Il y a une semaine à peine, le Canadien, ses partisans et tous les observateurs qui patinent avec la même aisance sur la glace et les échelles salariales qui prévalent dans la LNH étaient convaincus d’une chose : le prochain contrat de P.K. Subban allait être très long. Et il allait coûter très cher au Tricolore.

Depuis lundi, la donne a changé.

Pas sur le plan du salaire. Ça non! Car le prochain contrat du défenseur étoile sera faramineux. C’est acquis. Il oscillera certainement autour des 8 millions $ par saison. Peut-être davantage.

Mais contrairement aux observations qui circulaient aux quatre coins de la LNH depuis plusieurs mois, je suis maintenant loin d’être convaincu que ce contrat s’étirera sur la période maximale de huit ans tel que stipulé dans les paramètres de la convention collective signée il y a à peine un an au terme d’un lock-out qui a amputé la saison 2012-2013 de 34 parties.

Avec un plafond salarial qui sera relevé à au moins 71 millions $ l’an prochain, un plafond qui passera à 75 ou 76 millions $ dans deux ans et qui flirtera peut-être avec les 90, voire les 100 millions – oui, oui, 100 millions $ de masse salariale maximale par année, par équipe – dans une dizaine d’années, l’agent négociateur Don Meehan et ses associés sont maintenant dans l’obligation de conseiller à P.K. Subban de penser à court ou à moyen terme.

Disons, aux fins de l’exercice, que Subban signe la semaine prochaine un contrat de huit ans lui rapportant huit millions $ par saison. Il empochera donc un total de 64 millions.

Soixante-quatre millions $, c’est du fric. C’est une fortune. C’est plus qu’un célibataire populaire et adulé peut dépenser en huit ans. Du moins je le crois. En fait non, je l’espère…

Mais une fois le contrat de huit ans de Subban complété, P.K. aura vieilli. Il aura 32 ans. À 32 ans, on est encore jeune. Je veux bien. Et il est possible que Subban puisse alors signer un autre riche contrat de quatre, six, peut-être huit saisons. Un contrat qui assurerait ses vieux jours si celui qu’il signera bientôt n’a pas permis de le faire.

Sauf que :

Disons que Subban signe un contrat de trois, quatre ou cinq ans dans un mois. Et disons que ce contrat lui rapportera toujours quelque chose comme huit millions $ par année. Subban mettra la main – ou les mains puisqu’une telle somme ne peut se transporter d’une seule main – sur environ 24, 32 ou 40 millions $ de beaux dollars US. Rendu là, on ne se formalisera pas de quelques centaines de milliers de vulgaires piastres échappées ici et là aux fins de nos calculs…

Donc : 24, 32 ou 40 millions c’est mieux qu’un coup de pied au derrière?

Et c’est là que ça devient intéressant pour P.K., sa famille et ses futurs héritiers.

Une fois le prochain contrat terminé – peu importe qu’il soit de trois, quatre ou cinq ans – Subban n’aura pas encore atteint les 30 ans. Il sera toujours au firmament de sa carrière. Il sera toujours adulé par les partisans du Canadien – du moins on peut l’anticiper – et fera rêver ceux de plusieurs autres équipes qui aimeraient applaudir un joueur comme lui. P.K. intéressera aussi toutes les formations de la LNH en quête d’un défenseur vedette et il sera, en prime, libre d’offrir ses services à quiconque voudra de lui.

Et si dans trois, quatre ou cinq ans le plafond est rendu à 75, 80 ou 85 millions $, les quelques huit millions empochés par Subban seront devenus la norme pour les très bons défenseurs. Ils seront devenus une aubaine pour les défenseurs vedettes comme lui.

À 28, 29 ou 30 ans, Subban serait alors encore assez jeune pour signer un contrat de huit ans – dans l’éventualité où il demeurerait avec le Canadien – et l’inflation aidant, son salaire pourrait alors flirter avec les 10 millions $ par année.

Ne riez pas. Car je ne suis pas convaincu que ce soit drôle. Surtout que si les salaires montent de cette façon au cours des 10 prochaines années, le prix des billets, de la bière et du stationnement grimperont aussi. Il en coûtera alors aussi cher de faire le plein de son véhicule que de le stationner sous le Centre Bell.

Agents, équipe, famille¸

Voilà les équations que Don Meehan et ses associés devront faire avec P.K. Subban et avec son papa qui a les intérêts de fiston très à cœur.

