Donnez tout le crédit aux joueurs du Lightning de Tampa Bay. Ils ont été supérieurs durant une soirée où tous les acteurs impliqués se devaient de jouer comme si leur propre vie en dépendait.

C'est précisément ce qu'ils ont fait. Ils n'ont rien laissé sur la table. Le Canadien a bien essayé par moments, mais ses adversaires ont exercé un contrôle quasi total de la rencontre. Plus rapides et plus agressifs, ils ont souvent été les premiers sur la rondelle. Bref, ils ont étouffé les derniers espoirs du Canadien.

Le Lightning a offert sa meilleure performance de la série. L'entraîneur Jon Cooper a même parlé d'un match quasi parfait de son équipe.

Ben Bishop, qui a été solide, a volé un but à Tomas Plekanec au début du match. C'est comme si le gardien qu'on croyait ébranlé avait décidé de donner le ton au match. Un peu plus tard, quand Nikita Kucherov a habilement fait dévier la rondelle derrière Carey Price, la bande de Michel Therrien s'est vue encore une fois dans l'obligation de jouer du hockey de rattrapage. Tampa n'a jamais perdu (6-0) après avoir marqué le premier but dans les séries. Ça, les joueurs le savaient.

Le Canadien n'a pas paru aussi déterminé que lors de ses deux victoires précédentes. Après avoir obtenu plus de tirs que Tampa dans chacune des cinq premières parties, il n'a pu faire mieux qu'une faible mitraille de 19 lancers cette fois.

Bishop, qui a été sauvé par un autre poteau devant Pierre-Alexandre Parenteau, a fermé la porte dans les rares moments où le Canadien a exercé une certaine forme de pression. En troisième période, Dale Weise, qui s'est présenté complètement seul devant lui, a tiré du côté de la mitaine du gardien format géant, là où on croyait avoir identifié une lacune de sa part. Bishop a cueilli la rondelle comme un fruit mûr.

La logique a été respectée puisque le Lightning était la formation la plus talentueuse dans cette série. Tampa n'a pas toujours bien joué, mais dans un match de cette importance, ses joueurs ont démontré qu'en ouvrant la machine, ils étaient parfaitement capables d'afficher leur supériorité.

Dans le camp adverse, le manque de productivité des attaquants, particulièrement en supériorité numérique, et une inefficacité coûteuse à court d'un joueur sont grandement responsables de cette élimination que certains partisans jugeront trop hâtive. Toutefois, on ne peut pas continuellement se battre soir après soir pour marquer un ou deux buts de peine et de misère. Durant toute la saison, l'équipe n'a marqué le premier but qu'à 44 occasions. À la longue, la pression constante occasionnée par cette situation est physiquement et mentalement très exigeante. Hier soir, le Canadien a donné l'impression d'avoir atteint la limite de ce qu'il pouvait offrir, ce qui a fait dire à son entraîneur que le réservoir était vide, surtout mentalement.

Si Tampa possédait les meilleurs éléments offensifs, le Canadien, de son côté, a démontré énormément de caractère durant cette série. C'est son acharnement au travail, allié évidemment aux performances répétées de Carey Price, qui a rendu possible cette palpitante série de six parties qu'on n'a pu pousser à la limite.

Comme elle le fait souvent pour gagner en pareilles circonstances, une équipe remet son sort entre les mains de son meilleur homme. Elle doit miser sur celui qui, par son talent, peut et doit faire une différence. Le capitaine Steven Stamkos a démontré pourquoi il est reconnu comme le leader en chef de cette belle formation. Il a été l'inspiration de son équipe. Même si on le croyait blessé au poignet gauche, il a attaqué Price à quatre occasions. Il a marqué le but gagnant sur un tir foudroyant sur lequel le joueur par excellence de la saison, dont la vue était partiellement voilée par Jeff Petry, n'a pu rien faire.

Beaucoup de boulot pour Bergevin

Après la cruelle défaite de 2-1 dans le troisième match, quand le Canadien a concédé le but gagnant au Lightning dans la dernière seconde de jeu après avoir dominé le match pendant une cinquantaine de minutes, j'ai émis l'opinion que l'équipe ne possédait pas encore les éléments pour se mesurer aux plus sérieux aspirants à la coupe Stanley. On peut posséder le meilleur gardien de la ligue, ce n'est pas un gage de succès si on n'obtient pas la contribution de tous les autres.

À la suite des deux victoires qui ont suivi, des internautes m'ont gentiment demandé si je regrettais ce que j'avais écrit. Pas du tout. Même si le Canadien avait vaincu le Lightning pour accéder à la série suivante, j'aurais maintenu cette opinion. C'est assez évident, malgré une saison de 50 victoires et de 110 points, que le Canadien n'en est pas encore là. On doit donc faire le même constat que le printemps dernier. Cette équipe n'est pas encore parfaitement bâtie pour les séries éliminatoires. Pour une ou deux séries, ça peut aller, mais pour une guerre de tranchées de quatre séries, la mission de Marc Bergevin est loin d'être complétée.

Attendez de voir la bagarre que vont se livrer les Blackhawks et les Ducks dans l'Ouest et vous me direz si l'attaque déficiente (pour être poli) du Canadien aurait fait long feu en grande finale.

Le Canadien aligne actuellement trois joueurs capables de charrier l'équipe : Price, P.K. Subban et Max Pacioretty. Il vient de succomber contre une formation qui possède un très bon gardien. Tampa, qui n'a pas de Subban, possède aussi en Stamkos un premier marqueur supérieur à Pacioretty qui a pourtant connu une saison exceptionnelle.

C'est au niveau de ses deux premiers trios que le Lightning est supérieur au Canadien. Petite question. Combien d'attaquants du Canadien auraient pu évoluer au sein des deux meilleures lignes d'attaque du Lightning dans cette série? Pacioretty assurément. Peut-être le tenace Brendan Gallagher à la limite. C'est à peu près tout.

On n'a pas vu de Tyler Johnson, de Nikita Kucherov et d'Ondrej Palat chez le Canadien. On n'a pas vu un capitaine se lever comme Stamkos l'a fait. Le vrai capitaine du Canadien, Carey Price, a tout fait sauf marquer des buts. Finalement, le manque d'appui offensif de ses coéquipiers oblige aujourd'hui celui qui repartira bientôt de Las Vegas avec un plein camion de trophées, à planifier de longues vacances, bien malgré lui.

Le Canadien sera de ce grand rendez-vous un jour, mais son directeur général a beaucoup de pain sur la planche avant que l'équipe en soit là. Le premier à le reconnaître est sans doute Marc Bergevin lui-même. Trois ans après son arrivée, son mandat de ramener l'équipe au sommet progresse, mais sa tâche reste colossale.

Bergevin a hérité d'une équipe en déroute. Partie de la dernière place dans l'Est et du 27e rang au classement général avec une récolte embarrassante de 78 points, les succès obtenus jusqu'ici contribuent à générer de l'enthousiasme pour les années à venir. Le dernier pas à franchir sera le plus difficile. Le Canadien doit maintenant passer d'un statut d'équipe respectée à celui d'une formation championne.

En attendant, pour la 22e année consécutive, la coupe Stanley ne sera pas remportée par une organisation du Canada. Depuis l'exploit du Canadien en 1993, quatre équipes, Vancouver (deux fois), Ottawa, Edmonton (le croiriez-vous) et Calgary ont accédé à la finale sans pouvoir terminer le travail.

Chez nous, faudra être patient... encore une fois.