Vingt-quatre heures avant le temps, les fantômes du Canadien sont sortis du trou noir dans lequel ils étaient tapis depuis le début de la saison pour survolter une attaque qui en avait grandement besoin.

 

De quels fantômes je parle? Des fantômes de Maurice Richard, Toe Blake et Elmer Lach.

 

Eh oui! Soixante-quatorze ans après le premier match de la célèbre et très productive « Punch Line », le Canadien s’est permis une sortie de huit buts pour éclipser les Sénateurs d’Ottawa 8-3 et amorcer sur une note positive un voyage pas évident de quatre matchs qui se poursuivra jeudi au Minnesota, samedi, à Winnipeg, et dimanche, à Chicago.

 

C’était la première fois depuis janvier dernier que le Canadien marquait huit buts au cours d’une même rencontre. De fait, le Canadien a marqué autant de buts hier soir que lors de ses cinq premières parties de la saison combinées. Avec ses 13 buts marqués aux dépens des Sens et des Rangers de New York lors de ses deux derniers matchs, le Canadien a égalé sa production des huit premières rencontres de la saison.

Ce n’est pas rien.

 

Est-ce que c’est le Canadien qui avait des ailes ou les Sénateurs qui ont été mauvais, voire très mauvais?

 

On va se le dire sans retenue : les Sénateurs ont été mauvais. Vraiment! Comme s’ils étaient convaincus que les deux points tomberaient simplement du toit du Centre Canadian Tire en raison de la décision osée de remplacer Carey Price par Al Montoya, les Sénateurs ont joué sans la moindre conviction.

 

Cela ne doit toutefois pas minimiser les efforts déployés par le Canadien qui, avec un bon échec avant, avec de la vitesse, avec de belles poussées orchestrées en zone ennemie ont profité des largesses des Sens en plus de provoquer des erreurs.

 

Mais au lieu de se contenter de tirer souvent et trop souvent d’un peu partout, le Canadien a tiré moins souvent, mais les tirs étaient de meilleure qualité. Ils ont généré de meilleures occasions de marquer.

 

Le Canadien a marqué son plus haut total de buts (8) dans le cadre du match au cours duquel il a cadré le moins de tirs (29) cette année. Il a aussi décoché 57 tirs au total, soit le deuxième plus faible total de ses 12 premières rencontres après les 55 aux dépens des Maple Leafs de Toronto le 14 octobre dernier au Centre Bell. Comme quoi tirer souvent est important, mais obtenir de bons tirs l’est plus encore.

 

Mes observations en marge de cette victoire facile :

  1. Encore un faux départ
  2. Déblocage attendu pour Hudon et Lekhonen
  3. Quand la chance appuie le plan de match
  4. Montoya préféré à Price : un pari osé
  5. Soirée à oublier pour Karlsson

Chiffre du match : sans tambour ni trompette, Shea Weber a récolté trois passes et affiché un différentiel de plus quatre dans la victoire aux dépens des Sénateurs lundi. Après un début de saison un brin timide offensivement, Weber revendique deux buts et sept points à ses quatre dernières rencontres.

 

Encore un faux départ

 

Les huit buts enfilés par le Canadien pour le propulser vers une victoire convaincante effacent plusieurs lacunes remarquées encore hier soir. Personne ne parlera des mises en jeu perdues, des quatre revirements coûteux de Brandon Davidson et du jeu défensif approximatif de Karl Alzner qui venait pourtant de disputer un match solide samedi.

 

Ces buts ne peuvent toutefois faire oublier un autre faux départ du Canadien.

ContentId(3.1251838):Le capitaine sonne la charge en infériorité
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Pour la 7e fois en 12 rencontres cette saison, le Canadien a été victime d’un but marqué dans les cinq premières minutes suivant la mise en jeu initiale. C’est loin d’être bon.

