C'est un brin paradoxal, mais on dirait que l'édition actuelle du Canadien, qui a rarement compté autant de jeunes dans ses rangs, démontre déjà un certain degré de maturité.

À la suite de leur dernier entraînement avant le départ pour Toronto, quelques joueurs se sont attardés dans le vestiaire, soit pour vaquer à leurs petites affaires, soit pour jaser avec les membres des médias. Il n'y avait pas le moindre éclat de voix, pas d'exubérance, pas de taquineries à voix haute entre coéquipiers, pas de musique non plus. Juste une équipe à son affaire qui sait exactement ce que ses dirigeants attendent d'elle cette saison.

Il y a trois ou quatre ans, quand P.K. Subban faisait ses premiers pas dans l'organisation, on ne s'entendait pas toujours parler dans la chambre. Même s'il était une verte recrue, le choix musical était parfois le sien. Et Subban ne se faisait pas prier pour lever le son. Les premiers grincements de dents à son sujet sont peut-être partis de là. Au lieu de prendre la place qui lui revenait à titre de recrue, il donnait déjà l'impression de vouloir occuper beaucoup de place.

Remarquez que chaque fois qu'il se présentera devant son casier cette saison, les caméras se tourneront de son côté. Même quand il n'aura rien fait de spécial. Ça pourrait encore en déranger quelques-uns, mais il n'est pas donné à tout le monde d'avoir une personnalité flamboyante ou d'avoir, chaque jour, des choses à dire.

Si l'ambiance du vestiaire a sensiblement changé avec l'arrivée des jeunes, c'est un peu beaucoup parce que les têtes dirigeantes du passé ont été remplacées par des hommes à la poigne solide qui savent où ils s'en vont et qui veulent s'y rendre le plus rapidement possible. En somme, il y a un directeur général qui n'entend pas à rire quand il est question d'adopter la bonne attitude et un entraîneur très en contrôle de son personnel.

Marc Bergevin et Michel Therrien imposent le respect. Ils ne laissent rien passer, ce qui incite les joueurs à prendre également leur rôle au sérieux. Il n'y a pas d'ultimatum de leur part, juste des directives émises avec fermeté.

Maintenant que des jeunes talentueux poussent au sein de l'organisation, Bergevin se sent très à l'aise d'apporter des changements quand il n'aime pas ce qu'il voit. Ça incite les joueurs à être plus attentifs à ce qu'on leur dit. Ils sont pas moins de huit joueurs à empocher moins d'un million de dollars cette saison. Cela procure un espace de manoeuvre appréciable à Bergevin sur sa masse salariale, ce qui le place plus facilement dans une position pour transiger si les choses ne vont pas à son goût.

Bergevin est respecté de ses hommes de hockey et de ses joueurs parce qu'il ne craint pas de prendre des décisions. Il n'est pas un directeur général timide. Il a du cran. Il y a toujours un raisonnement difficile à contester derrière les gestes qu'il pose. Il lui fallait du courage pour dire à son capitaine qu'il n'avait rien de mieux qu'une entente d'un an à lui offrir. Se départir de Josh Gorges, un joueur honnête et loyal, n'a pas été une mince affaire pour lui. Apprendre à Peter Budaj qu'il l'envoyait à Winnipeg pour le remercier de ses précieux services, fallait le faire. Annoncer à Francis Bouillon, qu'il aime encore plus comme homme que comme athlète, que c'était terminé l'a chaviré. Mais Bergevin a hérité de ce poste parce qu'on le croyait capable de changer les choses pour le mieux. Alors, il s'y applique.

La patience de Therrien

Un nom me vient à l'esprit quand il est question de l'attitude rigide de l'entraîneur: Pierre-Alexandre Parenteau. On a fait son acquisition pour deux raisons: donner plus de corps à l'offensive du Canadien et rendre plus menaçante l'attaque massive. S'il y a quelqu'un qui aura les réflecteurs sur lui en ce début de saison, c'est lui. Or, j'ignore s'il est bien au fait de la nouvelle culture de l'équipe, mais le manque de patience de l'entraîneur est bien connue.

