Markov fut également le quart-arrière de la Sainte-Flanelle sur l’avantage numérique.

Bien que le Canadien ne fut pas en mesure de lui trouver un successeur pour assurer la relance, Jonathan Drouin a heureusement bien repris le flambeau sur l’attaque à cinq. Comme le faisait si bien Markov, Drouin dirige d’une main de maître le jeu de puissance de l’équipe grâce à sa vision du jeu et à la qualité de ses passes.

Tableau Jonathan Drouin

Deux éléments permettent d’identifier un bon quart-arrière sur le jeu de puissance : le nombre de passes complétées et le temps passé en possession de la rondelle en zone offensive.

Pour un même temps d’utilisation en avantage numérique, Drouin se révèle être le joueur du Tricolore complétant le plus grand nombre de passes en zone offensive. Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est que la trajectoire de celles-ci est imprévisible, Drouin réalisant des passes dans toutes les directions. Cela témoigne encore une fois de sa vision du jeu exceptionnelle.

Jonathan Drouin alimente deux fois plus souvent un coéquipier dans l’enclave que le joueur moyen du Canadien en avantage numérique. Ces passes sont bien entendues les plus difficiles à réaliser, car la couverture défensive est plus hermétique devant le filet. Ce sont également les passes rapportant le plus de dividendes, car le receveur y bénéficie d’un angle de tir optimal pour tromper le gardien, alors que le temps de réaction de celui-ci y est minimal.

Seuls les meilleurs fabricants de jeux de la LNH sont en mesure de compléter avec régularité des passes dans l’enclave, groupe sélect auquel appartient Drouin.

Le brio avec lequel il alimente ses confrères permet à Drouin de se hisser au deuxième rang chez le Canadien quant aux jeux générant des chances de marquer sur l’avantage numérique. Cela est d’autant plus impressionnant, sachant que Drouin ne tire que très peu fréquemment au filet en de pareilles circonstances.

Pour ce qui est du temps passé en possession de la rondelle en zone offensive, parmi tous les joueurs évoluant régulièrement sur l’avantage numérique dans la LNH, seuls Kopitar et Backstrom auront plus souvent le contrôle du disque que Drouin pour un même intervalle.

Jonathan Drouin n’est pas seulement efficace au moment de faire circuler la rondelle en zone offensive, il est aussi performant quand il est temps de rapatrier la rondelle en territoire adverse.

Son coup de patin rapide lui permet de passer d’une zone à l’autre, alors qu’il se défait souvent de ses adverses en espace restreint à l’aide d’une feinte lors des entrées de zone. De cette façon, le Tricolore regagne plus souvent qu’autrement promptement la zone offensive lorsque Drouin dicte le jeu de transition.

Si Jonathan Drouin fait si bien sur l’avantage numérique, comment expliquer que le Tricolore se classe au 27e rang en pareilles circonstances? C’est simple, le Canadien ne lance pas suffisamment depuis l’enclave.

Les passes de Drouin permettent d’élargir la boîte défensive, alors que les couvreurs doivent se trouver à proximité pour mieux couper les lignes de passe. Le même procédé vaut pour Weber en raison de son boulet de canon.

Normalement, comme les attaquants adverses jouent plus haut, cela devrait créer une ouverture dans l’enclave entre les avants et les défenseurs. Sauf que comme Galchenyuk et Pacioretty préfèrent se positionner le long de la bande, le Tricolore ne parvient pas à en tirer avantage. Il en résulte que la grande majorité des tentatives de tirs (41,0 %) proviennent de la périphérie et que personne n’est devant le filet pour voiler la vue du gardien ou récupérer un retour de lancer.

Il est totalement ahurissant qu’un avantage numérique alignant l’un des meilleurs passeurs de la LNH, Jonathan Drouin, et probablement le meilleur lancer frappé, celui de Weber, ne fasse pas mieux dans cette facette du jeu.

Ce qui manque cruellement au jeu de puissance du Canadien n’est rien de nouveau. C’est un gros attaquant de puissance pouvant se positionner dans le bas de l’enclave.

La bonne nouvelle est que le Tricolore a inscrit au moins un but sur le jeu de puissance à ses deux dernières parties. Seul le futur saura nous dire si cette séquence s’inscrira dans la durée ou sera plutôt éphémère.