 

Lundi soir, les Sens ont profité d’une passe parfaite de Brandon Davidson à Tom Pyatt, qui ne pouvait rêver à plus beau cadeau, pour prendre les devants dès la 21e seconde de jeu.

 

Non seulement c’était la 7e fois en 12 matchs que le Canadien amorçait une rencontre sur les talons, mais il est maintenant rendu à 13 périodes au cours desquelles il a concédé un but dans les cinq premières minutes. Pis encore, six de ces 13 buts ont été enfilés dès la première minute de ces périodes.

 

Bonne nouvelle pour le Tricolore, ses joueurs ont semblé être fouettés par le but rapide des Sens lundi. Ils ont relevé la tête au lieu de baisser les épaules comme on les a vus faire trop souvent lors des 12 premiers matchs.

 

Mais il faudra trouver une solution pour guérir cette très mauvaise et tout aussi dangereuse habitude.

 

Pour une raison que j’ignore – et je n’ai pu poser la question lors du point de presse de Claude Julien puisque c’est de Montréal et non d’Ottawa que j’ai suivi le match – le Canadien a envoyé son troisième duo de défenseur sur la patinoire pour amorcer la rencontre.

 

Vrai que Guy Boucher n’a pas répliqué en envoyant ses meilleurs éléments offensifs, mais contre Davidson et Petry qui ne sont pas les plus imperméables de défenseurs du Canadien, leur sélection me semblait risquée. Même s’il est très facile de faire ce genre de commentaire après les faits…

 

Déblocage salutaire pour Hudon et Lekhonen

 

Travailler fort, se défoncer à l’ouvrage, multiplier les petites choses pour aider l’équipe à gagner, c’est bien. C’est très bien même pour se faire aimer de ses coéquipiers et être apprécié des amateurs.

ContentId(3.1251841):Au tour de Lehkonen d'ouvrir son compteur
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Mais au-delà toutes ces petites choses qui aident à obtenir la confiance d’un entraîneur-chef, il est aussi important, voire primordial, de contribuer offensivement lorsqu’on occupe une place au sein des trois premiers trios, et qu’on veut la garder. C’est pour cette raison que les deux buts marqués par Charles Hudon et Artturi Lehkonen, lundi, à Ottawa, sont si importants.

 

Hudon joue du gros hockey cette saison. Il était parmi les meilleurs de son camp pour les tirs obtenus. Il est toujours le meneur chez les attaquants pour les mises en échec assénées. Mais il n’avait pas encore marqué.

 

Artturi Lehkonen était dans la même situation. Bien qu’on pouvait difficilement lui adresser quelque reproche que ce soit, il n’avait pas encore marqué.

 

Avec un Alex Galchenyuk confiné au sein d’un quatrième trio, un Galchenyuk qui a marqué son premier but à cinq contre cinq lundi soir – il partage le premier rang des marqueurs (4 buts) avec Max Pacioretty – et qui attend un retour au sein des premiers trios, Hudon et Lehkonen, comme Paul Byron d’ailleurs, se devaient de marquer pour offrir des munitions à ceux qui tiennent à les garder au sein d’un top-9 duquel Galchenyuk est exclu... pour le moment.

 

Car si on veut lancer un message à Galchenyuk en le confinant au sein du 4e trio, il faudra lui accorder une promotion lorsqu’il démontrera avoir saisi le message.

 

Et cela s’en vient, car bien qu’il soit limité à une dizaine de minutes de jeu par match, Galchenyuk trouve une façon de contribuer offensivement. Ça n’efface pas les lacunes défensives et l’attitude qui déplaît à bien du monde au sein de l’état-major.

 

Mais Galchenyuk n’est pas un joueur de quatrième trio. Il a plus de talent que la majorité des six ailiers gravitant autour des trois premiers centres du Canadien.

