Ils ne sont pas nombreux les chrétiens qui s'attendaient à voir le Canadien en tête de l'Association de l'Est à la mi-saison. La nouvelle direction de l'équipe mérite vraiment beaucoup de crédit pour les succès actuels.

Le Canadien est sans aucun doute la plus grande surprise de la LNH. Les Blackhawks de Chicago connaissent une saison de rêve, mais on savait tous que c'était une bonne équipe. Quant à lui, le Canadien est parti du 15e et dernier rang l'an dernier pour se hisser au sommet de son association. La prestation du Canadien est un choc pour tout le monde dans le circuit Bettman.

L'entraîneur des Bruins de Boston, Claude Julien, accusait récemment les joueurs du Canadien de jouer la comédie pour attirer l'attention des arbitres. On a vu immédiatement Michel Therrien lui répliquer de s'occuper de son équipe et qu'il allait faire de même avec son club. C'est évident que lorsque votre équipe est au dernier rang, personne ne s'en préoccupe, car vous ne dérangez personne. Mais comme votre club est en haut, vous déranger. Ce n'est pas de la chance de voir le Canadien là où il se trouve. Il est au sommet parce qu'il le mérite.

Le propriétaire Geoff Molson mérite le crédit de s'être associé à Serge Savard et d'avoir embauché Marc Bergevin comme directeur général. Bergevin a par la suite engagé Michel Therrien et son équipe d'adjoints pour diriger la formation. Toutes ces nominations ont vraiment changé la dynamique de cette équipe. Ce changement de dynamique est aussi passé par les jeunes Brendan Gallagher et Alex Galchenyuk, sans oublier la belle signature de Brandon Prust. D'autres joueurs qui ont gagné en maturité comme Alexei Emelin, Lars Eller et Raphael Diaz, qui est une surprise incroyable, contribuent aussi. Il y a eu aussi l'arrivée de joueurs de caractère comme Prust, mais celle aussi de Francis Bouillon. Rene Bourque aussi mérite du crédit, car il avait su rebondir avant d'être blessé.

Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent les succès de l'équipe. Le Canadien est rapide en plus d'utiliser un nouveau système de jeu, qui prévoit que les cinq joueurs s'impliquent dans les trois zones. Il n'y a pas super vedettes chez le Canadien. Je dirais plutôt que le Tricolore a trois trios de deuxième ligne.

Si je devais donner des notes sur dix, Therrien et Bergevin en auraient assurément une. Aucun joueur ne mérite une note basse, sauf peut-être Travis Moen.

Surprises et déceptions

J'ai toujours cru que peu importe ton âge, tu peux réussir. Gallagher et Galchenyuk en sont de belles preuves, car ils parviennent à tenir leur bout. Personnellement, j'ai fait le saut avec le Canadien à l'âge de 18 ans en 1974. Quand un joueur fait sa place avec une équipe à l'âge de 18 ans, c'est parce que le talent est là. En plus du talent, ça demande aussi du caractère. Les deux recrues ont été, il faut le dire, avantagées en début de saison parce qu'ils avaient joué du hockey compétitif pendant le lock-out, mais une fois que les autres joueurs plus âgés ont progressé et pris leur rythme, on s'attendait à voir les jeunes ralentir, ce qui n'a pas été le cas. On a vu à Boston récemment que Gallagher n'était pas intimidé quand il s'est mesuré au géant Zdeno Chara. Le ti-cul de 5'8" n'a pas reculé devant un gars de 6'9" et je dirais que c'est très bon aussi pour l'équipe, car son comportement apporte du dynamisme et de la vie dans le vestiaire. Cette joie de vivre développe la camaraderie entre les jeunes et les moins jeunes.

Quand j'ai joint le Canadien en 1974 avec Doug Risebrough, tout le monde s'entendait plus tard pour dire que notre arrivée avait apporté une vague d'air frais. Je pense que c'est la même chose avec Gallagher et Galchenyuk cette saison. Leur présence, ainsi que les départs de vétérans mécontents comme Scott Gomez et Erik Cole, a assaini le climat dans le vestiaire du Canadien, qui veut instaurer une nouvelle culture. Je pense par ailleurs que Bergevin a réussi tout un coup en se débarrassant de Cole pour Michael Ryder.

