OTTAWA - Pendant que les arbitres faisaient le décompte des 152 minutes de pénalité qui allaient résulter de l’échauffourée dont les débris jonchaient encore la zone centrale de la patinoire, le visage de Paul MacLean est apparu sur l’écran géant de la Place Banque Scotia.

Sous son épaisse moustache, l’entraîneur des Sénateurs affichait un sourire discret qui laissait croire qu’il n’avait pas nécessairement détesté la façon dont ses joueurs s’étaient débrouillés dans l’escarmouche qui avait suivi le quatrième but de son équipe. Sur sa carte de pointage, MacLean venait probablement de donner le round à ses ouailles.

 

Les Sénateurs, qui menaient alors par trois buts, en ont ajouté deux à leur avance après avoir délimité leur territoire avec leurs poings. Devant une foule survoltée, toutes les raisons étaient bonnes pour les locaux d’apprécier le moment. Michel Therrien croit seulement qu’on a fait durer le plaisir un peu trop longtemps.

Therrien s’est montré humble dans la défaite, mais il n'a pas jugé bon de retenir un autre jab verbal en direction son vis-à-vis, à qui il a reproché l'utilisation d'un temps d’arrêt dans la dernière minute d’un match à sens unique.

« Un temps d’arrêt avec 17 secondes à faire… c’est rare que tu vois ça, a fait remarquer l’entraîneur du Canadien sur un ton calme. En tant qu’entraîneur, tu ne veux jamais humilier l’autre équipe. C’est exactement ce que MacLean a voulu faire. Pour moi, c’est un manque de classe total. Même que je le mentionnais à l’arbitre et lui non plus n’avait jamais vu ça. »

« Je crois qu'ils ont eux-mêmes manqué de classe dans ce match. Mais ils peuvent bien me blâmer s'ils le veulent, j'ai le dos large », a plus tard répondu MacLean, qui a dit avoir agi dans le meilleur intérêt de ses protégés.
 

« Il me restait seulement dix joueurs à ma disposition et je ne savais plus ce qui allait arriver », a-t-il expliqué après avoir fait l’énumération de pénalités commises par le Canadien en fin de match.

« Les arbitres ne voulaient pas que je rappelle au banc les joueurs sur la glace pour leur expliquer notre stratégie. Ma seule possibilité était donc de demander un temps d'arrêt. Je ne veux pas que mes joueurs se blessent et c'était une façon de les protéger après la situation entamée par le Canadien. J'ai été forcé de le faire en raison des circonstances. »

Therrien avait beau s'insurger, mais dans son vestiaire, la tactique de l'entraîneur gagnant n'avait pas créé beaucoup de remous.

« Je ne veux pas commenter là-dessus, a répondu Josh Gorges. J’ignore ce qui a été dit pendant ce temps d’arrêt ou les raisons qui l’ont motivé. Ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent. Le match était terminé à ce moment, alors ça ne veut rien dire pour moi. »

« Je me demandais ce qui pouvait bien se passer sur le coup, mais on dirait que l’entraîneur demandait à ses joueurs de se retenir un peu, alors… », a minimisé Gionta.

« Un bon match »

S’il bouillait intérieurement, Therrien ne l’a pas trop laissé paraître. Une bonne demi-douzaine de fois, il a dû répéter calmement que sa troupe avait été battue par une équipe qui avait disputé un bon match.

Pas de crise, pas de déclaration incendiaire et pas de coupables pointés du doigt sous le coup de la colère.

« Il y avait beaucoup d’émotion dans l’air. Quand deux équipes sont en compétition, ce sont des choses qui peuvent arriver en séries éliminatoires. Il faut leur donner le crédit qui leur revient. On s’est fait battre par une bonne équipe ce soir. »

« Une défaite, c’est une défaite, le pointage n’y change rien. Maintenant, comment allons-nous réagir devant autant d’adversité?, a questionné Gorges. Nous n’avons pas le temps de rester assis à nous apitoyer sur notre sort. Nous devons nous lever demain avec une bonne attitude, même si ça peut sembler plus facile à dire qu’à faire présentement. Il y a un autre match dans deux jours et nous devons être prêts pour ramener la victoire à la maison. »

« Nous allons nous en remettre. Nous allons rebondir comme nous l’avons fait toute la saison », a conclu Therrien avant d’aller desserrer sa cravate.