On ne connaît pas une équipe de la Ligue nationale capable de battre Carey Price, reconnu comme le joueur numéro un du circuit, quatre matchs de suite, a-t-on répété souvent durant la série.

Ah oui? Bien, si vous le dites.

Il faudra attendre encore un peu avant de savoir si l'exploit est réalisable. Tout ce qu'on peut dire pour l'instant, c'est que nous en sommes au sixième affrontement Canadien-Sénateurs et le gardien du Canadien n'a pas encore réussi à voler un match par lui-même.

Par contre, c'est un peu injuste de regarder uniquement en direction de Price pour les insuccès des deux derniers matchs car tant que ses coéquipiers seront aussi amorphes en attaque, il lui sera impossible de faire une différence. D'ailleurs, Price leur a lancé un message assez direct après le match quand il leur a fait remarquer que ce serait une bonne idée d'aller se planter devant leur gardien de but, lui dont on a habilement masqué la vue durant toute la soirée. En gros, ça voulait dire: « Je suis bien prêt à faire ma part, mais aidez-moi un peu. » Les joueurs des Sénateurs, eux, ont tout fait pour alléger la tâche de Craig Anderson hier soir. En marquant les trois premiers buts, ils lui ont offert tout le soutien dont il avait besoin. Probablement qu'il n'en espérait pas autant de leur part.

« Anderson a été très bon »

Price, de son côté, a été battu sur des tirs qu'il n'a pas vus parce que les joueurs des Sénateurs sont parvenus à lui masquer la vue, ce qu'ils avaient d'ailleurs promis de faire. En s'y mettant parfois à deux ou à trois pour repousser les Sénateurs hors du rectangle, ses coéquipiers n'ont fait qu'ajouter à cet attroupement massif qui lui a rendu la vie quasi impossible.

Le Canadien avait pourtant connu le départ qu'il désirait en passant plusieurs minutes dans le territoire d'Ottawa. Il a obtenu les sept premiers lancers de ce match avant que les Sénateurs réussissent un premier tir avec un peu moins de neuf minutes d'écoulées dans la période. Ils ont ensuite marqué sur un tir anodin d'une quarantaine de pieds que Price, ennuyé par la circulation dense devant son filet, n'a jamais vu.

En cinq rencontres, le Canadien a été incapable de s'inscrire le premier à la marque. De la façon dont Anderson se comporte et compte tenu de la confiance grandissante des Sénateurs, il sera crucial pour le Canadien de prendre les devants dans le sixième match car il ne peut se permettre de jouer du hockey de rattrapage avec son attaque de tire-pois. Curieusement, si on fait exception du but de Tom Gilbert, la meilleure chance de marquer du Canadien est survenue durant une infériorité numérique quand Plekanec s'est échappé sans pouvoir déjouer Anderson. C'était 2-0. Un point tournant.

Pas une soirée miraculeuse pour Anderson

Le gardien des Sénateurs a hérité de la première étoile parce qu'il a repoussé 45 rondelles, mais sans lui retirer tout le crédit qui lui revient, il n'a pas eu à jouer au-dessus de sa tête pour savourer une deuxième victoire consécutive. Plusieurs tirs des joueurs du Canadien ont été décochés en périphérie ou d'une distance qui lui lui a facilité la tâche. Anderson les a vus également rater un nombre considérable de chances de marquer en bataillant ferme à ses pieds sans pouvoir terminer leurs jeux.

« Tout le groupe voulait gagner »

Souvent, il leur manquait une longueur de bâton pour pouvoir pousser la rondelle dans le filet. Certes, Anderson a été solide, selon son habitude contre le Canadien, mais il a réussi des performances plus électrisantes durant la série de 2013. Disons qu'il n'a pas passé la soirée à effectuer des arrêts à bout portant. Il a été solide, sans arrêt miraculeux.

L'équipe de Michel Therrien, qui n'a toujours besoin que d'une victoire pour avancer en séries, a choisi un bien mauvais moment pour connaître autant de ratées. Depuis la substitution de gardiens de buts effectuée par l'entraîneur Dave Cameron, Anderson n'a accordé que trois buts sur 123 tirs. Et on ne s'attend pas à ce qu'il soit moins efficace demain soir.

En trois matchs contre leur bourreau des séries de 2013, aucun des attaquants chargés de lui faire la vie dure n'a réussi sa mission. Des trois seuls buts marqués contre Anderson, deux ont été l'oeuvre d'un plombier (Dale Weise) et le troisième a été obtenu par un défenseur (Tom Gilbert). Il a d'ailleurs fallu 31 tirs sur Anderson avant de pouvoir enregistrer l'unique but de la soirée à ses dépens.

Depuis que le Canadien a pris les devants 2-0 dans la série aux dépens d'Andrew Hammond, il n'a pas obtenu un traître but des Max Pacioretty, David Desharnais, Lars Eller, Alex Galchenyuk, Brendan Gallagher, Tomas Plekanec et de celui que Marc Bergevin est allé chercher parce qu'il est supposément bâti pour exceller en séries, Devante Smith-Pelly.

Il y en a parmi eux qui participent à toutes les supériorités numériques, une unité spéciale qui est d'une nullité assez particulière dans cette série. L'attaque massive n'a produit qu'un but en 19 tentatives, soit celui qui a été inscrit à l'occasion du retour de Pacioretty dont la forme forme physique soulève de plus en plus de questions. Aucun dirigeant du Canadien n'a nié ou confirmé qu'il avait subi une commotion cérébrale, mais si c'est le cas, on ne se remet pas d'une lésion au cerveau en si peu de temps.

La balloune leur a explosé dans le visage

Après avoir pété la balloune de Hammond, le Canadien rêvait d'en faire autant avec Anderson hier soir. N'ayons pas peur des mots, c'est plutôt la balloune d'une équipe qui semblait voguer allègrement vers la série suivante qui lui a explosé en plein visage devant plus de 21 000 partisans impatients de célébrer l'élimination des Sénateurs.

La victoire des visiteurs n'a pas été l'exclusivité de leur gardien de but, cependant. Les Sénateurs, qui ont contrôlé le match à leur guise, ressemblent en tous points à l'équipe dont les exploits des deux derniers mois ont causé le revirement le plus spectaculaire de la saison dans la Ligue nationale. Ils se battent avec ténacité. Peu importe la précarité de leur situation, ils ont acquis la certitude de toujours pouvoir s'en sortir. Ils viennent d'en faire la preuve encore une fois.

Imaginez l'état d'esprit dans lequel ils vont aborder le prochain match. Ils ont réussi à faire basculer la pression dans le camp adverse. On ne doute pas qu'ils soient actuellement convaincus de pouvoir disputer un septième match au Centre Bell. Cette victoire convaincante a contribué à effacer tous les doutes. Ils sont bel et bien remontés en selle. C'est paradoxal de dire cela d'une équipe qui tire encore de l'arrière dans la série, mais ils sont actuellement en plein contrôle de la situation.

Néanmoins, chaque fois qu'on a cru le Canadien au plancher cette saison, l'équipe a trouvé une façon de rebondir. Espérons pour les joueurs de Michel Therrien qu'ils se souviennent comme ils y sont pris pour faire tourner le vent certains soirs. Ils ont très peu de temps devant eux pour se remémorer leurs meilleurs coups.