 

Un Hudon qui ne marque pas, un Lekhonen qui ne marque pas assez et même un Paul Byron dont on récompense la détermination et l’éthique de travail en lui offrant le flanc gauche du premier trio, ne peuvent tenir tête à un Galchenyuk qui milite pour reprendre une place au sein du top-9.

 

En marquant comme ils l’ont fait lundi et en maintenant une production régulière, Hudon, Lehkonen, Byron et Gallagher compliqueront les décisions difficiles des coachs.

 

Ils forceront peut-être même l’état-major à « sacrifier » Andrew Shaw pour offrir une promotion à Galchenyuk. Shaw joue hockey inspiré cette saison. Il est même un complice important à la droite de Max Pacioretty et Philippe Danault. Mais Shaw est le seul attaquant régulier du Canadien – on exclut ici les Mitchell, McCarron et De La Rose – à ne pas encore avoir marqué cette année. Si cette disette se prolonge, c’est peut-être lui qui se retrouvera au sein du quatrième trio à la place de Galchenyuk…

 

Quand la chance appuie le plan de match

 

Dire que la «puck ne roulait pas de notre bord» est l’un des trop nombreux clichés du hockey qui sont brandis lorsque vient le temps d’expliquer une défaite... ou de l’excuser. C’est selon.

ContentId(3.1251861):Galchenyuk offre le poulet gratuit aux partisans!
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Quand les entraîneurs-chefs des 31 équipes de la LNH élaborent leurs plans de match, ils ne s’en remettent pas à la variable chance pour mousser les chances de victoire de leur club.

 

C’est évident.

 

Mais un brin de chance améliorera le pire des plans de match au point de le rendre efficace parfois. Au même titre que deux brins de malchance mineront les chances de réussite du meilleur des plans de match.

 

Bon! Je conviens avec vous que des équipes poussent la chance à leur sourire en multipliant les bons coups sur la glace. D’autres, et ce fut le cas du Canadien très souvent lors des huit revers qu’il a encaissés, patinent après le trouble et ouvre toute grande la porte à la malchance. Ils lui offrent même parfois de s’installer.

 

Lundi à Ottawa, le Canadien a aidé la chance à lui sourire.

 

Sur son deuxième but du match, Charles Hudon a effectué un tir du revers sensationnel pour loger la rondelle dans la lucarne au-dessus de l’épaule gauche du gardien Craig Anderson.

 

Mais si Shea Weber avait réussi son tir, au lieu de le rater, Hudon n’aurait jamais hérité de la rondelle. Weber a raté – j’ai eu l’impression que son bâton s’est brisé – la cible de très loin. De tellement loin que personne n’a pu stopper la rondelle qui est allée frapper la bande derrière le filet des Sens pour ensuite se retrouver sur la lame du bâton de Hudon qui a effectué une très belle manœuvre.

 

On a souvent vu le Canadien dans les mauvaises grâces de Dame Chance jusqu’ici cette année. Hier, elle a donné un répit au Canadien et il a su en profiter. Ce sera maintenant au Tricolore de maintenir un rythme susceptible de convaincre Dame Chance de lui sourire plutôt que de favoriser ses adversaires.

 

Car au hockey comme dans la vie, le proverbe «aide toi et le ciel t’aidera» prend tout son sens la plupart du temps.

 

Montoya préféré à Price : un pari osé

 

Pour dire vrai, j’ai été surpris par la décision de favoriser Al Montoya aux dépens de Carey Price pour la première escale du Canadien à Ottawa cette année.

 

Je suis très au fait des lacunes de Carey Price cette saison.

 

Mais à l’aube d’un voyage difficile duquel le Canadien doit rentrer avec trois victoires pour amorcer une véritable remontée au classement, j’étais convaincu que Claude Julien irait avec son meilleur gardien.

 

Eh oui! C’est encore Carey Price le meilleur. D’autant que sa fiche de 20-8-4 face aux Sénateurs était de très loin supérieure à celle de Montoya qui affiche maintenant trois victoires, trois revers et une défaite en prolongation ou tirs de barrage.

