Je sais qu’il est très tentant de basculer tout de suite en mode séries éliminatoires et de se lancer dans le jeu des comparaisons, prédictions et autres mes amis, mais nous aurons bien le temps de le faire au cours des prochains jours. Entre temps, il est essentiel de revenir sur la saison du Canadien de Montréal et donner le crédit à une équipe qui, contre vents et marées, a su maintenir une constance remarquable depuis le 8 octobre 2014 et terminer au premier rang de sa section et au deuxième de la Ligue nationale de hockey en général! Soyez honnêtes, levez la main ceux qui avaient exprimé clairement une telle possibilité avant le début de la campagne qui vient de se terminer?

Le jeu exceptionnel de Carey Price est certes au cœur de ce parcours. Price a finalement mis la main sur le trophée Jennings (conjointement avec Corey Crawford) et sera indéniablement un candidat sérieux aux trophées Vézina et Hart. Combien des 110 points de classement du Canadien lui sont-ils imputables? Une quinzaine? Une vingtaine? Peu importe la réponse exacte, on peut facilement imaginer que le Tricolore serait peut-être exclus des séries s’il n’avait pas manifesté un tel brio pendant près de 80% de la saison.

A-t-il été moins dominant au cours des dernières semaines? Oui, parallèlement au relâchement global de l’équipe observé depuis la date limite des transactions. Mais sa fiche et surtout, son impact sur la position au classement du Canadien en fait la grande étoile du Tricolore et de la LNH au cours de la saison qui vient de se terminer.

J’ai exprimé dans cette chronique récemment le mérite qui revient aussi au duo formé de P.K. Subban et Andreï Markov. Mais on se doit de le faire à nouveau dans le contexte de cette chronique. En atteignant le plateau des 50 points à Toronto, Markov a porté à 110 le total accumulé par les deux défenseurs. Or, il s’agit d’un facteur déterminant compte tenu des carences du Canadien en attaque par rapport à ses concurrents directs. Quarante-six de ces points ont peut-être été obtenus en supériorité numérique, mais il reste que sans le soutien offensif constant de ses deux défenseurs étoiles, le Canadien aurait, là aussi, connu un sort différent. Rappelons que ces statistiques sur le plan offensif s’inscrivent aux côtés de celles non moins éloquentes sur le plan strictement défensif. En présentant un différentiel combiné de +39 et un total de 312 tirs bloqués, on ne peut rien reprocher à Subban et Markov à titre de défenseurs. Au passage, Subban a livré en moyenne plus de 26 minutes de temps de jeu par match et Markov, tout près de 25 minutes. Tout ça en restant solidement debout tout au long de la saison, malgré les charges répétées des attaquants adverses.

Ces éloges ne diminuent en rien l’apport des autres joueurs et celle des entraîneurs. Max Pacioretty a maintenu son statut de marqueur élite dans la LNH (au 5e rang du circuit), Brendan Gallagher s’est avéré un modèle de constance et a poursuivi sa belle éclosion tandis que Tomas Plekanec a joué à merveille le rôle polyvalent qu’on lui a confié. Michel Therrien, quant à lui, mérite de voir son nom inscrit sur le bulletin des finalistes au trophée Jack-Adams, même si Bob Hartley part favori dans cette lutte. Il a mené avec brio cette équipe en mutation, a multiplié les changements de trios quand il le fallait et a su faire l’équilibre entre le refus du compromis et la patience qu’il faut parfois démontrer dans certaines situations.

En tenant pour acquis que la perfection n’existe pas dans le sport, que la parité a atteint un niveau inégalé dans la LNH et que la ligne de démarcation est infiniment mince entre un titre de division et une exclusion des séries, on peut conclure que le Canadien de Montréal vient de conclure une grande saison. L’une des plus remarquables du dernier quart-de-siècle!

Un changement de culture s’impose

Il y a un fil conducteur qui me fait sourire parmi certaines équipes éliminées dans l’Est : elles ont toutes joué la carte de l’intimidation au cours des dernières années sans se rendre compte que le hockey s’en allait carrément ailleurs. Et elles en paient le prix aujourd’hui!

Le rappel de Colton Orr par les Maple Leafs de Toronto, samedi, se justifie peut-être par la volonté de lui donner un dernier tour de piste avant sa retraite, mais n’est-il pas le symbole parfait de la récente vague de médiocrité des Leafs? Il fut un temps pas si lointain où Orr, Frazer McLaren, Mike Brown et compagnie faisaient part intégrante du plan de match de Randy Carlyle, ce qui enlevait forcément des postes à des jeunes de l’organisation qui auraient pu obtenir un essai dans la LNH et montrer ce dont ils sont capables.

La haute direction a été confiée à Brendan Shanahan, Carlyle est parti depuis janvier, le directeur général Dave Nonis et l’entraîneur par intérim Peter Horacek ont été congédiés dimanche, d’accord, mais le mal est fait. Il faudra revoir en profondeur la façon de repêcher, revoir les joueurs autonomes ciblés, revoir qui peut être offert ou visé sur le marché des transactions pour être capable éventuellement de rivaliser avec les Max Pacioretty, Brendan Gallagher, Tyler Johnson, Nikita Kucherov, Mark Stone, Mike Hoffman, Tomas Tatar, Gustav Nyquist, Nick Bjugstad, Jonathan Huberdeau et autres jeunes joueurs talentueux qui ont carrément redéfini le visage de la division Atlantique depuis deux ans.

Il y aussi un autre effet pervers à ce « marketing » de la violence qui prédomine encore à Philadelphie et à Boston, deux autres équipes à la dérive : il étouffe le talent des bons joueurs et en force même certains à agir parfois en idiots sur la patinoire. Lorsque l’écran géant se met à cracher ces interminables montages de violence au TD Garden ou au Wells Fargo Center, avant les matchs, plutôt que de faire la promotion des jeux spectaculaires de Patrice Bergeron, David Krejci, Claude Giroux ou Jakub Voracek, on fait cruellement ombrage aux meilleurs joueurs de ces formations et on place indirectement une pression sur certains autres pour « livrer » le produit qu’on promet aux spectateurs.

Daniel Brière l’a clairement exprimé lors de la toute première entrevue qu’il me confiait lors de son arrivée à Montréal. Cette image ridicule des Broad Street Bullies qui colle encore à l’équipe depuis 40 ans devient de moins en moins possible à concrétiser sur la patinoire, en autant qu’on cherche à présenter une fiche gagnante aux spectateurs. Ed Snider, le chef de la direction, Paul Holmgren, le président, Ron Hextall, le directeur général, Bobby Clarke, le vice-président, Craig Berube, l’entraîneur-chef, Dave Brown, le chef du recrutement, Bill Barber, le conseiller spécial au recrutement font tous partie de cette tradition chez les Flyers et ils ont droit à leur juste place dans l’histoire de l’équipe. Mais peut-être serait-il temps d’ouvrir la porte à des gens de l’extérieur afin de rafraîchir les bases de la relance de cette concession qui évolue dans l’un des plus beaux marchés de sport aux États-Unis.