En juin dernier, lors de l’envolée vers New York alors que Los Angeles célébrait leur deuxième conquête de la coupe Stanley en trois ans, Alain Vigneault savait que ses Rangers changeraient de visage au cours de l’été qui commençait.

Brad Richard, dont le contrat a été racheté, évolue maintenant avec les Blackhawks de Chicago.

Le gros attaquant Brian Boyle et le respectable défenseur Anton Stralman ont profité de leur autonomie pour accepter les lucratives offres de contrat du Lightning de Tampa. Sans oublier Benoit Pouliot, que l’entraîneur-chef des Rangers a su relancer en deuxième portion de saison, qui a suivi l’argent du pétrole en acceptant la proposition plus que généreuse des Oilers d’Edmonton.

Parce qu’il n’avait pas le moindre contrôle sur les changements anticipés au sein du vestiaire, Vigneault souhaitait simplement que le directeur général Glen Sather et les autres membres de l’état-major soient en mesure de combler les départs en faisant quelques bonnes acquisitions susceptibles d’améliorer son équipe. Des améliorations qui aideraient l’entraîneur-chef à conduire son équipe en finale de la coupe Stanley le printemps prochain et, cette fois, d’être en mesure de la soulever au lieu d’être chassée de la finale en cinq parties comme ce fut le cas aux mains des Kings.

Au-delà des changements au sein du vestiaire, Vigneault savait que d’autres changements l’affecteraient plus directement alors que ses adjoints Ulf Samuelsson et Scott Arniell étaient dans la mire de quelques équipes.

«Je savais que les Penguins avaient les yeux sur Scott et Ulf. Je savais aussi que les Canucks s’intéressaient à Scott et plusieurs rumeurs envoyaient Ulf à la barre des Hurricanes en Caroline. Il n’était pas question de les empêcher de profiter des chances qui s’offraient à eux d’améliorer leur sort», raconte Alain Vigneault joint plus tôt cette semaine à New York.

Convaincu qu’il perdra un de ses adjoints, voire les deux, Vigneault ébauche alors un plan d’action afin de réagir en cas de besoin.

«Le plan était facile à ébaucher. Dan (Daniel Lacroix) m’avait indiqué vouloir revenir derrière le banc avec nous ou avec une autre équipe. Je tenais vraiment à garder Dan avec nous, car il complétait très bien notre groupe d’entraîneur. On se comprenait bien et il avait un input positif sur les joueurs. Si Scott ou Ulf quittait, Daniel descendait de la galerie de presse pour venir me rejoindre derrière le banc. Si je perdais mes deux adjoints, il était encore plus nécessaire de faire descendre Daniel et je me serais ensuite tourné vers les Canucks pour courtiser Darrell Williams qui était mon responsable du vidéo pendant mon séjour à Vancouver.»

Samedi soir au Centre Bell, Daniel Lacroix sera derrière le banc. Mais parce qu’Alain Vigneault sera toujours encadré par Ulf Samuelsson et Scott Arniell, Lacroix remplira son nouveau rôle avec le Canadien contre ses anciens collègues, son ancienne équipe.

Alain Vigneault tenait à Daniel Lacroix. Mais il était hors de question de le priver de la chance qui s’offrait à lui avec le Tricolore. Bon ami de l’entraîneur-chef du Canadien, Vigneault s’était même assuré de mousser la candidature de Lacroix lorsque Michel Therrien l’a contacté l’été dernier.

«Quand Mike m’a appelé pour me dire que Dan était un des candidats sur sa liste et que le Canadien demanderait la permission de parler avec lui, j’ai appuyé sa candidature. Je savais que je le perdrais et j’étais déçu. J’ai beaucoup aimé travailler avec Dan. Comme moi, il est très pointilleux sur les détails. Avec nous, Daniel s’occupait de mettre la table pour les matchs à venir. Il disséquait les clubs. Arrivaient avec les points forts, avec les points plus vulnérables. Il donnait le ton à la préparation des parties alors que Scott gérait l’attaque massive et Ulf le désavantage numérique.»

