BROSSARD – En 37 secondes, Tom Gilbert a eu le temps d’utiliser assez de mots pour rassurer tout le monde. Le long silence d’Andrei Markov, chronométré et traduit de multiples façons en 24 heures, n’a aucunement froissé son ego.

« Il est un homme de peu de mots », a affirmé Gilbert, riant de bon cœur devant les journalistes curieux d’obtenir sa réaction au malaise provoqué la veille par son partenaire de jeu.

Jeudi, Markov avait été pris de court par une question portant sur la chimie qui s’était installée entre lui et Gilbert, son compagnon à la ligne bleue depuis le camp d’entraînement. Son hésitation a aussitôt été vue, injustement ou non, comme une marque d’insatisfaction.

Impliqué bien malgré lui dans cette petite histoire, Gilbert a pris un ton rassurant quand est venu le temps de livrer son point de vue.

« Quand il s’exprime, ses paroles ont du poids. C’est ça l’important. Sur la glace, je n’ai pas toujours l’impression qu’il parle anglais, mais je comprends toujours très bien ce qu’il veut dire quand il crie quelque chose. Alors la communication est très bonne! », a-t-il promis.

« Je ne pense pas que vous apprenez à connaître Andrei Markov… », a exprimé Michel Therrien, camouflant mal son impatience face à cette mini-controverse. Ça fait assez longtemps qu’il est ici. C’est une personne qui ne parle pas beaucoup. J’espère que vous n’êtes pas surpris! »

« Par contre, c’est un compétiteur, un professionnel et un gars qui se présente tous les matchs. C’est ce qui est très important à mes yeux », a ensuite spécifié l’entraîneur.

« Il est un leader silencieux, a défendu Carey Price. Chaque jour qu’il se présente au travail, il met les efforts nécessaires à sa réussite et il s’attend à ce que tout le monde fasse la même chose. Il ne piquera jamais une crise, mais il sait faire comprendre subtilement à quelqu’un qu’il est mieux de se mettre au boulot, parce que c’est ce que fait tout le monde autour de lui. Sa contribution peut parfois passer inaperçue, mais elle rapporte toujours des dividendes. »

Gilbert, un vétéran de neuf saisons mis sous contrat au cours de l’été alors qu’il était joueur autonome, ne va certainement pas commencer à se plaindre. Le natif du Minnesota est de retour dans un marché dominé par le hockey après un bref séjour en Floride. Il joue 23 minutes par match, prend son tour régulier sur le jeu de puissance et fait équipe avec un vétéran aguerri, deux fois participant au match des étoiles.

L’adaptation n’est pas instantanée, mais Gilbert, qui n’a qu’un petit point en sept matchs, ne s’en fait pas trop.

« La chimie (avec Markov) est bonne, assure-t-il. Il a prouvé qu’il était l’un des meilleurs défenseurs dans cette ligue. En jouant avec lui, je réalise tous les petits détails auxquels il s’attarde et qu’il fait si bien. Ça rend ma tâche beaucoup plus facile. »

Embauché dans l’espoir qu’il ajouterait une profondeur nécessaire aux unités spéciales, Gilbert croit également qu’il ne faut pas trop s’en faire avec les succès tardifs et mitigés de l’attaque à cinq, qui produit à un taux d’efficacité de 14,3% depuis le début de la saison.

« On aimerait obtenir de meilleurs résultats, mais on a la conviction de travailler de la bonne façon. Lors du dernier match, on a eu quelques bonnes chances, on a raté un filet désert… Si on continue dans cette voie, en s’assurant de diriger le plus de lancers possibles, la rondelle finira par trouver le fond du filet », prédit l’arrière de 31 ans.

Le procès d'une statistique

Lars Eller partage la même philosophie que son nouveau coéquipier. Incapable d’acheter un but depuis le début de la saison, le jeune attaquant garde la tête haute, confiant que ses bonnes habitudes de travail finiront par engendrer des résultats visibles sur la feuille de pointage.

Non seulement Eller n’a qu’un petit point en sept matchs, mais son différentiel de moins-6 est impossible à ignorer. Seul son compagnon de trio Rene Bourque fait pire figure que lui à ce chapitre, à moins-7.

Lars EllerMais le Danois, à qui on ne pourra pas reprocher de se défiler, n’accorde pas trop d’importance à cette statistique.

« Je me souviens notamment d’une fois où je venais de sortir du banc et deux secondes plus tard, on s’est fait marquer. Si tous les buts qui m’ont placé dans le négatif étaient purement ma faute, je me regarderais dans le miroir en me disant que quelque chose ne va pas, mais ce n’est pas le cas », observe Eller, qui avait aussi terminé la saison 2013-2014 avec le pire différentiel du CH, un frigorifique moins-15

Michel Therrien a répété jeudi que le rendement offensif de son troisième trio le préoccupait et qu’il cherchait des solutions pour le relancer, mais Eller et lui se rejoignent sur la pertinence de ces fameux « +/- »…

« Il ne faut pas faire l’erreur de se fier à cette fiche. Nous, on ne le fait pas en tout cas, ce n’est pas là-dessus qu’on base nos décisions. C’est une statistique qui peut être vraiment trompeuse. On regarde davantage les chances de marquer qu’on provoque et qu’on obtient. »

« Lars et Rene ont leur chances. On veut seulement qu’ils en aient sur une base plus constante », a conclu Therrien pour mettre la léthargie des deux hommes en perspective.

Par ailleurs, le coach a révélé qu’il comptait poursuivre, samedi contre les Rangers de New York, l’expérience initiée en début de semaine alors que Dale Weise avait pris la place de Jiri Sekac sur le trio pivoté par Eller.

« Dans le cas de Weise, j’ai beaucoup aimé son implication. Son jeu avait du mordant, il s’impliquait physiquement, il allait au filet. Ce sont des choses qu’on attendait de sa part », a dit Therrien, répétant l’évaluation qu’il avait faite après la victoire contre les Red Wings de Detroit.

« Dale a fait du très bon travail, il a apporté une autre dimension à notre ligne, a convenu Eller. Sekac et lui sont des joueurs aux styles différents, mais chacun à ses atouts. Avec l’un ou l’autre, tout va finir par s’arranger. »