Quand il s'est présenté à sa nouvelle équipe, en septembre dernier, Pierre-Alexandre Parenteau avait une petite idée de la difficulté qu'il y avait parfois à évoluer dans le marché montréalais. Toutefois, un athlète n'est jamais certain de rien tant que l'intégration à son nouveau milieu n'est pas faite.

Il n'a pas eu de grandes surprises. Après tout, quand on grandit à une vingtaine de minutes du Centre Bell, à Boucherville, et qu'on a eu l'occasion d'observer tout ce qui passe dans l'équipe de son enfance, c'est normal qu'on en sache déjà beaucoup sur le sujet.

Cela s'est passé comme il l'avait imaginé. On ressent inévitablement une pression en portant le chandail du Canadien. Elle est présente chaque match. On sait les partisans extrêmement exigeants. Comme il le dit lui-même, « il n'y a jamais de mardi soir contre Columbus » dans cette ville. Aucune partie n'est vraiment reposante. Il faut gagner à tout prix si on ne veut pas entendre des murmures dans le public.

Et s'il avait à mentionner un seul facteur qui l'a un peu surpris, quel serait-il? Il réfléchit pendant un moment.

« Je ne pensais pas devenir aussi populaire en peu de temps, admet-il, sans fausse modestie. Dans la rue, on me reconnaît. À l'épicerie, on m'arrête pour me parler de l'équipe. Disons qu'avec les Islanders ou avec l'Avalanche, les joueurs ne représentent pas un pôle d'attraction à l'extérieur de la patinoire. Je n'avais jamais vécu cela auparavant. »

Parenteau réalise à quel point les amateurs sont attachés au Canadien. En exerçant sur les joueurs une constante obligation de gagner, il croit que les partisans sont en bonne partie responsables des succès de l'équipe, eux aussi.

« Ils nous aiment tellement qu'il y a une responsabilité rattachée à cela pour les joueurs, souligne-t-il. Je suis convaincu que la foule a joué un grand rôle dans la performance de l'équipe en séries, le printemps dernier. Les gars sont reconnaissants de cet appui. Ici, on sent que l'équipe appartient au public. Il y a un tel engouement autour du Canadien. Nous ne sommes qu'en novembre, à six mois des séries éliminatoires, et pourtant, on n'entend parler que de ça. »

Pour que sa satisfaction soit complète, il aimerait produire davantage. Il a l'habitude d'obtenir plus de mentions d'assistance. Sur la route, sa production laisse à désirer, mais il dit se sentir de mieux en mieux dans le système que préconise l'équipe. Quand il passe un moment sans marquer, il serre davantage son bâton, un signe de la pression qu'il ressent.

« Avec les Islanders, j'ai déjà disputé 10 matchs sans obtenir de points et je peux te dire que je serrais mon bâton. Peu importe la ville dans laquelle on évolue, on réagit toujours de la même façon dans ce genre de situation », dit-il.

La pression est encore plus accablante quand on est reconnu comme un marqueur et qu'on est payé pour produire. Parenteau aurait avantage à tirer au but plus souvent. Ses 45 tirs le placent au sixième rang dans l'équipe. C'est insuffisant pour un membre régulier de l'attaque à cinq.

Par contre, on ne peut pas dire qu'il n'a pas eu son utilité jusqu'ici. Pendant que Daniel Brière, malgré ses quatre buts, saute parfois son tour au Colorado, Parenteau a inscrit cinq buts à la régulière, dont un gagnant. Même s'ils ne sont pas comptabilisés dans son dossier, ses trois buts qui ont assuré la victoire de l'équipe en fusillade ont rapporté gros. Ils ont permis au Canadien d'ajouter trois points additionnels au classement, ce qui le place actuellement au premier rang du classement général ex aequo avec Anaheim. Avec trois points de moins, l'équipe occuperait la troisième place, à égalité avec cinq autres formations. C'est dire que chaque point, chaque but, a une extrême importance dans une course aussi âprement disputée.

En gros, il a marqué huit buts, dont quatre ont été gagnants. Ce qui fait dire à l'ex-directeur général Serge Savard qu'il a été une des belles acquisitions de Marc Bergevin cette saison.