Dans le cas de Prust, je pense qu'il ne faut pas s'attarder seulement à ses statistiques dans son cas. Il faut analyser l'ensemble de son oeuvre depuis son arrivée avec le Canadien. On se rend compte en consultant les journaux new-yorkais que Prust est l'une des plus grosses pertes des Rangers. Il a apporté une grande énergie à Montréal en plus de défendre ses coéquipiers, ce qui n'a pas de prix. Au moment de sa signature, les observateurs trouvaient que c'était cher payé dix millions pour quatre ans, mais quand on fait le bilan de mi-saison, on se rend compte qu'il apporte beaucoup. On dirait qu'il relance tous les trios sur lesquels il est utilisé par Therrien.

Durant ma carrière, j'ai joué avec Chris Nilan et Prust me fait penser à lui. Prust est le type de joueur qui manquait au Canadien, c'est-à-dire un gars qui est capable de jouer au hockey tout en étant robuste. Je ne pensais pas qu'il était un aussi bon joueur de hockey.

Les quatre trios du Canadien contribuent. Contre les Hurricanes jeudi, Eller et Prust ont obtenu un but et deux passes chacun. Avant, on disait que si on parvenait à freiner le premier trio, la victoire était plus facile à obtenir en raison d'un manque de profondeur, ce qui n'est visiblement plus le cas maintenant. L'émergence de Bourque cette saison a aidé Tomas Plekanec et Brian Gionta à former un excellent deuxième trio. Puis, le trio des jeunes fait son travail. Therrien a le loisir de déplacer Bourque sur le troisième trio pour le remplacer par Galchenyuk. On l'a vu placer Ryder avec Plekanec tout en plaçant Gionta avec les jeunes. Alors on voit que Therrien peut jouer avec ses cartes beaucoup mieux que Jacques Martin pouvait le faire l'an dernier.

Je n'ai pas vraiment de déception, sauf Moen que j'aimerais bien voir défendre ses coéquipiers un peu plus souvent. Ce n'est pas qu'à Prust aller à la défense de ses coéquipiers.

Colby Armstrong est juste correct, sans plus. J'aimerais aussi qu'il apporte plus de robustesse sur la quatrième ligne. Il lui arrive de tuer les punitions et il apporte autre chose que des statistiques dans le vestiaire du Canadien. Il est un gars jovial qui détend l'ambiance, qui est respecté par ses coéquipiers. On ne sait pas tout ce qui se passe dans le vestiaire, mais je vous dirais que c'est plaisant d'avoir un bout en train dans la chambre.

Ryan White s'est replacé après un début de saison marqué par l'indiscipline.

Tomas Kaberle n'est pas une déception. Il est avant tout un défenseur qui donne de la profondeur à son entraîneur. Quand Therrien l'a utilisé, il a fait son travail. C'est un joueur de la LNH et il apporte ce qu'on lui demande quand on le lui demande. Je trouve qu'il est très professionnel avec son attitude parce qu'il accepte la situation et son rôle sans se plaindre, mais quand la cloche sonne, il répond présent.

Une note de dix à Michel Therrien

Michel Therrien avait prouvé par le passé qu'il était capable de prendre une équipe de bas fonds pour en faire une équipe plus que respectable. On l'a vu à Pittsburgh il y a quelques années. Je suis très heureux pour lui parce que ça va faire taire ses dénigreurs. C'était criminel de voir qu'il n'avait pas eu la chance de diriger une équipe de la LNH depuis trois ou quatre ans. Ça prenait le Canadien de Montréal pour redonner la chance à un francophone comme Therrien. On lui a redonné l'opportunité de revenir dans le giron de la LNH et il fait tout un travail.

Therrien a bien vendu sa salade à ses hommes qui ont accepté le nouveau système qu'il a mis en place. Un système où l'on met de la pression à cinq dans les trois zones, un peu comme le font les Blackhawks. Avec un camp d'entraînement d'une semaine, il doit aussi une fière chandelle à ses adjoints.

*propos recueillis par Robert Latendresse