Therrien avait un préjugé favorable à l'endroit de Daniel Brière quand Bergevin l'a greffé à l'équipe. Malheureusement pour Brière, il a connu un début de saison décevant l'an dernier. Il est tombé dans les mauvaises grâces de l'entraîneur et n'a jamais pu regagner sa confiance. Si je crois bien connaître Therrien, il va donner à Parenteau toutes les chances de jouer un rôle-clé aux côtés de Desharnais et Pacioretty durant la première tranche de 10 parties du calendrier. Si cela ne fonctionne pas, Parenteau va glisser dans un deuxième trio, puis dans un troisième. Therrien n'a pas de temps à perdre. Chaque match a son importance pour atteindre les séries.

Il est fini le temps où l'entraîneur se sentait dans l'obligation de donner toute la glace à un nouveau venu afin d'éviter de faire mal paraître une transaction effectuée par son DG. Ce n'est pas un comportement avec lequel Bergevin serait d'accord. Il fournit les meilleurs joueurs possibles à son entraîneur qui, lui, les dirige à sa manière. Si Bergevin n'endossait pas la façon de faire de Therrien, il ne l'aurait pas assis sur un contrat à long terme durant l'été.

Une équipe intéressante

J'ignore ce qui nous attend avec cette équipe dont on a retranché pas moins de neuf joueurs (Gionta, Brière, Gorges,Vanek, Bouillon, White, Murray, Parros et Budaj). On a sacrifié du leadership et beaucoup d'expérience. Il faudra vivre avec les erreurs des jeunes en espérant qu'elles ne soient pas majeures et répétées. En revanche, l'énergie ne manquera pas.

Le Canadien va se battre pour faire sa place dans l'Est. Avec un gardien de classe supérieure,  avec un marqueur potentiel de 40 buts et un défenseur parmi les meilleurs du circuit, c'est justifié de voir l'équipe dans les séries.

Cependant, malgré les succès encourageants de l'an dernier, il ne faut pas s'étonner d'entendre Bergevin viser une place dans les éliminatoires. Les directeurs généraux le font presque tous, la parité étant leur principal obstacle. Patrick Roy, dont la formation a fait un bond prodigieux au classement l'an dernier, affirme viser une place en séries, lui aussi.

À quoi s'attendre du CH?

Le truc, c'est de rester en santé. Un Price ou un Subban qui s'absenterait très longtemps placerait le Canadien dans une situation précaire. Mais toutes les équipes ne sont-elles pas dans la même situation?

J'ai aimé ce que Subban a répliqué quand on lui a demandé ce à quoi il s'attendait de l'équipe cette saison. Il n'a pas parlé de points au classement ou de position dans l'Est. Il a dit s'attendre à ce que le Canadien joue de la bonne façon et à ce que les joueurs agissent en professionnels.

C'était peut-être la réplique parfaite d'un athlète en audition pour le titre de capitaine, mais c'était néanmoins plein de bon sens.

De la classe

Il faudra se souvenir de ces athlètes qui ont porté dignement le dossard du Canadien et qui, malgré le fait qu'on ait coupé les ponts avec eux, sont partis en adoptant une conduite qui les honore.

Je pense notamment à Daniel Brière qui a mangé son pain noir sans perturber l'équipe et qui est parti sans jeter le blâme sur qui que ce soit. Je pense à Peter Budaj qui a demandé discrètement à être échangé sans que son éthique de travail n'en souffre à l'entraînement, même s'il était loin de s'attendre à se retrouver à Winnipeg et au ballottage 24 heures plus tard. En voilà un qui est en droit de se demander s'il y a une justice pour les athlètes exemplaires.

Finalement, l'ami de tout le monde, Francis Bouillon, qui a été victime du mouvement de jeunesse sérieusement amorcé par le Canadien et qui a souhaité une longue vie aux deux jeunes qui lui ont volé sa place.

De forts beaux exemples que ces trois-là.