Après avoir décortiqué l’échange impliquant P.K. Subban et Shea Weber sous divers angles, certains sont demeurés sceptiques, c’est le moins que l’on puisse dire, concernant le fait que Weber soit un défenseur élite au sein de la LNH. En se basant sur l’ensemble de sa carrière, il n’est pas possible de formuler un argumentaire affirmant l’inverse. En effet, lors des dernières années, Weber a peut-être été le meilleur défenseur de la LNH, à l’exception de Zdeno Chara, mais deux éléments jouent présentement contre lui.

Premièrement, il y a l’âge. Tous les joueurs finissent inévitablement par décliner, certains plus tôt que d’autres. Même les joueurs qui se font un devoir de se tenir en excellente condition physique finissent éventuellement par voir leur niveau de jeu décliner. À sa deuxième saison à Montréal, Scott Gomez n’était plus en mesure d’être le même joueur qu’il avait jadis été, et ce n’était pas par manque d’effort de sa part. Jaromir Jagr, Nicklas Lidstrom et Chris Chelios sont de rares phénomènes génétiques qui furent capables de maintenir un niveau de jeu élite après que leurs meilleures années soient derrière eux. Il demeure que ce ne sont que trois joueurs dans toute une génération de hockeyeurs.

Le deuxième élément jouant contre Weber est que la LNH a quelque peu changé depuis qu’il a connu ses meilleures années. L’accent est davantage mis sur la vitesse et moins sur la robustesse. Ceci a un impact moindre que l’âge, mais affecte tout de même l’impact de Weber lors des parties.

Dans mon article initial portant sur cette transaction publié sur RDS, un point que j’ai tenté de démontrer fut que comme Weber effectue moins de jeux en possession du disque que Subban, son impact sur une rencontre est donc moindre. Afin de contextualiser l’implication de Weber en possession de la rondelle, j’ai dressé une liste de défenseurs qui effectuent des jeux en possession du disque à une fréquence similaire à celle de Weber. Cette liste comprenait Ladislav Smid et Cody Ceci. Plusieurs ont cru que je comparais ces joueurs au niveau talent, mais l’argumentaire portait sur l’implication de ces joueurs en possession du disque ainsi que sur leur impact général positif (et négatif) lors des rencontres. Évidemment, Shea Weber est bien meilleur que ces joueurs dans toutes les facettes du jeu.

Cependant, le manque d’implication de Weber comparativement aux défenseurs élites de la LNH est la principale raison justifiant son faible taux de revirements selon les statistiques de la LNH. Ce n’est pas qu’il est un joueur moins à risque en possession de la rondelle, il fait des erreurs comme tout le monde. En proportion de son nombre total de jeux effectués, il a commis plus d’erreurs que Subban la saison dernière.

Certains ont mal pris l’idée voulant que Weber soit un joueur globalement en déclin comme il a marqué 20 buts la saison dernière, un chiffre astronomique pour n’importe quel défenseur. Cependant, l’efficacité de Weber sur l’avantage numérique n’a jamais été remise en cause. Il est évidemment encore l’un des meilleurs sur l’attaque à cinq. Toutefois, il y a de moins en moins de jeux de puissance dans la LNH, et ce à chaque saison. Encore une fois, cela minimise l’impact de Weber lors d’une rencontre.

Toutefois, en s’attardant à l’impact général de Weber, nous pouvons tenter de voir à quel point il est moins performant que lors de ses meilleures années. Pour y parvenir, son impact comparativement à ses coéquipiers sera présenté graphiquement en termes de pourcentage de buts marqués et de pourcentage de tirs tentés (Corsi). Cela est essentiel pour quantifier l’impact de Weber sur le temps de possession de son équipe.

Tableau Shea Weber

Comme vous pouvez le constater, les résultats en termes de buts marqués sont plus erratiques que ceux portant sur les tirs tentés au moment de comparer les diverses saisons, ce qui est attribuable au fait que ces données dépendent partiellement des performances des gardiens de but. La dernière saison où Weber fut indéniablement un défenseur élite en ce qui concerne la possession de la rondelle et au moment de contrôler le pointage fut en 2011-12, la baisse enregistrée depuis étant importante.

