Au début de la saison, on disait que le Canadien irait aussi loin que Carey Price, P.K. Subban et Max Pacioretty le conduiraient. Sans la contribution régulière de ces trois-là, les chances de répéter l'exploit de la saison dernière seraient quasi nulles.

Or, Price est absent depuis cinq matchs, ce qui serait une éternité en temps normal. Pacioretty traverse une phase léthargique et Subban joue parfois d'une façon erratique. Pourtant, l'équipe a rarement autant gagné. Bien sûr, le Canadien ne pourrait pas se priver très longtemps de leur contribution, mais les joueurs (presque tous marginaux) qui ont été ajoutés à la formation ont fait beaucoup plus qu'assurer de la profondeur au groupe dirigé habilement par Michel Therrien. Ils ont fait du Canadien une équipe qu'on a cessé de prendre à la légère et qui trône actuellement au sommet de la ligue.

On n'a pas toujours compris ce que Marc Bergevin tentait de faire quand il ajoutait autant de plombiers à une formation qui visait la coupe Stanley. Lui, par contre, le savait. On ne se contera pas d'histoires, il y avait des solutions à court terme dans ces acquisitions. Dans certains cas, c'était des joueurs destinés à aider l'équipe à garder la tête hors de l'eau en cas de blessures. Ces nouveaux venus ont plutôt décidé de faire leur place pendant qu'on leur offrait la possibilité d'appartenir à une organisation gagnante.

Le plus beau de l'affaire, c'est qu'ils n'ont pratiquement rien coûté. Ils sont huit visés par ces acquisitions. Huit athlètes obtenus sans que Bergevin n'ait eu à sacrifier un seul élément important. Le noyau est resté intact. Toute la dentelle autour n'a servi qu'à rattacher ensemble toutes les pièces du casse-tête. Regardons cela de plus près.

La venue de Dale Weise a amorcé cette vague de renouveau. On ne comprenait pas trop comment un joueur qui n'était pas utilisé à Vancouver et qui avait connu des saisons de quatre, trois et trois buts pouvait être utile ici. Mis à part le fait qu'il était un gros bonhomme robuste de six pieds, deux pouces et de 210 livres.

Pour l'obtenir, on a cédé un défenseur qui avait un certain attrait dans les supériorités numériques, mais qui était incapable de se faire une niche permanente à Montréal, Raphael Diaz. On ne reviendra pas sur tout ce que Weise apporte au Canadien dans ce spectaculaire début de saison, mais Diaz, lui, après avoir joué six parties à Vancouver, 11 avec les Rangers et 56 à Calgary, poursuit sa carrière dans les ligues mineures.

De toutes ces additions, Jeff Petry est le seul qui ne peut pas être considéré comme un plombier. On a concédé des choix de deuxième et de quatrième tours pour l'arracher aux Oilers qui regrettent peut-être d'avoir mordu à l'appât. Peut-être en profiteront-ils pour réclamer un joueur talentueux en deuxième ronde en juin prochain, mais ce n'était pas cher payé pour mettre la main sur un défenseur comme il y en a peu de disponibles dans la ligue.

Torrey MitchellTorrey Mitchell avait marqué 12 buts en trois ans à Buffalo. Ce centre de quatrième trio, dont on avait un urgent besoin pour remplacer un Manny Malhotra au bout du rouleau, a coûté un choix de septième ronde et Jack Nevins. Qui est ce Jack Nevins? Un ex-attaquant de la Ligue junior majeur du Québec jamais repêché à qui le Canadien avait offert un contrat. Il a joué brièvement à Hamilton et il poursuit son parcours dans la filiale de Buffalo.

Brian Flynn était un joueur anonyme à Buffalo qui n'avait jamais marqué plus de six buts dans une saison. Il complète le quatrième trio en plus d'être fort utile dans les désavantages numériques et d'affronter les meilleurs trios adverses. Il a coûté un cinquième choix.

Devante Smith-Pelly est un autre joueur qui marque peu. On l'a obtenu en retour de Jiri Sekac parce qu'on avait besoin d'un gros bonhomme bâti pour les séries éliminatoires. On voyait en Sekac un joueur d'avenir, mais il est aussi silencieux à Anaheim qu'il l'était à Montréal.

Tomas Fleischmann a chèrement mérité son poste au camp d'entraînement, mais reconnaissons d'abord à Bergevin le mérite de l'avoir invité. J'ai entendu quelque part que Fleischmann avait couru un grand risque en acceptant de tenter sa chance au camp du Canadien. Allo. Ce vétéran de 31 ans, qui venait de jouer pour quatre équipes en cinq ans, a été invité le 12 septembre. Il était libre comme l'air depuis le 1er juillet. Avait-il vraiment d'autres options? Son coup de chance provient surtout du fait qu'on ne lui a pas accordé un essai timide. Therrien l'a placé dans une situation pour produire avec David Desharnais, avec le succès que l'on sait.

Quand Paul Byron a été obtenu au ballottage, pas moins de 28 équipes ont passé leur tour avant que Bergevin puisse le réclamer. D'ailleurs, une partie des succès du directeur général réside justement dans le fait qu'il s'intéresse parfois à des joueurs pour lesquels la concurrence démontre peu d'intérêt.

Finalement, Mike Condon. Pas repêché, issu de la filiale, il est en train de se développer comme un gardien qui, avant très longtemps, aura l'étoffe d'un numéro un dans la Ligue nationale. En attendant, il représente la plus étonnante surprise de ce début de campagne.

Habilement renseigné

« Je suis très heureux pour Bergevin »

Pour expliquer en partie un tel succès, il faut remonter à l'embauche de Bergevin qui, en s'inspirant de ce qu'il avait vécu chez les Blackhawks de Chicago, a décidé de s'entourer de gens travaillants et reconnus pour leur flair. Il voulait générer des idées autour de lui. Bâtir une banque d'informations utiles était son objectif premier. C'est pourquoi on a vu apparaître dans le décor des gens qui n'avaient rien de commun avec l'organisation du Canadien : Rick Dudley et Scott Mellanby. Bergevin a aussi retenu les services de Trevor Timmins et de Larry Carrière qui avaient été de bons soldats au service des deux directeurs généraux précédents.

Ces gens-là sont partout et analysent tout pour Bergevin. Le patron est celui qui tranche en bout de ligne, mais dans plusieurs cas, il serait très étonnant qu'il ait lui-même épié tous les joueurs qu'il a greffés à l'équipe. Je suis pas mal certain qu'il n'avait pas remarqué Weise avant qu'un Dudley ou un Mellanby lui suggère de lui porter attention. Et sans doute que Jean-Jacques Daigneault, qui a passé deux saisons aux côtés de Weise quand il était entraîneur adjoint à Hartford, s'est avéré une précieuse source d'informations après l'avoir vu connaître une saison de 28 buts.

Ça donne ce qu'on voit en ce moment. Un travail d'équipe qui produit des résultats étonnants. En trois ans, on a rarement vu Dudley, Mellanby et Carrière sur la galerie de presse du Centre Bell. Pendant que les joueurs qu'ils ont recommandés à Bergevin contribuent aux succès de l'équipe, ils en recherchent d'autres pour de prochaines occasions. En ce moment, Bergevin sait déjà vers qui se tourner quand une situation d'urgence se produira, on n'en doute même pas.

Pour ces huit joueurs, qui contribuent à faire du Canadien un aspirant logique à la coupe Stanley, Bergevin n'en a donné que trois, dont deux évoluent dans la Ligue américaine.

Impressionnant comme retombées.