Il aurait pu passer à côté d'une belle carrière

David Desharnais et lui, on le sait, ont connu des parcours quasi identiques. Il leur a fallu de la patience et de la ténacité pour se hisser jusqu'à la Ligue nationale. Desharnais a joué avec trois équipes en quatre ans dans les ligues mineures. Parenteau y a passé six saisons et demie avec quatre formations différentes. Le premier n'a pas été repêché et le second a été un choix de neuvième ronde (264e) des Ducks d'Anaheim en 2001. Parenteau a passé deux saisons dans leur filiale de la Ligue américaine sans avoir eu la chance de porter leur dossard.

« Être réclamé en neuvième ronde, c'est l'équivalent de ne pas être repêché, lance-t-il en souriant. C'est comme si tu devenais un invité au camp d'entraînement, l'automne suivant. David a été invité au camp du Canadien et moi, je me suis présenté à celui des Ducks (les Mighty Ducks à l'époque). On ne m'a pas déroulé le tapis rouge. Il a fallu que je fasse ma place. C'est Mike Babcock qui en était l'entraîneur. Il m'avait souligné que parmi ses joueurs, j'étais l'un de ceux qui avaient une belle vision du jeu et de belles habiletés naturelles. Il m'avait conseillé de mettre beaucoup d'accent sur mon développement et de croire en moi. »

Parenteau n'a pas assisté à ce repêchage qui s'est déroulé en Floride. Il ne croyait pas en ses chances d'être réclamé et son agent lui avait recommandé de rester à la maison. C'est Pierre Gauthier, directeur général des Ducks, qui l'avait appelé pour lui annoncer la nouvelle.

« Je n'ai jamais pensé pour autant qu'on ne m'accorderait pas ma chance, affirme-t-il. Je me suis dit que quelqu'un avait au moins pensé à moi. Ce qui ne m'avait pas aidé, c'est que j'étais petit à 17 ans. Ce n'est que par la suite que j'ai débloqué physiquement. Par contre, si on a quand même pris une chance avec moi, c'est sans doute parce que j'avais connu de très bonnes séries éliminatoires en jouant avec Pierre-Marc Bouchard chez les Saguenéens de Chicoutimi. »

Parenteau a de la mémoire et de la reconnaissance. Il sait fort bien à qui il doit le fait que sa carrière soit maintenant solidement établie dans la Ligue nationale.  « L'entraîneur-chef des Islanders Jack Capuano et ses adjoints, Doug Weight et Dean Chynoweth, m'ont encouragé et m'ont donné toutes les chances de réussir. Sans eux, je ne serais pas ici pour te parler », admet-il.

Tout un contrat

Parenteau semble né sous une bonne étoile. Il n'a jamais marqué plus de 20 buts en une saison, mais il a eu l'énorme chance de devenir joueur autonome après sa saison la plus productive (67 points avec les Islanders), ce qui lui a valu de parapher une entente de 16 millions $ pour quatre ans au Colorado. Quand on y pense, quatre millions de dollars par saison pour un joueur qui a eu toutes les misères du monde à s'extirper des ligues mineures, c'est toute une cagnotte.

« Il n'y a pas une journée qui passe sans que je me dise pas à quel point je suis chanceux d'avoir obtenu ce contrat », reconnaît-il.

Parenteau a eu un parcours atypique. Toute sa jeunesse, il a regardé jouer le Canadien. Il a rêvé de jouer dans sa ville. Repêché par Anaheim, il a joué à Chicago, avec les Rangers, les Islanders et l'Avalanche. Il changeait fréquemment d'organisation, mais le Canadien n'était jamais sur son chemin.

Finalement, l'appel est venu à la suite d'une conversation entre Marc Bergevin et Patrick Roy. Roy ne voulait plus de ses services et Brière avait atteint un point de non-retour avec le Canadien.

C'est maintenant la responsabilité de l'athlète de 31 ans de démontrer que son directeur général a réussi toute une transaction. Pas seulement pour la présente saison, mais pour les trois ou quatre prochaines années. Parenteau a compris au moins une chose depuis qu'il se produit au Centre Bell. Si jamais il n'est pas à la hauteur de ce qu'il peut donner, il lui sera beaucoup moins agréable de faire son épicerie.