 

En plaçant Montoya devant la cage de son équipe, Julien a peut-être fouetté ses joueurs pour qu’ils soient meilleurs dans leur zone défensive.

 

Ça n’a pas paru sur le premier but des Sens. Pas plus que sur les deuxième et troisième alors que Karl Alzner a davantage ennuyé son gardien qu’il ne l’a aidé.

 

Mais parce que Price était l’objet de critique sur chaque but alloué, même ceux contre lesquels il ne pouvait rien, le fait de soustraire Price à la critique était sans doute une bonne idée.

 

Surtout que les Sens ont semblé sombrer dans la facilité avec Price au banc plutôt que dans la cage ennemie.

 

Seule ombre au tableau pour Julien et l’état-major, cette décision de favoriser Montoya aux dépens de Price obligera le gardien numéro un à gagner au Minnesota. Car une défaite – et ce même s’il garde les buts de façon solide – entraînera un tsunami de réactions négatives dans le camp des partisans qui ont les nerfs et la confiance à vif et dont le niveau de patience à l’égard du gardien de 10,5 millions $ par année – à compter de l’an prochain – est à son plus bas.

 

À moins que vous croyiez que le Canadien reviendra avec Montoya jeudi au Minnesota…

 

Soirée à oublier pour Karlsson

 

Erik Karlsson s’est attiré les louanges aux quatre coins de la LNH, lorsque Drew Doughty, Anze Kopitar et Dustin Brown se sont relancés la responsabilité de surveiller l’as défenseur à l’aube d’une prolongation opposant les Sens aux Kings lors de leur visite dans la capitale nationale la semaine dernière.

 

Lundi contre le Canadien, Karlsson s’est attiré des critiques acerbes au cours d’un match qu’il a complété avec un très lourd différentiel de moins-6 à transporter.

 

Dire que Karlsson a mal joué contre Montréal serait un euphémisme.

 

Le capitaine des Sens a passé la soirée à prendre de mauvaises décisions. Il a tenté de passes dangereuses, il a raté des couvertures défensives, il s’est mis hors position, il s’est même fait contourner par Charles Hudon, une verte recrue qui a fait très mal paraître ce gagnant de deux trophées Norris (2012, 2015).

 

Comment Karlsson se remettra de cette soirée atroce?

 

En jouant lors du prochain match, comme il l’a fait face au Canadien lundi. Mais avec plus de conviction. Plus d’aplomb.

 

Karlsson prend des chances. Beaucoup de chances. Il est comme ça. C’est dans son ADN. Et quand il commet des erreurs – il en commet d’ailleurs beaucoup, car il est toujours sur la glace – il prend des chances plus grandes encore pour tenter de les racheter.

 

Souvent, ça fonctionne. Mais parfois, comme lundi, ça fait mal. Et ça fait dur. L’important pour un gars comme Karlsson, c’est de s’assurer de garder le respect de ses coéquipiers. De s’assurer qu’ils seront convaincus que leur capitaine remboursera à son club, les erreurs coûteuses de lundi.

 

Tout se joue là avec des joueurs à haut risque comme Karlsson, P.K. Subban, Alex Ovechkin et combien d’autres. Ils doivent s’assurer que leurs coéquipiers comprennent qu’ils ont pris ces chances pour le bien de l’équipe et non seulement leurs statistiques personnelles. 

 

À ce chapitre, Karlsson a prouvé 100 fois plutôt qu’une qu’il était en mesure de faire oublier ses erreurs du passé en les remboursant avec des dividendes.

 

C’est pour cette raison qu’un entraîneur-chef même dur et implacable comme Guy Boucher est prêt à composer avec des soirées atroces comme celle de lundi et dont le Canadien a profité, parce qu’il sait que le balancier reviendra dès la prochaine rencontre, où lorsque la situation le commandera.

 

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