Quand on demande à Vigneault de mettre le doigt sur la plus belle qualité de Lacroix, il lance un mot assez surprenant : «Dan est un artiste. Il dessine. Il a du talent. Il voit le match avec un autre œil que le mien.»

Disons que le mot artiste pour décrire un joueur de quatrième trio qui a gardé sa place dans la LNH avec ses épaules et ses poings plus qu’avec ses mains et ses points, il y a de quoi sourire.

«Dan est un coach de carrière. Comme moi. Comme Michel. Il a eu une meilleure carrière que Mike et moi comme joueur, mais c’est quand même le coaching qui l’a gardé dans le hockey et il a fait son chemin à tous les niveaux. Le côté artiste dont je parlais tantôt il savait le mettre à contribution dans les vidéos qu’il montait pour expliquer des choses spécifiques à l’équipe ou plus directement à certains joueurs. Il était aussi très bon pour casser la routine qui est dangereuse lorsqu’elle s’installe. En fin de saison et en séries, sa contribution était vraiment précieuse.»

À Montréal, Dan Lacroix a de gros souliers à chausser. Gerard Gallant qu’il remplace en raison de son embauche à titre d’entraîneur-chef des Panthers de la Floride était très près des joueurs. Il remplissait à merveille son rôle de soupape entre le vestiaire et le bureau de Michel Therrien. Sa bonhommie, sa complicité avec les joueurs l’ont aidé à désamorcer quelques situations tendues avant qu’elles ne dégénèrent.Gerard Gallant

Sans connaître la dynamique du vestiaire du Canadien, Alain Vigneault est convaincu que son ancien adjoint pourra grandement épauler Michel Therrien sur le plan des relations humaines.

«Les adjoints rétablissent les ponts dans tous les vestiaires de la LNH. C’est normal. Ça fait partie de leur job et c’est très important. À ce niveau, Dan a les connaissances et l’aplomb pour bien réussir. Parce qu’il a coaché à tous les niveaux, parce qu’il a fait du bus, parce qu’il a connu des moments difficiles et des succès avec ses équipes, il a su développer ses relations. Et parce qu’il a joué plus longtemps que nous, il sait bien lire les besoins des joueurs. Son expérience va le servir et servir la cause du Canadien. Il arrive à Montréal avec un bon bagage. Je te l’ai dit tantôt. J’étais déçu de le perdre. On tenait à lui parce qu’il était un atout pour notre club. C’est le Canadien qui bénéficie maintenant de ses qualités. Il s’ennuyait du banc. Il s’ennuyait de l’action. Il va en avoir en masse à Montréal», a conclu Vigneault en riant.

Parce qu’il a fait ses premiers pas comme entraîneur-chef dans la LNH derrière le banc du Canadien, Alain Vigneault sait que la pression qui pèse sur les épaules de Michel Therrien est lourde.

Il sait aussi que Dan Lacroix la ressentira.

De fait, il l’a déjà senti. Malgré un début de saison étincellent avec six victoires en sept matchs, l’attaque à cinq – dont Lacroix a la responsabilité – a connu des ratés lors des premières rencontres. Après quatre rencontres, le Tricolore avait bousillé les 14 attaques massives offertes par ses adversaires.

Trois buts en six supériorités numériques lors des victoires aux dépens des Bruins (2 en 3) et l’Avalanche (1 en 3) ont relancé l’attaque massive et calmé la première vague d’insatisfaction des partisans et observateurs.

Il sera intéressant de voir au fil de la saison de quelle façon Lacroix saura composer avec ses fluctuations de l’humeur des partisans et observateurs, des fluctuations dont les courbes très prononcées, voire parfois exagérées, suivent de près celles des succès ou insuccès de l’équipe.