Une fois promu directeur général du Canadien en remplacement de Pierre Gauthier, Marc Bergevin a mis en place un plan destiné à faire de lui un administrateur à succès.

Il s’est d’abord inspiré de l’expérience qu’il a vécue durant ses sept années passées chez les Blackhawks de Chicago où il a agi comme directeur du personnel des joueurs, adjoint à l’entraîneur Joel Quenneville, en plus d’avoir été affecté au recrutement amateur durant trois ans avant d’épauler le directeur général Stan Bowman comme adjoint à sa dernière année au sein de cette organisation.

Il a retenu au moins un facteur important durant ces précieuses années au cours desquelles il a eu le plaisir de célébrer une coupe Stanley. À Chicago, on était conscient de l’importance de s’entourer de gens compétents pour connaître le succès. Les Blackhawks n’étaient pas chiches dans l’embauche du personnel. Bergevin a importé cette recette à succès au Centre Bell.

Jusqu’à ce qu’il fasse le choix de ses hommes de hockey, on n’avait jamais été témoin d’exigences aussi onéreuses de la part d’un directeur général du Canadien dans le passé. Lors de son arrivée, il y avait déjà un adjoint au DG en place, Larry Carrière. Non seulement l’a-t-il gardé à son emploi, mais il en a ajouté un deuxième en Rick Dudley. Puis, Scott Mellanby est devenu directeur du personnel des joueurs. Pour finir le plat, il a ajouté deux anciens joueurs qu’il a affectés au développement des espoirs de l’organisation : Martin Lapointe et Patrice Brisebois. Rob Ramage a plus tard remplacé Brisebois.

Geoff Molson a tout approuvé. Après avoir choisi minutieusement un directeur général qu’il croyait capable de remettre le train sur les rails, il n’allait certainement pas le priver des outils nécessaires pour y arriver. Le propriétaire de l’équipe lui a encore une fois donné le feu vert quand Bergevin a voulu récompenser ses précieux alliés à la suite des saisons de 100 et 110 points au classement.

Dudley et Trevor Timmins ont donc été promus vice-présidents. Mellanby a été élevé au rang d’adjoint. C’était des changements destinés à hausser leur salaire et à les garder heureux dans le giron du Canadien. Quand une organisation, à la recherche d’un directeur général, a démontré de l’intérêt pour Dudley, Bergevin l’a coiffé du titre de vice-président senior, opérations hockey. Probablement que Dudley ne lui aurait rien demandé, mais en l’assurant d’une sécurité qu’il n’aurait peut-être pas obtenue ailleurs, il a pu oublier plus facilement les rumeurs circulant à son sujet.

Même si on le sait très actif au niveau de la ligue, Bergevin ne peut pas être partout en même temps. Il connaît l’ensemble de la ligue mieux que personne, mais ça ne signifie pas qu’il doive tout savoir sur les joueurs qui ne captent pas beaucoup l’attention. Sur les Dale Weise et les Paul Byron de ce monde, par exemple. De même, il n’était pas obligé de connaître le type d’athlète que représentait Torrey Mitchel, qui avait trois maigres saisons de quatre, deux et six buts à son crédit, quand il a transigé pour l’obtenir. Que savait-il personnellement de Bryan Flynn, un marqueur de cinq buts à Buffalo, quand il en a fait autant avec lui? Avait-il vu jouer le gardien Charlie Lindgren à l’Université St. Cloud avant de le convaincre de préférer le Canadien aux équipes professionnelles qui lui faisaient la cour? C’est dans ce genre d’occasions que Bergevin fait une confiance aveugle aux gens qu’il a embauchés. Et qu’il se félicite sans doute de s’être aussi bien entouré.

Dale Weise a rendu de bons services au Canadien après que l’un d’eux lui ait refilé l’information que l’entraîneur John Tortorella n’en voulait plus à Vancouver. On s’est tout de suite demandé ce qu’on avait vu en lui qui pouvait le rendre attrayant pour le Canadien? On n’a pas mis de temps à le savoir. Weise a été un très honnête plombier et un joueur d’équipe.

Toutes ces histoires viennent s’amalgamer aujourd’hui à celle de Paul Byron, l’attaquant le plus léger de la ligue à 160 livres. Quel merveilleux patineur! Quelle explosion quand il embraye en deuxième vitesse! Quelle rapidité d’exécution quand il se présente seul devant le gardien! À Calgary quand on l’a placé au ballottage, on ne croyait pas qu’on allait s’intéresser à un joueur sans nom qui avait déjà subi des opérations à une épaule et à un poignet, qui avait subi une fracture à une main et une autre à un orteil, qui semblait avoir un problème chronique à l’aine et qui avait subi une autre opération pour une hernie. Un des informateurs de Bergevin lui a probablement fait remarquer que ce patineur avait la vitesse requise pour se mouler au style du Canadien. Aujourd’hui, on peut considérer sa présence à Montréal comme un très beau coup de chance.

Accordez à Bergevin le crédit de tendre l’oreille aux recommandations qu’on lui fait et de prendre ensuite les décisions qui s’imposent. Ces décisions ne sont jamais sans réelles conséquences. Bien sûr, le joueur obtenu par la voie du ballottage ne coûte rien, mais le directeur général a quand même la responsabilité de lui trouver une niche dans le budget salarial de l’équipe. Dans le cas de Byron, il a si bien fait qu’on lui a octroyé un contrat de trois ans depuis. Bien mérité d’ailleurs puisque, mine de rien, il est déjà passé devant deux espoirs, Sven Andrighetto et Daniel Carr, qui sont incapables d’en offrir autant à l’équipe. Il a suffisamment de polyvalence pour avoir son utilité dans chacun des quatre trios. Remarquez que ce bonhomme-là, qui patine comme le vent et dont l’anticipation du jeu est étonnante, n’a pas sa raison d’être dans un quatrième trio. Pas avec 10 buts à son dossier.

Même si son rendement en étonne plusieurs, il n’est pas facile d’évaluer son taux de popularité. On l’acclame quand il marque, mais il n’est pas évident, même pour un marqueur ayant deux buts de moins que Max Pacioretty, d’obtenir sa part de couverture médiatique quand il côtoie Price, Weber, Radulov, Galchenyuk et Pacioretty. Dans les médias, on parle 100 fois plus de Plekanec que de lui, mais pour les mauvaises raisons, évidemment.

On ne s’excitera pas au point de voir en Byron un marqueur régulier de 20 buts, mais dans son cas, il y a au moins une certitude : il se présente à tous les matchs. Même quand il ne marque pas, on le voit. En infériorité numérique, il est efficace et dangereux.

À Calgary, il y a un directeur général qui n’est sans doute pas fier de l’avoir échappé. C’est le même homme qui a remercié Bob Hartley alors qu’il était toujours en possession du trophée Jack-Adams.

Bergevin n’est pas parfait, mais je ne crois pas qu’il serait du genre à remercier un entraîneur au premier moment de faiblesse de son équipe, sinon il y a longtemps que Michel Therrien ne serait plus là.