En utilisant des tendances linéaires, nous pouvons observer la diminution de son niveau de performance de manière générale. La dernière saison fut de loin la pire de Weber à égalité numérique. Ces tendances linéaires offrent une perspective horrible du joueur d’impact que sera Weber dans le futur. Cependant, il faut lui accorder le bénéfice du doute en raison de l’étoffe de sa carrière.

Tous les joueurs ralentissent avec l’âge, c’est inévitable. Cependant, pour le bien-fondé de l’argumentaire, assumons que le style de jeu prôné par Peter Laviolette ne fut pas favorable à Weber et que celui de Michel Therrien devrait davantage lui convenir. Alors, assumons que le niveau de jeu de Weber déclinera d’un taux de seulement 25% comparativement à celui que nous pouvons observer lors des huit dernières saisons, soit depuis 2007-08. Qu’est-ce que cela nous indique?

Aucun joueur ne connait un déclin linéaire. Leur niveau de jeu monte et décline selon une multitude de facteurs. Ainsi, nous devons prendre en compte qu’il y a une marge d’erreur en ce qui concerne les données enregistrées lors des neuf saisons précédentes au moment de décortiquer les performances auxquelles l’on peut potentiellement s’attendre de Weber.

Tableau Shea Weber 2

Les barres verticales croisant les tendances linéaires bleues et rouges illustrent les variations auxquelles l’on peut s’attendre au cours d’une même saison pour chacune de ces données. Ces résultats ne sont pas aussi prononcés que ceux des tendances linéaires initiales, comme nous avons diminué la baisse attendue du niveau de performance de Weber de 75%. Malgré tout, dès la saison prochaine, il y a plus de 50% de probabilités que Weber se classe sous la moyenne de ses coéquipiers en termes de différentiels relatifs de tirs tentés et de buts marqués. À la quatrième année, il y a près de 70% de probabilités qu’il soit devenu un joueur ayant un impact négatif.

 

Ceci n’est d’aucune façon une analyse parfaite. Je doute qu’il y existe une certitude voulant que Weber ne sera plus un joueur ayant un impact positif pour les 10 prochaines saisons, s’il les joue toutes. Cependant, le risque que Weber passe de l’un des meilleurs joueurs du monde du hockey à un défenseur n’étant plus en mesure d’évoluer sur une première paire à forces égales est bien réel.

Il y a des arguments valables voulant que les moins bons résultats de Weber soient attribuables à la perte de Ryan Suter comme partenaire de défense. Roman Josi y est présenté comme un fardeau accentuant la baisse de performance de Weber, ce qui peut être vrai dans une certaine mesure. Toutefois, Ryan Suter était lui-même un défenseur élite, plusieurs affirmeront qu’il l’est encore, et si c’est le type de joueur avec lequel Weber doit évoluer pour connaître du succès, c’est qu’il n’est pas un joueur d’élite.

Je ne crois pas que Weber ait besoin d’être jumelé à un partenaire défensif aussi solide que Suter pour connaître du succès. Certes, il a besoin de plus de support qu’auparavant, surtout en ce qui concerne le rôle qu’il assumera. Si Weber ne peut pas jouer avec un défenseur de la trempe de Suter, le Canadien de Montréal ne comptant pas sur un tel joueur, son travail devra être facilité. Jeff Petry n’était pas très aimé en général à Edmonton (à l’exception des blogueurs), mais il est devenu la saveur du jour à Montréal en jouant des minutes moins importantes, celles-ci étant assumées par Subban. Ironiquement, dans le même rôle, Weber pourrait s’affirmer de la même façon, peut-être même à un bien meilleur niveau, mais le Tricolore ne peut plus compter sur Subban maintenant.

Selon toute vraisemblance, il reste encore quelques bonnes années à Weber, peut-être même quelques années exceptionnelles, mais il n’est plus possible de formuler à son égard les mêmes attentes qu’en 2011-12, comme il n’est plus le même joueur.