TORONTO - En théorie, la convention collective qui est arrivée à échéance dernièrement aurait dû limiter la flambée salariale chez les joueurs âgés dans la vingtaine, mais trois contrats paraphés en 1997-98 ont grandement modifié le portrait.

Joe Sakic, Paul Kariya et Eric Lindros ont reçu de lucratives ententes qui expliquent en partie l'actuel conflit qui paralyse les activités de la LNH. Les trois contrats ont causé un tort irréparable au système. Et ne blâmez pas les joueurs, ce n'est pas de leur faute.

Ce qu'on souhaitait il y a 10 ans, du côté des propriétaires, était que la convention collective exerce un contrôle efficace sur la montée des salaires parce que les équipes pouvaient avoir la mainmise sur les joueurs jusqu'à l'âge de 31 ans, soit jusqu'à ce qu'ils puissent obtenir le statut de joueur autonome sans compensation.

Les propriétaires souhaitaient limiter plusieurs, sinon la plupart, des joueurs autonomes de groupe 2 (avec compensation) à l'augmentation salariale minimum prévue de 10 pour cent par rapport à leur salaire de la saison précédente - surtout les joueurs n'ayant pas le droit à l'arbitrage salarial.

Sakic, âgé de 28 ans à l'époque, a représenté la première brèche dans le système. L'Avalanche du Colorado a dû égaler l'offre contractuelle de 21 millions $ US pour trois ans que lui ont présentée les Rangers de New York, en août 1997, afin de retenir ses services.

Sakic a vu son salaire plus que doubler, passant de 3,1 à 7 millions.

Soudainement, le salaire de référence pour un joueur vedette de la ligue âgé de moins de 31 ans faisait un bond prodigieux.

Et il y a eu le cas de Kariya, âgé de 23 ans à l'époque. Il venait de compléter sa troisième saison dans la LNH, au cours de laquelle il a récolté 99 points en touchant un salaire de 2,075 millions $ US.

Il voulait obtenir une grosse augmentation de salaire, mais il avait peu de recours à titre de joueur autonome avec compensation de groupe 2 ne pouvant pas faire appel à l'arbitrage salarial.

En vertu de la convention collective, tout ce que les Mighty Ducks avaient à faire, c'était de lui offrir une augmentation de salaire de 10 pour cent.

Kariya a rejeté l'offre et il a fait l'unique chose qu'il pouvait dans sa situation: ne pas se présenter au camp d'entraînement et rater les 32 premiers matchs de l'équipe en saison régulière. Il exigeait un contrat comme celui de Sakic.

Les Mighty Ducks, qui en arrachaient sur la glace, lui ont finalement consenti 14 millions $ US pour deux ans en décembre 1997.

En avril 1998, Teemu Selanne, également des Mighty Ducks, a également touché le gros lot, soit 17,5 millions $ US pour deux ans.

Ces deux ententes ne se seraient pas concrétisées n'eût été de l'offre que les Rangers ont faite à Sakic en 1997.

"L'offre des Rangers à Sakic, que l'Avalanche a égalée, a pavé la voie à la flamblée des salaires chez les joueurs du groupe 2, a confié un directeur général désirant garder l'anonymat. Et peu de temps plus tard, Kariya et Selanne ont reçu de gros contrats.

"Ces contrats ont affecté tout le marché des joueurs du groupe 2 et les salaires qu'on leur a donnés sont devenus des barèmes en arbitrage.

"Un joueur montrant des statistiques semblables à ceux de Kariya et qui gagnait 2 millions estimait qu'il méritait 5 millions", a-t-il expliqué.

Et puis il y a eu le cas Lindros, âgé de 24 ans à l'époque, qui a accepté un prolongement de contrat de deux ans des Flyers de Philadelphie en janvier 1998. L'entente a fait passer son salaire de 3,74 à 8,5 millions, et Lindros a touché 8,5 millions en 1998-99.

Et deux des grandes vedettes de la ligue, Jaromir Jagr et Peter Forsberg, ont franchi le plateau des 10 millions par saison.

Don Baizley, agent de joueurs basé à Winnipeg, est le conseiller des Sakic, Kariya, Selanne et Forsberg, entre autres. Il a admis que le contrat de Kariya a largement influencé le marché des joueurs de groupe 2.

"On ne peut pas nier que ç'a été une mise sous contrat pivot, a-t-il dit. Mais cette signature s'est faite dans le contexte d'un marché haussier au chapitre des revenus pour toutes les équipes. Il y avait de l'optimisme dans l'air quant aux perspectives économiques. La compagnie Disney, propriétaire de l'équipe, était confiante de bien composer avec ce salaire."

Avec le recul, ce qui a rendu la pilule plus dure à avaler pour la LNH, c'est que les contrats des Sakic, Kariya et Lindros ont été paraphés après le renouvellement de la convention collective après juin 1997 pour une période de quatre ans.

Les dégâts avaient déjà été faits. Et maintenant la LNH veut les réparer en voulant implanter un plafond salarial.