Dans les coulisses, on dit que papa Subban voit grand. Qu’il voyait grand l’an dernier déjà et que c’est à contrecœur qu’il s’est résigné à voir son fils signer le contrat de transition auquel le Canadien tenait mordicus. Il espère donc maintenant que le prochain contrat rapportera beaucoup et qu’il sera le plus long possible.

Si le point de vue de papa Subban a plus de poids que ceux des agents qui s’occupent de l’avenir financier de son garçon, le Canadien devra lui dire un gros merci.

Car avec les paramètres financiers extensibles qui s’annoncent, le Canadien a tout intérêt à mettre P.K. sous contrat le plus vite possible et pour le plus longtemps possible.

« J'espère que P.K. sera ici longtemps »

Et si Subban joue dur? S’il refuse de jouer le jeu de Geoff Molson et Marc Bergevin et s’accroche au scénario d’un contrat à court ou moyen terme ?

Le Canadien pourra difficilement serrer la vis.

Le Tricolore l’a fait l’an dernier obligeant le jeune défenseur à rater le début de la saison. Et le Canadien avait raison de le faire. Avec un plafond rabaissé à 64,3 millions $, Marc Bergevin ne pouvait mettre tous ses millions dans le compte en banque de P.K. afin de s’assurer d’avoir une équipe devant, derrière et autour de lui.

Mais aujourd’hui, le Canadien n’a plus le plein contrôle de la situation. De fait, ce contrôle, c’est P.K. et P.K. seulement qui en bénéficie.

Non seulement P.K. a le gros bout du bâton entre les mains, mais il est le seul à avoir les mains sur le bâton. Car quand viendra le temps de signer son prochain contrat, P.K. aura l’embarras du choix. Il signera à court, à moyen où à long terme. Selon ce qu’il voudra. Selon ce que ses agents voudront. Selon ce que son papa voudra.

Le Canadien sans défense

Quoi? Vous dites que le Canadien ne se livrera pas pieds et poings liés devant son défenseur. Qu’il se défendra. Qu’il négociera avec vigueur.

Oui! Le Canadien négociera serré. Il pourrait même décider d’aller en arbitrage l’été prochain s’il juge que les demandes de P.K. et de son clan sont exagérées. Il en aura pleinement le droit.

Mais ce serait une stratégie absurde. Une stratégie qui conduirait tout droit au divorce entre le Tricolore et son meilleur défenseur.

Devant un arbitre, en raison de ses statistiques impressionnantes, des statistiques qui compensent les lacunes défensives et l’exubérance qu’on lui reproche encore autour du vestiaire, P.K. touchera tout de même le gros lot.

Et comme c’est le cas dans les procédures d’arbitrage, le Canadien aura le loisir de décider s’il entend signer le contrat concocté par l’arbitre pour une période d’un ou deux ans.

S’il se limite à un an, il froissera son défenseur, sa famille, ses conseillers et ses partisans.

Si le Canadien opte pour le contrat de deux ans, l’échéance de ce contrat coïncidera alors avec l’arrivée de P.K. sur le marché des joueurs autonomes sans compensation.

Je vous pose la question bien simplement :

Après s’être fait traîner en arbitrage, après s’être fait critiquer – parce qu’en arbitrage, les équipes défilent toujours leurs critiques pour convaincre l’arbitre de se montrer plus raisonnable en matière de salaire – est-ce que vous croyez une seconde que P.K. tournera le dos au marché des joueurs autonomes simplement pour faire plaisir au Canadien?

Je ne crois pas non plus.

Alors tant qu’à perdre Subban dans deux ans, le Canadien est mieux de se préparer à payer cher. Très cher. Et il est mieux de se préparer à mettre Subban sous contrat pour moins longtemps qu’il ne le souhaiterait.

Parce que sur le simple plan financier, l’option du contrat à moyen terme semble bien plus profitable que celle d’un contrat à long terme. Pour P.K. et non pour le Canadien bien sûr.

À moins que la pression paternelle et que le spectre d’une blessure grave qui pourrait compromettre sa carrière soit de nature à convaincre Subban qu’il vaut mieux toucher beaucoup maintenant et pour huit ans, que de prendre la chance de toucher beaucoup plus de cinq ans et pour encore plus longtemps.

J’espère pour Marc Bergevin que Geoff Molson organisera un autre voyage pères-fils afin de permettre à son directeur général d’amadouer d’abord le père pour améliorer ses chances de convaincre le fils…